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grisâtre, et que nous croyons avoir plus spécialement pour gisement la montagne de Vertus.

Nous avons été plus heureux sur le territoire de SommeVesle, village situé, comme son nom l'indique, a la source de la Vesle.

A deux kilomètres environ de ce point et vers le sud, s'élève, au milieu d'une plaine largement ondulée, un mamelon aux pentes assez rapides et qui n'est lui-même que l'extrémité d'un long coteau.

Ce lieu est appelé le Bois-Bréan; une partie de sa surface est inculte; l'autre partie est occupée par des terres en culture et par des plantations de sapins.

Sur le sommet de ce monticule, à son pied et sur ses versants, nous avons rencontré un grand nombre d'instruments, fragmentés pour la plupart, tels que haches, flèches, couteaux, grattoirs. Ils sont tous en silex noir et fortement recouverts d'une patine blanche. Il faut une certaine habitude pour les distinguer sur le terrain des fragments de craie auxquels ils se trouvent mêlés.

On rencontre fréquemment çà et là dans notre département et à fleur du sol d'assez nombreux gisements de silex taillé.

Ils doivent être abondants autour de ces coteaux qui portent le nom de « la Montagne de Reims » et qui recèlent de belles carrières de silex pyromaque exploitées aux époques les plus anciennes, puisque M. Édouard Dupont a trouvé en Belgique, dans des gisements de l'époque du renne, les grottes de la Lesse, des couteaux en silex champenois.

M. Joseph de Baye demande à faire quelques observations au mémoire de M. Nicaise.

La grotte de Saran, dit-il, est représentée comme

appartenant à l'âge de la pierre polie. Cependant il est difficile d'en donner une appréciation certaine, puisqu'elle a été non pas fouillée, mais saccagée. En outre, il y a, en l'absence d'observations sûres en faveur de l'âge de la pierre polie, une indication qui milite dans un sens contraire. Il a été trouvé un grain de collier en verre bleu. Ce fait indique incontestablement une époque postérieure.

A l'occasion des silex recueillis par M. Aubrion, il a été fait mention de l'âge du renne. Il est dangereux de rattacher certains types à l'âge du renne. Car ces formes particulières de silex recueillis à la surface du sol ne peuvent êètre datées. Ce qui est caractéristique de l'âge du renne, c'est la forme. Or les ossements du renne font complétement défaut.

Les flèches à tranchant transversal ont été signalées comme propres aux stations préhistoriques de la Champagne. Le fait trouve sa contradiction dans les observations qui ont été faites dans d'autres pays. On trouve des flèches de ce genre en Scanie, dans le Danemark, en Norwége, en Belgique et sur plusieurs points de la France. Les savants du Nord les avaient étudiées longtemps auparavant. C'est, il est vrai, à l'occasion de mes découvertes que les archéologues français s'en sont occupés; mais la priorité appartient aux savants du Nord. Quant à l'usage comme projectile, il n'y a pas lieu d'en douter. Sur une momie égyptienne, dont M. Chabas m'a entretenu, on voit cette flèche entre les mains d'un chasseur qui la brandit. La vertèbre humaine percée d'un de ces silex est une attestation qui témoigne de son emploi.

M. Buvigner de Verdun demande à son tour la parole. Il ne se serait pas, dit-il, permis de faire une observation sur le travail si intéressant de l'honorable M. Nicaise, s'il n'avait paru émettre un léger doute sur

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la position ou le mode de sépulture des esclaves, indiqués par M. Liénard, dans le puits de Cumières. M. Buvigner n'a eu le temps d'aller voir ni ce puits, ni l'habitation voisine, pendant les quelques jours où les travaux des chemins de fer de la vallée de la Meuse les avaient mis à découvert; mais M. Ruelle, l'ingénieur qui dirigeait ces travaux, lui a communiqué des plans très-détaillés et trèssoignés, donnant exactement les mêmes indications (1).

Il ajoute que cette habitation préhistorique se trouvait dans un lieu dit: la Cave. On ne trouve dans la contrée aucune autre trace de construction. Il serait très-curieux que ce nom se soit perpétué, depuis l'âge de la pierre, jusqu'à nos jours.

D'après la citation faite par M. Nicaise, la hache emmanchée serait encastrée dans un humerus de cheval. M. Buvigner pense que cet os est au contraire un fragment de bois de cerf ou de renne. Il ne peut préciser, ce tronçon étant à peu près poli à la surface. Mais il n'appartient pas à un os creux. Il est plein, et dans le fond de l'alvéole qui reçoit la hache, on remarque la texture poreuse des bois de ruminant.

M. de Baye a parlé de haches et de flèches quaternaires trouvées à la surface du sol. On a trouvé aussi des haches dans une partie du département très-éloignée de Baye. En travaillant à la carte géologique de la Marne, M. Buvigner a eu occasion d'étudier un phénomène plus ancien peut-être que l'existence de l'homme. C'est un changement survenu dans le cours d'un grand nombre de rivières ou de ruisseaux qui se déversaient dans un grand lac, entre

(4) Le doute auquel M. Buvigner fait ici allusion, n'émane point de M. Nicaise, mais de M. Bertrand, directeur du musée de Saint-Germain, cité par M. Nicaise dans son mémoire sur les puits-sépultures de Tours-sur-Marne. (Voyez plus loin, page 27.)

Saint-Dizier et Vitry. Là se réunissaient la Marne, la Blaise, la Saulx, la Chée, l'Ornain, l'Aisne, l'Ante, etc. En recherchant les limites de cet ancien lac, tracées par les galets, de natures différentes, qu'y amenaient ces affluents, en marquant sur la carte la séparation des dépôts de graviers et des marnes crayeuses sur lesquelles ils reposent, M. Buvigner a recueilli, en moins d'une heure, trois haches en silex poli recouvertes d'une patine de cacholong. Il n'a pas eu depuis occasion de rechercher si ces haches provenaient des dépôts de graviers parmi lesquels elles avaient été rencontrées, ou bien si elles s'étaient trouvées accidentellement à la surface du sol à proximité de ces graviers.

M. Nicaise répond aux observations qui viennent de lui être faites :

Il rappelle que la flèche à tranchant transversal, bien que répandue partout, se rencontre en Champagne, en plus grand nombre que les flèches des autres types.

Il pense qu'on peut déterminer un gisement du renne, sans trouver de débris de cet animal. Il cite les grottes de Menton, où on n'a pas trouvé le renne, et cependant, les archéologues reconnaissent que ce gisement est bien de l'époque du renne, et le rattachent à la civilisation de la grotte de la Madeleine.

M. Nicaise dit qu'il n'a d'ailleurs vu la collection de M. Aubrion, que par des dessins indiquant seulement la forme générale de ces instruments, et qu'il laisse à M. Aubrion la responsabilité des appréciations de son mémoire.

Sur la demande de M. de Baye, les questions 2, 3, 4, 5, 6 et 7, sont réservées pour la séance qui doit se tenir le jeudi, 26 août, au château de Baye.

La parole est alors donnée à M. Nicaise, sur la huitième question.

Quelles sont les découvertes faites dans le département de la Marne, de cimetières ou d'objets des époques du bronze ou du fer?

MESSIEURS,

Le département de la Marne, déjà si fécond en découvertes de l'époque de la pierre polie, vient encore de nous révéler un nouveau type de sépultures préhistoriques.

Nous connaissions déjà les grottes de la vallée du PetitMorin et de Saran, taillées dans la craie; la grotte de Mizy, qui se rapproche du type des dolmens, car elle ressemble par sa forme et les matériaux employés à son organisation à la cella d'un dolmen; aujourd'hui je viens vous entretenir des puits-sépultures de Tours-sur-Marne.

Cette découverte se produit d'ailleurs fort à propos, pour appuyer une autre trouvaille faite, il y a peu de temps, dans le département de la Meuse, par M. Liénard, de Verdun, membre correspondant du comité des travaux historiques, nous voulons parler du puits-sépulture de Cumières.

M. Alexandre Bertrand, le conservateur du musée de Saint-Germain, s'exprimait ainsi, dans la Revue des Sociétés savantes, au sujet de la sépulture de Cumières :

« Le mode de sépulture, doit attirer davantage notre attention. Il s'agirait en effet, si les observations ont été bien faites, non d'un dolmen d'hypogée, ce qui est certain; mais, ce qui est moins évident, d'un véritable puits

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