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21° question :

Du patois dans les arrondissements de Vitry-le-François et de Sainte-Menehould.

Le temps nous manque pour rassembler les nombreux éléments que nous possédons sur les divers idiômes de la partie du département où nous sommes né, où nous avons passé notre jeunesse.

Le langage de Charmont, de Possesse, et de Vroil sert de liaison entre le patois qui se parle en Champagne, d'une part, et en Lorraine de l'autre. Il y a lieu de remarquer que les idiomes particuliers à chaque localité tiennent par une nuance assez perceptible à ceux des villages immédiatement voisins de côté et d'autre; et en remontant les anneaux de la chaîne comme en les descendant, on arrive au langage plus correct des villes et à la prononciation particulière à chacune d'elles par suite de transitions très-apparentes pour l'observateur.

Nous ajouterons que ce patois, patrum sermo, langage de la patrie, a conservé entiers ou tronqués, et le plus souvent corrompus, des mots autrefois en usage dans la langue mère dont on a fait le roman; on y trouve aussi les traces du passage des diverses races et des nations envahissantes, de sorte que l'on pourrait, en étudiant à la loupe le langage d'une contrée, reconstruire une partie de son histoire. L'onomatopée a aussi une très-grande part dans la formation des mots, avec la corruption du langage, les élisions et l'appropriation à la prononciation locale; bien entendu nous ne poussons point ici nos

recherches par l'analyse chez les langues mères; en ce qui concerne les transformations venues d'Orient, nous serions impuissants.

Les invasions, les colonisations multiplièrent les idiomes en les mêlant; la féodalité perpétua la multitude des dialectes; la limite des fiefs séparait aussi bien les langues que les juridictions, et chaque cour princière ou seigneuriale donnait le type du langage comme celui du costume.

Quand la France cessa d'être morcelée, il resta dans l'usage de chaque province et de chaque pays, en dehors de la langue officielle, un mélange de français avec l'idiôme particulier à chaque pays.

Les patois contiennent des richesses non encore explorées pour l'étymologie des mots de la langue, et le rapprochement du langage actuel avec nos anciens auteurs français est une curiosité digne des travaux d'un linguiste.

Si le patois semi-champenois, semi-lorrain dont nous nous occupons, n'a pas eu jusqu'ici de grammairiens, il a eu au moins quelques poëtes non sans valeur.

Signalons d'un côté les noëls de Noiremont et du doyenné de Sainte-Menehould, publiés au Romancero de Champagne et que l'on attribue à un religieux du couvent de Noiremont; de l'autre de nombreuses pièces de vers en patois meusien dûs à la plume de M. le docteur Cordier de Brillon, mort dernièrement en Afrique; et entre ces deux points une pièce de vers publiée par M. Louis Pâris, sous un titre fantaisiste, et avec des variantes qui prouvent qu'il a pris ses copies de personnes qui n'avaient point parlé le patois de Possesse dans leur jeunesse, et qui s'étaient servies d'une version défectueuse.

Cette pièce, dont l'original a été entre nos mains en 1831, et dont nous avons vu l'auteur à cette époque, porte

non pas le titre d'Histoire querieuse et terrible, etc., que lui donne la publication Techener, de 1851, mais celle de La Poussessiade aw la pringe de Poussesse par les lourrayns.

C'est une fiction historique d'un prétendu siége de Possesse par Groweinstein, major hollandais qui ravagea ces contrées, en 1712, sans néanmoins passer à Possesse; l'auteur, M. Leroy, employé au ministère de l'Instruction publique était né à Possesse; il voulait célébrer sa motte et ses fossés encore existants, restes d'un autre âge qui remontent au XIIe siècle.

M. Leroy a encore donné une autre pièce de vers dans le même idiôme, qui n'a point été publiée, mais qui mériterait de l'être; c'est une espèce de satire burlesque des mœurs du temps, sous le titre de : En temps passege. C'est une peinture de mœurs très-remarquable où l'on reconnaît dans son auteur le lecteur assidu des poëtes classiques.

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En ce qui concerne la date de ces deux pièces, elles nous paraissent être, savoir la première de 1785 ou 1786. Il n'y est pas question encore de la Révolution; quelques copies manuscrites portent la dédicace «au citoyen Rollet » ; il faut lire « à mon concitoyen Rollet ».

Dans la seconde, il est déjà question des prodrômes avant-coureurs de la Révolution, et nous lui donnons pour date approximative 1788 à 1789. D'ailleurs, ni l'une ni l'autre ne contient un mot de politique, et elles sont l'œuvre d'un homme plein de bons sentiments.

Nous avons pensé que quelques mots de mention sur les patois de la Marne ne seraient point déplacés pour répondre à notre part de la question; nous nous arrêtons ici.

La séance est levée à onze heures.

XLII SESSION.

17

2o SÉANCE DU 28 AOUT 1875.

PRÉSIDENCE DE

M.

DE COUGNY.

Siégent au bureau: MM. l'abbé de Baye, comte de Mellet, de Cessac, Auguste Nicaise, Julien Gréau, Emile Perrier, Barbat de Bignicourt, P. Royer-Collard, Morel, trésorier, Eugène Martin, Launois, secrétaires.

M. Eugène Martin, donne lecture du procès-verbal de la séance tenue au château de Baye le 26 août. Le procès-verbal est adopté sans réclamation.

M. P. Royer-Collard lit son rapport sur la séance tenue le 27 août.

Ce rapport est adopté sans réclamation.

M. l'abbé Balestra, de Côme, demande la parole. Cet archéologue, venu d'Italie, pour assister aux Congrès catholiques de Poitiers et Reims, où il a plaidé avec éloquence la cause si intéressante des sourds-muets, rend compte au Congrès de quelques récentes décou

vertes.

Après avoir rendu hommage à la mémoire de M. Arcisse de Caumont, le regretté directeur, et salué son digne successeur M. de Cougny, M. Balestra montre que le chemin de fer est utile, non seulement au point de vue économique et social, mais encore au point de vue archéologique. Les terrassements occasionnés par l'ouverture d'une nouvelle ligne italienne ont amené la découverte de nombreux cimetières romains. Après en avoir indiqué le plan général, M. Balestra dit avoir trouvé une

énorme quantité de vases; il décrit ensuite une des sépultures les plus curieuses, qui semble avoir servi à l'inhumation de plusieurs membres d'une même famille.

La forme générale est celle d'un carré mesurant de 4 à 6 mètres de long sur autant de large. Des murs en pierre de 60 à 70 centimètres de haut l'entourent: le carré est divisé longitudinalement en deux parties, subdivisées en six autres par des murs transversaux; dans chacun des compartiments se trouvaient des squelettes presque entièrement conservés. Dans une autre partie de la même sépulture on a découvert des cendres d'os, des vases, du charbon et des clous aussi brillants et aussi parfaits qu'au sortir de la fabrique. Comment expliquer cette diversité dans la sépulture des membres d'une même famille? Telle est la question qui se pose à l'esprit de tous.

M. de Cessac dit que très-probablement les membres de cette famille, comme cela se voit encore de nos jours, n'appartenaient pas à la même religion les chrétiens se faisaient enterrer selon les coutumes de l'Église, et les païens avaient conservé l'usage de faire brûler leurs corps et de faire déposer leurs cendres dans des vases ou dans des urnes funéraires.

M. Balestra répond que ces tombeaux remontent au temps d'Auguste : certains portent l'inscription Divus Augustus, et cette autre Diis manibus (D. M.), et cela prouve qu'ils appartenaient tous à la religion de l'État.

M. l'abbé Lucot revient sur le reliquaire de Margerie, qui renferme un 03 de la main; on croyait que ces restes étaient ceux de saint Blaise, mais si l'on s'en rapporte au texte de l'inscription, ce sont ceux de sainte Marguerite; Μαρίνης designant cette vierge aussi bien que Μαργαρίτης.

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