verte en Égypte, enchâssée dans un manche en bois, et M. de Mortillet a déjà signalé un poignard ou pointe de lance semblable, extrait d'une grotte du département de la Marne. On doit donc plutôt ranger ces armes dans la catégorie des poignards. Il a été trouvé dans le même gisement un long couteau retaillé en scie et mesurant 21 centimètres de longueur; il est malheureusement brisé en deux morceaux à peu près égaux. Cet instrument se termine par une extrémité de forme aplatie et largement arrondie. Il est retouché sur les bords et tout le long de l'arète médiane qui divise ses deux plans de la face supérieure. Les puits funéraires ont fourni de nombreuses flèches à tranchant transversal, soixante-dix environ, de dimensions variant de 4 à 1 centimètre de longueur, tandis qu'ils ne nous ont donné que deux spécimens de flèches à pointe d'une forme ovalaire allongée et retouchée à petits coups. (Collection Armand.) Dans les sépultures de la Marne, à l'époque de la pierre polie, et à quelque genre qu'elles appartiennent, on ne retrouve donc, à de rares exceptions près, que la flèche à tranchant transversal. Ce type, qui a été rencontré sur plusieurs points en France et en Europe, notamment en Scanie, où on le trouve en abondance, est donc plus commun dans notre région que la flèche à pointe. Or, on ne peut admettre, et cela d'après les trouvailles faites dans les puits-sépultures de Tours-sur-Marne, ainsi que dans les grottes de la vallée du Petit-Morin, que les quelques flèches à pointe de différents types qui y ont été rencontrées aient constitué tout l'armement des nombreux individus ensevelis dans ces hypogées. Si la flèche à tranchant transversal avait été un outil, un instrument, pourquoi le rencontrer toujours avec des XLII SESSION. 3 cadavres. Il devait sembler plus noble à ces peuples de donner au guerrier ses armes pour compagnes de la tombe, ainsi que l'ont fait avant eux les populations de l'époque du renne ou des cavernes, comme le prouvent surtout les sépultures solutréennes, et comme l'ont fait plus tard les civilisations des époques du bronze, gauloise, gallo-romaine et franque. Pour nous, la présence d'une flèche à tranchant transversal, engagée dans une vertèbre trouvée dans la vallée du Petit-Morin, nous paraissait déjà une preuve d'une certaine force en faveur de l'opinion qui en fait une arme, bien que les adversaires de cette idée répondissent qu'on peut tuer aussi bien avec certains outils qu'avec des armes; mais pour nous, et nous le répétons, la preuve la plus puissante en faveur de l'opinion qui voit une arme dans la flèche à tranchant transversal, c'est qu'on ne trouve qu'un petit nombre d'autres flèches dans les sépultures de l'âge de la pierre polie de notre département, dans lesquelles reposent certainement des populations guerrières, puisque, à cette époque surtout, la guerre et la chasse ont été deux des grandes nécessités humaines. On n'a rencontré que deux grattoirs dans les puits funéraires de Tours-sur-Marne. L'un de ces instruments présente un type commun à toutes les stations de la pierre, l'autre est un éclat de hache polie. (Collection Armand.) L'absence de ces instruments vient encore confirmer ce que nous disions tout à l'heure au sujet des flèches à tranchant transversal, c'est qu'on trouve surtout dans les sépultures de cette époque des armes telles que haches, flèches, couteaux, et plus rarement des outils. Les objets en os consistent en trois flacons organisés avec une partie d'un os long d'animal, obturé d'une manière fixe d'un côté par un bouchon de même nature, et de l'autre par un obturateur en os également, mais mobile. Ces flacons étaient destinés, on le suppose, à renfermer l'ocre et le fer oligiste dont les populations de cette époque se servaient pour se peindre différentes parties du corps. On a trouvé des objets de même nature dans quelques stations de l'âge du renne, et certains d'entre eux laissaient encore apercevoir des traces de la matière colorante qu'ils renfermaient. (Collection Armand.) Un des objets les plus intéressants consiste dans une hache emmanchée dans une matière osseuse que nous croyons être un fragment de bois de cerf, et qui constitue l'unique organe de l'emmanchure, car la hache traverse ce manche en formant avec lui un angle droit. (Collection Armand.) Le manche n'est représenté, dans cette trouvaille, que par un morceau formant le tiers environ de son volume total. Nous croyons ce type d'instrument très-rare à l'époque de la pierre polic. La palafitte de Concise a fourni une emmanchure composée d'un seul morceau de bois de cerf, dont l'andouiller forme le manche, et la partie basilaire renferme l'alvéole destinée à contenir l'extrémité de l'instrument. La collection de M. Morel montre également une emmanchure du même type, trouvée près de SaintMartin-sur-le-Pré (Marne). Nous possédons nous-même, dans notre collection, une emmanchure du même type, remarquable par ses dimensions et par son travail, trouvée dans les alluvions de la rivière d'Aire, ainsi qu'un manche complet seinblable à celui de Tours-sur-Marne, mais beaucoup plus rare encore, car il est de l'époque quaternaire. Il a été trouvé sous huit mètres d'alluvions quaternaires dans une balastière aux portes de Châlons. De petites plaques en os, de forme ovale, et percées de deux trous, qui constituent sans doute des amulettes ou des pendants d'oreille, ont été trouvées avec des grains de collier en calcaire et avec des coquilles. La couche supérieure de la grotte d'Uruthy renfermait aussi de petites plaques en os de même nature, percées de deux trous, mais de forme ronde. A Tours-sur-Marne, de petites rondelles en calcaire, taillées et percées, semblables à celles rencontrées dans les grottes de la vallée du Petit-Morin et dans d'autres gisements de la même époque, composaient un collier qui avait probablement, comme pièce du milieu, une coquille de cardium, percée d'un trou à son extrémité et trouvée dans la même sépulture en compagnie d'une petite plaque en matière schisteuse, percée aussi de deux trous, et qui rappelle ces polissoirs à main, de forme légèrement circulaire, trouvés dans les grottes du Petit-Morin et dans la sépulture de Mizy. (Collection Armand.) A ces ornements primitifs, nous ajouterons une pendeloque en forme de hachette, percée d'un trou à son extrémité supérieure et taillée dans une coquille d'Unio ou moule de rivière. (Collection Morel.) On n'a découvert aucun vase entier, ni même aucun fragment important d'un même vase, à l'exception pourtant d'un biberon trouvé intact par M. Armand près des ossements d'un enfant. Ce petit vase est le seul peut-être de cette forme et de cet usage découvert jusqu'aujourd'hui dans un gisement de cette époque. Ce biberon est d'une forme irrégulièrement circulaire; on y distingue encore l'empreinte des doigts qui l'ont modelé. Sa hauteur est de 4 centimètres et demi, sa largeur, à l'orifice, de 6 centimètres, et à la base de 5 centimètres. Il est muni latéralement d'un ajutage de forme conique s'abaissant légèrement et d'une longueur de 2 centimètres. Après deux jours passés à explorer le puits funéraire fouillé par nous, M. Morel et moi, nous pensions être en présence d'un gisement où le métal était complétement inconnu, lorsque, vers le soir et sous les derniers coups de pioche, se dégagea et vint rouler sous l'œil exercé de mon collègue un petit grain de collier en bronze revêtu d'une gangue terreuse. Cet humble morceau de métal valait pour nous mieux qu'un poëme, car il servait à dater d'une manière plus précise le gisement que nous venions d'explorer et ceux découverts avant nous par M. Armand. Comme pour compléter cette notion, une pelletée de terre nous apportait immédiatement après lui un fragment de radius et une portion de côte colorés de cette teinte verte qui dénote le contact prolongé du bronze oxidé et indique le port d'un collier ou d'un bracelet. (Collection Morel.) Cet objet est formé tout simplement d'une lamelle de bronze, repliée sur elle-même. Il n'était probablement pas seul dans cette sépulture, et d'autres auront sans doute échappé à nos investigations. Les populations qui se servaient de la flèche à tranchant transversal ont donc pu apercevoir déjà l'aurore de l'ère des métaux. Le bronze apparaît d'abord dans les gisements de la pierre polie, et surtout dans les dolmens, sous la forme d'objets de parure et en très-petite quantité; plus tard, en devenant plus abondant, il fournira la matière destinée à fabriquer des armes et enfin des ustensiles et des outils. Nous pouvons donc, Messieurs, classer les puits-sépultures de Tours-sur-Marne dans cette période où les populations de la pierre polie commençaient, par leurs relations avec des races plus avancées en industrie, à se procurer des fragments de ce rare et précieux métal, et à cette époque de transition caractérisée par les dolmens. |