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la Basse-Cour, Rotonchamp, Vadivière avec sa briqueterie contemporaine de la fondation du couvent, dont elle fournit les matériaux (camina de Vadiverio, 1229), du Faussy, de Sainte-Marie, qui s'appela plus tard Hurtebise, actuellement bâtie un peu plus loin de la route romaine; et parmi celles qui n'existent plus, Saint-Georges, Santeler ou Saint-Hilaire, Saint-Remy: toutes comprises dans le pourpris du territoire particulier de l'abbaye, lequel était désigné par des bornes placées de distance en distance, portant du côté du couvent de petites croix gravées sur la pierre, et en dehors des crosses comme marque de la puissance épiscopale sur le diocèse, dont l'abbaye était temporellement indépendante.

On nous a fait voir, il y a quelques années, une de ces pierres couchée dans le taillis, au bord du bois communal de Charmont. Un peu plus loin est encore debout une haute borne formée d'un bloc erratique trop fruste pour qu'on y retrouve les croix et les crosses; elle est connue sous le nom de Pierre Adam, du nom de l'abbé qui la planta (1206 à 1211.) Elle est constatée en la charte de Godebert de Garlande, en 1277.

C'est ici le lieu de parler d'une croix monumentale respectée de tous les âges, que l'on rencontre sur la voie romaine à quelque distance de Montiers.

Sa base rectangulaire a environ deux mètres d'élévation avec corniche et porte à la hauteur de la main, sur sa face antérieure, un bénitier en pierre.

Sur cette base est debout, portée sur quatre boules de pierre qui lui servent de pieds, une pyramide tronquée ayant au moins trois mètres de hauteur.

Un cartouche carré placé sur la face antérieure qui porte la date de 1743 au milieu de dates plus anciennes et de noms renversés, indique une réparation à cette époque

avec les anciens matériaux et quelques pierres nouvelles. Cette partie dut être brisée pendant les guerres de religion, car les baguettes qui la bordent ne sont pas du même style que celles de la base, qui paraissent néanmoins avoir servi de guide pour la dernière restauration.

Cette pyramide était surmontée, il y a quelque temps encore, par une croix à quatre branches égales qui est en ce moment jetée dans un champ voisin; on y lit d'un côté sur les croisillons: 18-14, et du côté opposé :

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La date de 1814 indique les auteurs de la dégradation précédente; serait-il téméraire d'accuser de la dernière fracture les fils de nos ennemis de la première invasion? Il se trouvera, nous osons l'espérer, quelqu'un pour replacer ce tronçon sur un monument digne d'être conservé non-seulement comme monument historique, mais encore comme pierre milliaire sur la voie romaine où l'on ne trouve entre La Chappe et Lormond aucun village dans une étendue d'environ 72 kilomètres.

Ce monument est rappelé en un procès-verbal de bornage dressé par François Marchebost, lieutenant général du baillage de Vitry, le 22 mai 1530, sous la désignation de Croix-de-Pierre, sur le chemin royal.

Quant à son nom de Croix-dom-Georges ou Saint

Georges, il s'explique par sa position à la limite de l'ancienne cens de Saint-Georges; on lit encore, dans un titre de 1235, « ad stratam levatam (la chaussée) a Vadivera ad crucem Domini Manassès. » La position des lieux nous autorise à appliquer ce titre à ce monument ou à celui qui l'a précédé.

La liste des droits de patronage et de présentation aux autels, chapelles ou églises, et tous les priviléges résultant des chartes des seigneurs, rois, évêques et chapitres, et des bulles des papes, serait aussi fastidieuse que celle des donateurs, confirmateurs ou suzerains.

Nous dirons seulement que Montiers possédait de grands biens dans le diocèse de Châlons et dans le duché de Bar, des maisons de refuge et des censives dans les villes de Châlons, de Vitry, de Sainte-Menehould et de Joinville; qu'il avait été fait, pour la réunion du domaine, de nombreux échanges avec des abbayes éloignées, Gorze, le Valdes-Écoliers, Saint-Martin-des-Champs, les commanderies de la Neuville-au-Temple, de Saint-Amand, de Maucourt, et autres maisons religieuses moins connues.

Ses troupeaux étaient très-considérables, grâce aux droits d'usage, de paturage et de glandée sur les biens des seigneurs d'alentour.

Ses revenus, en nature et en argent, ne peuvent être appréciés avec exactitude à cause de la variabilité de la monnaie et de la valeur mobilière à cette époque.

Pierre Maillard, élu en 1513 et qui exerça jusqu'en 1540, fut le dernier abbé régulier. Il fit à l'église d'importantes restaurations, et ordonna, en 1533, de rédiger le cartulaire contenant les principaux titres de l'abbaye. Ce cartulaire est sur parchemin d'une belle écriture. avec des rubriques. Il contient soixante-quatorze pièces, dont la dernière n'est point entière; ce qui ferait suppo

ser que ce recueil devait contenir un autre fascicule qui aurait disparu.

VII

LES MOINES ET LES ABBÉS RÉGULIERS AVANT LE XVI SIÈCLE.

Il n'est pas permis de terminer l'ère des abbés réguliers sans dire quelques mots de la vie intérieure des moines et de leurs relations extérieures.

Nous avons raconté que le couvent avait été fondé dans la première moitié du xir° siècle par des moines d'Arroës. Cette congrégation, qui prit son nom du lieu de son berceau, suivait la règle de saint Chrodegand, évêque de Metz. Son costume fut conservé en partie par les chanoines réguliers de Saint-Augustin; les principales pièces étaient la robe blanche et le scapulaire de même couleur.

Plus tard les Bernardins ou Cisterciens qui vinrent après eux, apportèrent la règle de saint Benoit, modifiée par leur fondateur, Robert de Molesme; la base fondamentale consistant dans les trois vœux de chasteté, de pauvreté individuelle et d'obéissance.

Les maisons étaient riches, mais elles faisaient l'aumône et enrichissaient le pays; les moines étaient pauvres et vivaient pauvrement. Leurs habits étaient de laine. non teinte, plutôt grise que blanche; la laine blanche n'était permise qu'au chœur, pour le service de l'autel. Les chasubles étaient aussi de laine, sans orfroi, ni ornement. Ils portaient ordinairement une tunique courte, et par-dessus, une robe longue, appelée coule, un scapulaire avec capuchon en peau d'agneau.

Plus tard le costume se modifia, ou plutôt fut fait d'étoffe moins grossière. Ils portèrent sur la coule blanche

un scapulaire avec capuchon noir; le service divin se fit avec des ornements moins simples.

La nourriture ne consistait qu'en légumes, fruits et poissons; aussi, parmi leurs droits avaient-ils la pêche dans plusieurs étangs à Possesse et ailleurs, qui leur avaient été concédés notamment par Anceau de Garlande, une fois par semaine, en barque, et avec engins à mailles d'une capacité déterminée : ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on réglemente la pêche dans l'intérêt de la reproduction. La viande, les œufs et le laitage n'étaient tolérés qu'à l'infirmerie.

Comme ils étaient astreints à un rude travail ils faisaient deux repas par jour, et la quantité d'aliments était suffisante; ils avaient droit à une hémine de vin par jour, ce qui représente quatre-vingt-treize centilitres ou une bouteille usuelle; ils buvaient à coups réglés par l'abbé, dans une tasse de bois. Celle de saint Bernard est au musée de Dijon.

En carême, ils ne faisaient qu'un repas par jour, et le vendredi, pendant ce temps de pénitence, à moins de fête fériée, le repas se composait de pain et d'eau.

Plus tard vinrent les suppléments au régime ordinaire sous le nom de pitances, fondées par donations spéciales à des jours indiqués. Ces suppléments consistaient en un plat de poisson ou de légumes.

Tel fut jusqu'au xve siècle, époque de décadence, la vie de ces hommes dont les maisons étaient si riches qu'elles excitaient la jalousie des seigneurs.

Et qu'eussent-ils fait avec le régime indiqué plus haut, de leurs revenus s'ils n'eussent pas répandu le bien autour d'eux!

Mais, sous la bure, le moine avait le sentiment de sa dignité, et les offenses et sévices venus du dehors étaient

XLII SESSION.

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