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On peut voir ici la source de la faveur dont jouissaient auprès de cette famille les abbés et le couvent de Montiers, pendant tout le cours des siècles suivants.

De cette alliance de la maison de Dampierre avec celle de Bourbon sortit, sous le nom de Bourbon-DampierreMontluçon, une nouvelle lignée qui, après six générations, donna Béatrix, épouse de Robert, comte de Clermont, fils de saint Louis, lequel est considéré comme la tige de la famille de Bourbon. (Voir Chazault, Généalogie des anciens sires de Bourbon.)

Le second fils de Gui de Dampierre épousa Marguerite de Hainaut, comtesse de Flandres, deuxième fille de Baudoin, empereur de Constantinople, d'où sont descendus en ligne directe les comtes de Flandre et la maison d'Autriche, dont les droits sur les Pays-Bas n'eurent pas d'autre origine.

Les divers autres rameaux du même tronc, s'allièrent avec les plus nobles familles de la province de Champagne dont un très-grand nombre de fiefs et d'arrière-fiefs étaient directement ou indirectement entre leurs mains.

Plusieurs membres de cette famille se croisèrent, entre autres les deux fils de Dampierre-Bourbon et le comte de Flandre, qui était le meilleur général de Philippe-Auguste.

L'un des principaux bienfaiteurs de Montiers, Renard II de Dampierre, fut fait prisonnier pendant la cinquième croisade et racheté par les Frères de Saint-Jean de Jérusalem dont il enrichit à son retour la commanderie de Maucourt, à Vitry, celle de Saint-Amand et celle de la Neuville-au-Temple; il leur donna des terres à Noirlieu. et à Antrécourt, sur le territoire de Varimont, Avermencourt et Charmont.

Les Dampierre portaient d'origine « de gueules à deux leopards d'or, ils y ajoutèrent plus tard des armes acquises par alliance.

Il existe de nos jours, en Champagne, deux autres familles de Dampierre qu'il ne faut pas confondre avec celles dont nous parlons et qui donnèrent, l'une, saïnt Louis à la France, et l'autre, Charles-Quint à l'Allemagne.

La famille Picot de Dampierre, qui habite le château de Dampierre dans l'Aube, remonte à 1486, et porte d'or au chevron d'azur, l'un de ses membres périt glorieusement sur le champ de bataille de Châtillon, à la tête des mobiles. de l'Aube, pendant le siége de Paris, en 1870.

La famille du Walck de Dampierre, qui habite Hans, près de Sainte-Menehould, a son origine dans Guillaume du Walck, venu d'Écosse sous François Ier.

Son fils, du Walck de Mondreville, fameux ligueur, gouverneur de Sainte-Menehould, épousa Anne de Bossut, titulaire du domaine de Dampierre-le-Château, qu'il fit ériger à son profit en comté.

Ses descendants, qui ont pris le nom de leur terre, comptent plusieurs officiers généraux; l'un des membres de cette famille fut massacré par la populace à peu de dis tance de Sainte-Menehould, près de la voiture du roi Louis XVI, au retour de Varennes, pour avoir crié Vive le Roi.

Les du Walck portent pour armes : De gueules à la tête de licorne d'argent.

La grande famille de Dampierre et ses nombreuses branches collatérales montrèrent toujours à l'abbaye un affectueux intérêt, dont celle-ci ne cessa jamais de témoigner sa reconnaissance, sauf quelques petites discussions d'intérêt bientôt apaisées par de nouveaux bienfaits.

Il n'en fut pas de même de la famille de Garlande, qui partageait avec les premiers les droits sur Possesse ; à ce titre, elle jouissait des seigneuries de Charmont, en partie, de Bussy-le-Repos, Contauld, Maison-Vigny et Montboyer;

ces deux dernières localités ont disparu, détruites pendant les guerres de la Fronde.

Nous avons ailleurs donné l'origine et l'histoire de la famille de Garlande; nous nous contenterons ici de la résumer.

Les Garlande, que Mezeray qualifie de « petits gentilshommes de Brie», n'en sont pas moins fils de croisés; un des leurs, Gilbert de Garlande, dit Paganus, assistait à la première croisade et se distingua au siége de Nicée. Ils avaient pour blason: D'or à deux fasces de gueules.

Ils commencèrent à se faire connaître par leurs services et leurs intrigues sous le roi Philippe Ier, dont Guillaume, leur père, avait été le sénéchal. Ses quatre fils devinrent grands officiers de la couronne sous Louis le Gros, Louis le Jeune et Philippe Auguste.

Anceau fut grand sénéchal;

Guillaume, son frère, lui succéda;

Gissebert était grand bouteiller;

Et Étienne fut évêque de Paris et grand chancelier. Mathilde, leur sœur, fonda Port-Royal, dont elle fut la première abbesse.

Leurs descendants héritèrent de ces faveurs jusqu'à la fin du XIVe siècle. Tantôt amis, tantôt ennemis des comtes de Champagne, dont ils étaient les vassaux directs, ces seigneurs remuants firent beaucoup de bien et beaucoup de mal par où ils passèrent, suivant la résistance qu'ils éprouvaient dans l'accomplissement de leurs désirs ambitieux. Ils furent les bienfaiteurs de Charmont, dont ils bâtirent l'église et le château, et auquel ils concédèrent en 1223, une charte commune avec Possesse et Bussy-leRepos; en 1224, ils fondèrent à Possesse le prieuré de Saint-Crépin; en 1277, dans une autre charte, ils délimitent le territoire de Charmont et confirment ses droits de

justice et ses priviléges de commune affranchie, ils dondent à leur fief de Possesse, Charmont et autres lieux que nous avons cités plus haut, le nom de fief de Florence que l'on retrouve dans divers titres.

Ils s'intitulent partout ailleurs seigneurs de Possesse ou seigneurs de Charmont, suivant le cas.

Dès l'époque de la construction de l'abbaye de Montiers, aux bords de la Vière, ils furent en rapport de voisinage avec elle et contribuèrent à sa richesse, par de grandes libéralités qui leur servirent de prétextes à domination.

Ils réclamèrent et obtinrent du comte de Champagne, leur suzerain, qui avait intérêt à les ménager, la garde et l'avouerie de Montiers, titre qui leur fut sans cesse contesté par les abbés et les religieux, et dont ils abusèrent toujours à leur profit sans en remplir les obligations; de sorte que, pendant de longues années, ce ne fut qu'une suite continuelle de vexations et de violences contre les hommes et les biens de l'abbaye.

Nous ne dirons rien ici des autres bienfaiteurs dont les ncms se rencontrent dans les titres, s'intitulant simplement seigneurs de Possesse, comme Adam, Archambault, Manassès, Jean de Possesse; nous pensons que comme ceux de la Neuville, de Vieil-Dampierre, de Saint-Jean et beaucoup d'autres, ils faisaient partie de la famille de Dampierre que comptait un grand nombre d'alliances et de fiefs dans le pays.

Quant à celui que les auteurs de simples mentions appellent Adam de Thornes, et qu'ils donnent, l'un sur la foi de l'autre, pour le fondateur du monastère, outre que nous n'avons trouvé son nom dans aucun titre, ils lui assignent une date postérieure à la fondation. C'est pourquoi nous le considérerons seulement comme l'un des mem

bres de la même famille et l'un des bienfaiteurs de

l'abbaye.

La confusion vient sans doute de ce que Jean de Thornes, fils de Manassès, seigneur de Possesse, fonda en ce lieu un hôpital en 1168.

VI

LES POSSESSIONS DE L'ABBAYE.

Il nous reste à parler de l'exploitation des grands domaines que possédait l'abbaye et des bienfaits qu'en retira la contrée, jusqu'à la fin du premier tiers du XVIe siècle, qui vit les abbés commendataires dont nous parlerons plus loin remplacer les abbés réguliers.

Les défrichements de forêts et les mises en valeur de terres incultes donnèrent bientôt au pays un aspect rayonnant de prospérité. En cinquante ans on vit s'élever de nombreuses granges ou métairic, qui étaient, comme on le sait, exploitées par des frères aidés de novices, de convers et d'ouvriers séculiers appelés oblats qui s'engageaient au service du couvent comme cultivateurs, bergers, bouviers ou comme exerçant divers métiers, tels que charpentiers, maçons, charrons, forgerons et ouvriers de toutes les professions nécessaires pour le service intérieur et extérieur de la maison. Celle-ci leur devait le vivre, et le salaire; ils avaient des engagements particuliers, inais sans être astreints aux vœux.

Parmi ces granges, on cite la ferme de Guidonval, aujourd'hui Yonval, où il était permis de célébrer la messe; de

(1) Voir Histoire de France, de Mazeray, pour l'histoire des Garlande.

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