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La justice toujours intitulée haute, moyenne et basse, ne consistait plus, depuis le règne de Louis XIV, qui avait fait main basse sur ces prérogatives seigneuriales, que dans le titre nominal, dans le jugement de quelques menus délits et dans la gruerie ou justice forestière; tout le reste ressortissait du bailliage de Vitry-le-François. Déjà, lors de la modification de la coutume de Vitry-en-Perthois, en l'année 1509, l'abbaye était représentée à l'assemblée du bailliage par Pierre Maillard, dernier abbé régulier.

La communauté possédait encore cependant un lieutenant, un ou deux assesseurs, un procureur fiscal, un greffier et un sergent.

Après la mort du dernier Lenoncourt, la commende fut donnée à un laïque, Guy de Chaumont, seigneur de Guitry-Forêt, gentilhomme normand, châtelain de Condé, grand maitre de la garde-robe du roi. Il ne la posséda que trois ans, de 1668 à 1671; il portait: D'argent fascé de queules de huit pièces.

Il avait reçu 6,000 livres pour faire reconstruire les censes de Bouet et du Sauley. Mais il omit d'employer cette somme à sa destination; aussi fut-il condamné par arrêt de 1669 à la remettre avec les intérêts, et à courir les risques de l'enchère pour la plus-value des frais de de reconstruction. Comme il ne s'était point encore exécuté, lorsque l'abbaye ne fut plus entre ses mains, la folle enchère fut dénoncée et publiée contre son successeur comme détenteur de la manse abbatiale.

Un concordat fut fait entre Loup de Chaumont-Guitry et l'abbaye stipulant, que chacun aurait son lot et que troisième serait à l'abbé moyennant une subvention convenue pour les charges de l'abbaye; il fut en outre convenu, en ce qui concerne les forêts de France et de Lor

raine (sic), que l'exploitation en serait faite en commun sur la base des droits de chacun.

Les charges du troisième lot, attribué ordinairement à l'abbé, étaient: les grosses réparations des bâtiments, l'entretien de l'église et des objets du culte, une pension de 200 livres à chaque religieux gradué, l'entretien du fonds de l'aumône et de l'hospitalité, de la bibliothèque et de l'infirmerie, les fondations de toutes sortes et beaucoup d'autres charges qui ne sont pas ici énumérées et dont les fermiers ou ayants-cause de l'abbé ne s'acquittaient point ou le faisaient de mauvaise grâce; aussi, sous chaque abbé, y avait-il des conventions nouvelles, qui ne s'exécutaient pas nieux que les précédentes.

Henri-Félix de Villars, frère du maréchal de ce nom, succéda à M. de Guitry, en 1671. Il était procureur général du clergé de France auprès de la cour pontificale. Il mourut à Rome en 1690; il portait :

D'azur à trois molettes d'or au chef d'argent chargé d'un lion passant de gueules.

L'abbé de Villars ne s'en tint point au concordat fait son prédécesseur.

par

Un nouveau partage fut fait en 1673. Les biens de l'abbaye furent bien divisés en trois lots; mais le troisième lot, au lieu d'être. laissé entre les mains de l'abbé commendataire, aux charges de droit, fut mis en sequestre pour les revenus en être employés à leur véritable desti

nation.

Quant aux forêts, elles continuèrent à rester en commun, mais le titre de contrôleur de la gruerie devait appartenir à l'un des religieux qui aurait la garde du marteau aux armes de l'abbé; ce marteau devait être renfermé dans un coffre à trois clefs.

Chacun avait le droit de choisir ses officiers pour assis

ter le gruyer à la composition des coupes annuelles, qui devaient être prises dans trois triages différents, et tirer au sort avant l'exploitation.

Ces mesures indiquent le degré de confiance qui régnait entre les abbés commendataires et la communauté ; mais elles étaient bien justifiées par l'avidité des admodiateurs ou fermiers de chaque manse.

Louis d'Harcourt-Beuvron, qui avait été pourvu de l'abbaye de Montiers en 1691, mourut l'année suivante. Il était aussi le frère d'un maréchal de France.

On ne trouve aucune pièce particulière qui marque son passage. Armes :

De gueules à deux fasces d'or.

Armand-Gaston de Rohan-Soubise, d'abord chanoine, puis évêque de Strasbourg, nommé abbé de Montiers, en 1692, obtint le chapeau de cardinal en 1712, fut grand aumônier de France et commandeur de l'ordre du SaintEsprit, et abbé de Saint-Victor.

De gueules à neuf macles d'or acostées trois à trois.

Il ne se signala pas moins par sa douceur que par sa générosité. Il ne faut pas le confondre avec le cardinal de Rohan, son neveu, qui lui succéda à l'évêché de Strasbourg, et qui fut mêlé à l'affaire du collier.

Des conventions eurent lieu, en 1696, dans l'abbaye de Saint-Victor, entre lui et un religieux de Montiers, envoyé à cet effet au collége des Bernardins de Paris, en 1696, par lesquelles il promettait de conserver le partage fait avec le précédent abbé pendant tout le temps qu'il aurait la commende, d'exploiter les forêts en commun et d'exécuter toutes les charges; aussi le séquestre fut-il levé en sa faveur et il devint le détenteur du troisième lot.

Pendant son administration, le régent, au nom de Louis XV, confirma par lettres patentes de 1719, les pri

viléges accordés au couvent et à l'ordre de Citeaux par les papes et les rois ses prédécesseurs, notamment le droit de juridiction spirituelle et temporelle sur les gens de service, les fermiers et habitants des censes, l'exemption de juridiction des ordinaires, des dîmes et novales sur les biens de l'ordre, le droit de les lever sur les paroisses dont ils étaient patrons, et la partition canonique, c'està-dire le partage en trois portions entre les abbés et la communauté.

En 1720, le cardinal de Rohan-Soubise résigna son abbaye de Montiers en faveur de Michel-Gabriel Lepetit de Ravannes, alors son grand vicaire, qui devint aumônier et confesseur du roi.

M. de Ravannes eut avec la communauté de nombreux procès, surtout à propos de l'exploitation des forêts, et de l'exécution plus ou moins rigoureuse des obligations imposées à la commende.

Les deux parties s'accusaient réciproquement de mauvaise foi et de tromperie.

Un nouveau concordat eut lieu, qui divisait les bois en trois parts, non compris la réserve; l'abbé avait droit sur deux lots sans le contrôle de la communauté et sous le simple martelage de la maitrise des eaux et forêts du royaume, car depuis l'ordonnance de 1669, le roi avait droit de se faire représenter à la marque et à la composition des coupes dans les forêts de main-morte, avec les intéressés.

Nous arrivons au dernier abbé, Mgr Antoine de Malvin de Montazet, alors évêque désigné d'Autun, homme rempli de douceur, de zèle et de talent, qui fut nommé abbé de Montiers au mois d'août 1784.

D'azur à trois étoiles d'or.

Il passa plus tard à l'archevêché de Lyon; l'Académic

française le reçut au nombre de ses membres, non à cause de ses dignités, mais en raison de ses mérites et des ouvrages remarquables qu'il avait publiés.

Il eut le bonheur de mourir en 1788 sans avoir vu la révolution qui ne tarda point à éclater.

Il vint, à ce qu'il paraît, plus d'une fois à Montiers, et quelques vieillards m'ont assuré autrefois l'avoir vu.

Les relations de M. de Montazet avec la communauté furent excellentes, et même cordiales: après les luttes que l'on avait eu à soutenir avec les abbés précédents, on eut cru voir deux ennemis se réconciliant avant de mourir.

M. de Montazet accordait au Père Lami, prieur, ce que celui-ci lui demandait; à sa sollicitation, il adopta même des mesures qui auraient été regrettables pour l'avenir, si l'avenir eût encore existé pour le couvent.

On renouvela à cette époque tous les baux; et l'on remarque que celui d'Épensival fut consenti à la charge par le fermier, de planter le plus de vignes possible pour ajouter aux quatorze denrées existant déjà; actuellement il n'en existe plus une seule dans tout le canton de Dommartin-sur-Yèvre.

En 1766, comme l'abbatiale, qui se composait d'un corps de logis, d'une grange, d'écuries et de remises situées près des jardins, du côté opposé à l'église, était en assez mauvais état de réparations, que les baux que l'on avait tenté d'en faire étaient d'un revenu dérisoire, M. de Montazet, sur la demande du Père Lami, prieur, consentit, par un traité, à ce que ces bâtiments fussent démolis et que l'emplacement fit partie de la maison conventuelle, à la condition que la communauté lui paierait une somme de cent vingt francs par an, et que l'abbé, quand il viendrait à Montiers, serait reçu avec sa suite et ses équi

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