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funéraire de 150 de diamètre maximun, sur 1"60 de profondeur, puits creusé dans le sable ou le gravier quaternaire de la contrée.

« Malheureusement, M. Liénard n'a été averti que trop tard, et n'a pu étudier la sépulture qu'après coup; je n'oserais donc affirmer la forme par trop régulière peut-être que notre correspondant donne à son puits. C'est toutefois un renseignement dont il est bon de prendre note; quelle que soit la forme de la sépulture de Cumières, il est intéressant de constater là un mode d'ensevelissement dont nous ne connaissions jusqu'ici aucun exemple en Gaule appartenant à des âges reculés. »

M. Alexandre Bertrand vient de décrire en quelques mots nos sépultures de Tours-sur-Marne : nous pouvons affirmer que ce mode d'inhumation est maintenant tout à fait reconnu par cette découverte et acquis à l'archéologie préhistorique.

Le village de Tours-sur-Marne est situé à vingt-deux kilomètres au nord-ouest de Châlons, sur les bords de la Marne, et du canal latéral de la Marne au Rhin, qui traversent là tous deux une verdoyante vallée.

Les coteaux crayeux qui, de ce côté, délimitaient le cours de la Marne aux temps quaternaires, lorsque ses eaux recouvraient toute la vallée, et qui, sur sa rive droite, dominent son cours depuis Vraux jusqu'à Mareuil-sur-Ay, se relèvent peu à peu après un léger abaissement, en aval de Tours-sur-Marne, et, à 400 mètres de ce village, atteignent une altitude de 10 mètres environ. C'est dans ce coteau, orienté au sud-ouest, qu'ont été découverts les puits-sépultures.

Déjà, lors de l'établissement du canal latéral de la Marne au Rhin, les travaux exécutés dans le but d'abattre une partie de ce coteau, avaient mis au jour quelques-unes de

ces sépultures. Mais les objets et les ossements qu'elles renfermaient, avaient été pour la plupart jetés dans les déblais. Pourtant quelques-uns d'entre eux, remarquables par leurs formes, avaient attiré l'attention des ouvriers et des conducteurs de travaux. C'est ainsi que deux belles pointes de lances et un couteau, qui mesure 24 centimètres de longueur, furent sauvés de l'oubli; nous décrirons tout à l'heure ces remarquables instruments.

On trouva à peu près au même emplacement, mais dans une couche supérieure de déblais, des haches en bronze et des monnaies à l'effigie de Tétricus.

Ces découvertes étaient déjà presque oubliées, lorsque plus de trente années après, M. Armand, propriétaire de la belle usine de Meunerie, placée en aval du pont de Tours-sur-Marne, entre la rivière et le canal latéral, entendit parler de ces découvertes et fouilla les pentes du coteau, dont partie avait été abattue par des travaux antérieurs. Il trouva successivement cinq puits funéraires qui donnèrent de nombreux ossements et un mobilier fort intéressant de l'époque de la pierre polie.

M. Armand attira généreusement l'attention de M. Morel et la mienne sur ces gisements, et nous convia à y découvrir un nouveau puits. Après quelques essais infructueux, nous tombâmes rapidement sur une nouvelle sépulture inexplorée, moins riche cependant, en objets de l'époque de la pierre, mais excessivement abondante en ossements, car nous n'évaluons pas à moins de quarante les squelettes d'hommes, de femmes et d'enfants qu'elle renfermait.

Les puits-sépultures de Tours-sur-Marne, creusé dans cette terre mélangée de craie et de sable, qui recouvre le coteau sur une épaisseur de 2 à 3 mètres, ont l'aspect d'une bouteille de forme circulaire, aplatie et au col

allongé. Cette forme est facile à constater, car les travaux de recherches étant exécutés dans le flanc du coteau, laissent parfaitement entrevoir la coupe de ces puits funéraires, dont l'entrée était seulement accessible à des créatures de petite taille et de faible corpulence, si l'on en juge par les dimensions restreintes du conduit de descente, large de 50 à 60 centimètres.

A 150 ou 2 mètres du sol, le puits s'élargit brusquement et donne naissance à une excavation circulaire, ou reposent sous la forme d'un magma compacte de terre noirâtre et d'ossements qui cède assez facilement sous la pioche, les restes de l'antique population qui vécut sur ce point de notre département.

Les grottes découvertes et explorées par M. Armand, sont au nombre de cinq, ce qui, en ajoutant celle trouvée par nous, porte à six le nombre de ces sépultures. Nous allons maintenant, Messieurs, nous livrer à un examen sommaire de leur contenu.

Le puits fouillé par nous ne nous a point donné de haches, mais M. Armand en a extrait trente-quatre des cinq sépultures explorées par lui. Parmi elles, trente sont en silex de différentes natures, deux autres nous paraissent être en jadeite, car nous n'avons pu en déterminer la matière avec certitude; une autre est en roche schisteuse. (Collection Armand, Morel et Nicaise.)

Joignons à cette nomenclature trois marteaux-haches, nuclei de forme allongée, à pointes égales et qui devaient s'emmancher par leur milieu. (Collection Armand.)

Les haches en silex, trouvées par M. Armand, ont presque toutes une patine ou cacholong, plus ou moins accusé; on y rencontre toutes les formes particulières à l'époque de la pierre polie dans notre région, depuis la hache courte de forme légèrement ovoïde, jusqu'à la

hache longue et aplatie, qui se rapproche par son aspect des instruments danois, et la hache étroite appelée ciseau-hache. Un instrument de cette dernière variété offre cette particularité, qu'on en a par le choc détaché un couteau qui a été trouvé près de son nucléus, sur lequel il s'imbrique exactement. On voit nettement, au point de départ de ce couteau, l'encoche de taille caractéristique du procédé employé pour l'éclatement. (Collection Morel.)

Ces haches sont longues de 6 à 14 centimètres, sur une longueur, au tranchant, de 4 à 6 centimètres.

Il a été extrait des sépultures une cinquantaine de couteaux de toutes formes avec deux et trois plans de taille sur leur partie supérieure. Ces couteaux sont tous en silex pyromaque de la montagne de Reims. Cependant, nous avons trouvé dans la grotte, fouillée par nous, un éclat de couteau en silex de Pruilly placé près du cou de l'un des squelettes. (Collection Auguste Nicaise.)

La provenance de cet objet indique que, comme on l'a déjà souvent observé, les produits de cet important atelier étaient exportés au loin.

Nous ajouterons à cette catégorie d'instruments un joli couteau scie, en silex pyromaque transparent, long de 4 centimètres et demi, large de 2 centimètres et demi, et dans toute sa fraîcheur de taille. Tandis qu'un côté a été retaillé en dents très-fines, l'autre côté laisse voir un tranchant aussi vif que celui d'un instrument d'acier.

Nous devons également signaler un couteau-scie assez finement retaillé sur les bords. (Collection Armand.)

Les pointes de lance ne sont pas nombreuses dans les puits funéraires de Tours-sur-Marne. Il n'en a été trouvé que deux de forme irrégulièrement ovalaire, l'une longue de 7 centimètres et demi, et l'autre de 8 centimètres. Ces

deux armes sont retaillées le long des tranchants latéraux, et leurs surfaces présentent des retouches. (Collections Armand et Morel.)

Devons-nous ranger dans la même catégorie les deux belles pointes de lance trouvées au même lieu dans les déblais du canal latéral de la Marne au Rhin, et qui mesurent l'une 16 centimètres, l'autre 15 centimètres de longueur. Sont-ce des poignards ou des pointes de lance? Elles sont terminées à leur base par un talon d'emmanchement, et leur pointe, par une habileté de taille, est renforcée de manière à lui donner une forme presque ronde et par conséquent plus résistante. (Collection Morel.)

Une de leurs faces est unie, tandis que les deux autres ont subi des retouches sur le rebord. Elles rappellent ainsi certaines armes trouvées dans les dolmens et les longs barrows de l'Angleterre.

Ces instruments ont d'autant plus vivement attiré notre attention, que des pièces similaires, mais les surpassant par la beauté de la matière et de la taille, ont été découvertes par MM. Louis Lartet et Chaplain du Parc, dans la grotte d'Uruthy. Les explorateurs de ce riche gisement ont rencontré à sa base les ossements du lion et du renne, des dents gravées de l'ours des cavernes, puis, dans les couches supérieures, des œuvres qui paraissent inaugurer l'ère de la pierre polie.

Dans cette dernière couche, a été trouvée la belle pointe de lance ou poignard, finement retouchée sur les deux plans de sa surface supérieure, avec talon à la base pour faciliter l'emmanchement, et semblable par sa forme aux deux instruments de Tours-sur-Marne.

Il existe dans la collection Hay, au British muséum, un poignard en silex triangulaire de la même forme que ceux trouvés à Tours-sur-Marne. Cette œuvre a été décou

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