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XI

LES DERNIERS TEMPS DE L'ABBAYE.

Tel était l'état des choses à l'époque de la mort de Mgr de Montazet.

On a dit et écrit que le revenu de l'abbé était de 15,000 livres, et celui de la communauté, de 6,000 livres.

Ce chiffre est en effet l'évaluation officielle portée au pouillé et aux états des abbayes de France.

Cette évaluation que nous avons entre les mains était faite en vue des oblations, décimes, dons gratuits et autres impositions plus ou moins volontaires qui étaient réclamés de temps en temps au clergé séculier et régulier.

Après la mort de M. de Montazet, arrivée en 1788, Montiers tomba, comme tous les bénéfices qui devenaient vacants à cette époque, dans l'économat général du clergé de France, et le 27 janvier 1789, par acte devant Bonhomme, notaire à Paris, les revenus du couvent furent adjugés aux enchères, à la requête de M. Brière de Mondétour, économe général, en conséquence des ordres de M. de Feydeau, comte de Gien, marquis de Dampierre, directeur général de l'économat.

Une particularité qui nous frappe, c'est que l'abbaye fondée par la famille de Dampierre, a fini par les ordres d'un autre Dampierre, à six cent cinquante-cinq ans de distance.

Le sieur Léopold-Augustin Raux, maitre de forges à la Neuville-en-Tourne-à-Fuy, frère du député élu par le tiers-état du bailliage de Reims à l'Assemblée nationale, se rendit adjudicataire de tous les revenus moyennant

45,500 livres, savoir: 20,000 livres pour les revenus des biens situés en Lorraine, et 25,000 livres pour les biens situés en France, sans comprendre l'abbaye, la vigne, le moulin, le jardin, la ferme et l'étang dits de la Cuisine, et plusieurs autres immeubles dans le voisinage, réservés aux prieur et religieux.

L'adjudicataire était en outre tenu d'acquitter les charges de la manse abbatiale, les décimes, oblations et autres impôts ecclésiastiques jusqu'à concurrence de 7,343 livres 11 sols 9 deniers, de subir les conséquences des options des curés entre les revenus de leur cure et la portion congrue, d'entretenir les bâtiments des fermes, les chemins, enfin des autres charges extraordinaires imposées aux fermiers.

On voit par le montant de ce fermage, considéré comme fort modéré, puisqu'il devait encore laisser de beaux bénéfices au fermier, que les revenus de l'abbaye dépassaient de beaucoup les chiffres officiels, surtout grâce à ses 1,800 arpents de forêts en Champagne, et ses 3,000 arpents situés dans l'ancien Barrois, richesse forestière qui lui avait fait adopter pour armoiries: De gueules au chêne chargé de guy au naturel accompagné de fleurs de lis d'or, surmonté d'une couronne de comte. Plus tard une petite modification y fut apportée le gui fut remplacé par une couronne d'épines, et la couronne de comte disparut sous les derniers commendataires.

Nous approchons du terme de notre étude.

La révolution de 1789 vient de terminer, par des réformes radicales, l'ère de l'ancienne monarchie absolue. L'Assemblée nationale a voté l'abolition des priviléges, l'annulation des vœux monastiques et la réunion des biens de main-morte au domaine national.

En vertu de ces décrets, les moines de Montiers optèrent

tous pour la vie séculière, à la charge par l'État de leur fournir une pension viagère.

Avant leur dispersion, il fut dressé, par les soins de MM. Joseph Delalain et Joseph Barbier, administrateurs du directoire de Vitry-le-François, le 13 octobre 1790, en présence de la municipalité de la nouvelle commune de Montiers, un inventaire de tout le mobilier et des valeurs que contenait le couvent.

Là se découvrit la calomnie qui accusait les moines de recéler des trésors considérables accumulés dans leur couvent.

On n'y trouva que de vieux meubles; l'argenterie de table et d'église était de mince valeur, et la caisse contenait une somme à peine suffisante pour l'entretien des moines jusqu'à la liquidation de leur pension. En effet, depuis quelque temps, on ne délivrait plus de coupes annuelles, source principale de leur revenu. En résumé, il apparut aux yeux des commissaires que les moines étaient forcés, par la nécessité, d'observer le vœu de pauvreté.

Les titres contenus dans le chartrier furent enfermés dans un coffre à trois clefs, et conduits au Directoire du district de Vitry, d'où ils passèrent ensuite au dépôt des archives de la Marne; c'est à cela qu'est due leur conservation.

Les biens dépendant de la ci-devant abbaye de Montiers ont été vendus en 1791 et 1792 par le domaine national; malgré la dépréciation due aux nombreuses mises en vente, ils fournirent une somme importante. Les bâtiments seuls furent vendus à démolir pour 90,000 francs. La forêt de Montiers, dite le Tremblay, fut adjugée aux hospices de Reims, en 1841, moyennant 1,800,000 francs; elle est évaluée aujourd'hui à 4,000,000.

Quant à celle de la Belle-Noue, dans l'arrondissement de

Bar-le-Duc, elle est restée invendue et attribuée à l'État et aux communes, pour les parties dont celles-ci étaient auparavant simplement usagères.

Aujourd'hui, la commune de Montiers, petite par le nombre de ses habitants, mais très-importante par l'étendue de son territoire, dont auraient dû profiter plusieurs communes voisines, a été attribuée en entier à celle de Possesse, par décret du 31 janvier 1806.

Cette étude, si incomplète qu'elle soit, sera, nous le pensons, utile pour expliquer bien des choses et bien des noms. Nous aurions voulu publier toutes les pièces justificatives entre nos mains, mais nous sommes obligé de nous restreindre à quelques-unes des plus intéressantes.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

Charte de fondation de 1134, Vidimus de 1270. (De ma collection; ne se trouve point aux archives de la Marne. Trouvée à Charmont, servant de couverture à un livre caustique.)

Universis præsentes litteras inspecturis officialis archidiaconus Catalaunensis salutem in Domino.

Noveritis nos litteras bone memorie quondam cath-epi sigillo ipsius Episcopi sigillatas, non illibatas, non cancellatas in aliquâ suî parte c... vidisse et legisse hæc verba :

In nomine scte et individue Trinitatis Gaufridus Catalaunensis ecclesie minister humilis, si utilitatibus ecclesie et si monatibus in Christo famulantibus, ad petitionem eorum quibus missæ sunt opere beatitatis officium pontificis exercemu, notum sit igitur tam præsentibus quàm futuris quod locum et ecclesiam qui Monasterium dicitur dedimus Eustatio abbati scte Dei genitricis Marie et fratribus ibidem Deo ser

vientibus, et posterioribus ipsorum cum decimâ ejusdem partis in sylvâ et pratis cultis et incultis, liberum et obsolutum ab omni custumiâ et inquietatione Episcopi, archidiaconi et decani.

In eâ tamen lamen subjucture Catalaunensis ecclesie ut ad consulendum nobis et capitulo quotiescumque episcopus ant archidiaconus eos vocaverit.

Ordinamus etiam et firmamus ut quicumque alter capellam Summelæ tenuerit, omnia quæ mater Ecclesia monasterii taliter antiquitus debuerat episcopo et archidiacono et decano in perpetuum solvat; habeat que propter sylvam quidquid est inter fines Summelæ de monasterii parochiâ.

Ad hoc Petrus de Halleio et nepos ipsius Gipuinus, assensu et concessione Domini Gilberti et Catharinæ.... de Cernone concesserunt et dederunt eidem altare ob remedium animarum suarum, suorumque præcessorum, alodium quod habet quando Ostremont usque ad terram de Nouyero juxta Summelam et a terra de Nouyero usque ad Bercholtum, juxta Alzicuriæ metam, et de Bercholto (1), usque ad locum juxtà Hattumesnil ubi cadet Choca prope Ingelistram et de Ingelistrâ usque ad Ostremont.

Hæc igitur et quidquid amodo prædicte scte dei genitricis ecclesie donabitur, concessione pontificum, liberalitate principum, oblatione fidelium, sine contradictione tenenda. Sigilli igitur ut munimine sit magis, testes assignamus et si aliquis decreto huic mutare et cassare præsumpserit, anathematis vinculo nodamus eum.

Sigillum Stephani. S. Odonis. S. Remerii. S. Guidonis archidiaconi. S. Ancherii Decani. S. Johannis. S. Wiberti. S. Cononis. S. Hugonis. S. Regnardi. S. Ewrardi.

Actum Catalauni anno ab incarnationis Domini MC XXXIIII, epactà xu concurrente.

Walterus cancellarius scripsit et subscripsit.

(4) Sommeille, Noyers, Auzécourt, sont trois villages voisins du VieilMontiers. La Chée est une rivière. Les autres dénominations sont des noms de contrée.

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