un peu par ce qui en reste ce qu'était cette église du commencement du XIIe siècle. Les deux tours du portail n'ont pas changé, sauf l'étage supérieur de la tour nord, et les flèches qui devaient être beaucoup moins élancées. Mais, à la place de la façade actuelle se trouvait un porche bas, d'architecture romane. Le pignon de l'église, reculé d'une travée, laissait les tours faire saillie et prendre des jours au-dessus du porche par des fenêtres qui existent encore dans les combles de l'église. Cette supposition s'appuie sur les traces laissées par le mur du pignon au-dessus des deux piliers qui supportent les tours. On trouve à la cathédrale de Chartres des traces évidentes d'un porche semblable, d'architecture romane, détruit à la fin du XIIe siècle. Les gros murs des basses nefs sont de cette première construction. Il reste encore deux ou trois des fenêtres romanes qui les traversaient et qui ont été plus tard remplacées par de larges fenêtres ogivales. Les piliers de la nef datent de la même époque, mais au lieu d'archivoltes en ogive, ils portaient alors des archivoltes en plein cintre, de forme très-simple; des voûtes d'arètes couvraient les bas-côtés, et au-dessus de ces voûtes, moins élevées que celles qui leur ont succédé, se trouvaient des tribunes couvertes d'une charpente. Une fenêtre, encore visible dans le comble au-dessus du portail méridional, montre que ces tribunes étaient éclairées par des ouvertures semblables à celles du rez-de-chaussée et placées immédiatement audessus. Les robustes piliers de la nef, dont les colonnettes sont surmontées de magnifiques chapiteaux, paraissent d'abord tous semblables; une observation plus attentive fait voir que de deux en deux ils sont un peu plus larges et accompagnés d'une forte colonnette qui porte son chapiteau un 45 XLII SESSION. peu au-dessus du niveau des tribunes. Les autres piliers ont aussi une colonnette saillante, mais moins forte et rapportée après coup dans un remaniement postérieur. Sur les chapiteaux des grosses colonnettes devaient retomber des arcs doubleaux portant des murs transversaux et divisant la nef en trois espaces carrés contenant chacun deux travées. Les charpentes du comble reposaient tant sur ces arcs que sur les murs latéraux. M. Bouet a signalé une disposition semblable dans l'église primitive de SaintÉtienne de Caen et dans d'autres églises normandes. (Voir le t. XXXI du Bulletin monumental, p. 466.) Les archivoltes en plein cintre prenant moins de hauteur que celles en ogive, le sol de la tribune était plus bas; et celleci étant elle-même moins élevée, en prenant la place pour les fenêtres supérieures à la hauteur du triforium actuel, on arrive, pour la hauteur de la nef primitive, à trois à quatre mètres plus bas que n'est le sommet du mur d'à présent. Des traces de reprise dans la maçonnerie, depuis les tribunes jusqu'aux voûtes, se voient dans toutes les travées; ce qui porte à penser que, même dans les parties hautes, le mur de la nef est encore celui des premières années du XIIe siècle. A la croisée des nefs, on voit les chapiteaux qui portaient quatre grands arcs plus puissants que les premiers et au-dessus desquels s'élevait probablement une vaste tour centrale. Le chœur était resté à peu près ce qu'il était auparavant. Tel était ce vaste et noble édifice lorsque la catastrophe du 7 janvier 1157 vint y porter la désolation. Il nous est difficile d'apprécier les causes et de calculer l'importance de cet accident. S'il était permis de hasarder une hypothèse, on pourrait l'attribuer à l'effondrement de la tour centrale entraînant avec elle les arcs de la nef et les charpentes des combles. Ce que l'on peut affirmer en présence de ces constructions qui, après 700 ans, peuvent encore durer plusieurs siècles, c'est que cette ruine n'atteignit qu'une faible partie du monument et que le désastre eût pu être réparé sans les immenses travaux entrepris à cette époque. Mais, depuis l'adoption des formes ogivales, de grands progrès s'étaient accomplis dans l'architecture religieuse. Le principal consistait dans la construction des arcs-boutants qui permettaient de jeter des voûtes sur les nefs les plus hautes et les plus légères, et de remplacer avec avantage les charpentes d'un aspect moins monumental et sujettes à être détruites par les incendies. C'est en 1150 que la cathédrale d'Angers fut voûtée pour la première fois; c'est peu d'années après que la nef de Saint-Julien du Mans vit une solide voûte de pierre remplacer ses charpentes deux fois détruites par le feu; c'est en 1162 que Saint-Remi de Reims reçut la transformation gothique dont nous parlera M. Leblan. Rien d'étonnant que le riche chapitre de Notre-Dame de Châlons, ne voulant pas rester en arrière, confiât à un habile architecte, non-seulement la réparation, mais en même temps la transformation de son église. Il commença par supprimer le porche roman en avançant d'une travée le pignon de l'église; il changea en archivoltes ogivales les archivoltes romanes plus lourdes et moins ornées; et ce changement l'amena à remplacer les voûtes d'arête qui couvraient les bas-côtés par des voûtes à nervures plus élancées. Les fenêtres basses ne furent pas modifiées. L'architecte enleva ensuite les arcs transversaux, mais respectant les beaux chapiteaux qui les supportaient, il plaça au-dessus un groupe de trois colonnettes pour soutenir ses voûtes. Voulant faire une voûte par travée, il ajouta aux piliers intermédiaires les colonnettes saillantes qui leur manquaient. Un triforium fut établi au-dessus des tribunes et des fenêtres accouplées ouvertes au-dessous des voûtes. Les transepts furent haussés et voûtés dans le même système. Il est surtout facile de se rendre compte de l'addition, dans le pignon du transept méridional, où un étage gothique se superpose à la construction romane. La nef allongée d'une travée, élevée de plusieurs mètres, débarrassée des arcs transversaux, voùtée dans toute sa longueur, était désormais dans toute sa beauté et telle que nous la voyons. Ce fut cette nef, transformée selon les règles de la nouvelle architecture, qui reçut la consécration du 29 août 1183. Mais le chœur, débris d'une église antérieure, restait tel que l'avait vu le xre siècle, et il paraissait étroit, bas, sombre et mesquin à côté de la nouvelle nef. Dès que les ressources le permirent, on traça celui que nous admirons, en ajoutant à l'ancienne abside un déambulatoire et des chapelles rayonnantes. Ce dut être l'œuvre des premières années du XIIIe siècle. Après une longue interruption des travaux, il ne fut consacré qu'en 1322. Au XIIIe siècle doit être aussi attribuée la première construction du porche méridional, remanié depuis au XVIe siècle. A cette dernière époque, on remplaça les fenêtres romanes des basses nefs par de larges fenêtres ogivales garnies de vitraux. En résumé, la nef et les transepts furent construits en style roman au commencement du xire siècle; remaniés dans le goût gothique et couverts d'une voûte après l'accident de 1157, ils furent consacrés en 1183; le chœur, du commencement du XIIe siècle, ne fut consacré qu'en 1322. Il n'appartient qu'aux archéologues de Châlons, qui peuvent étudier à loisir les textes et le monument, de préciser davantage ces détails et de donner la chronologie complète des travaux exécutés à Notre-Dame de Châlons, à l'exemple du si curieux travail de M. Bouet sur SaintÉtienne de Caen, ou de celui que M. Leblan expose sous vos yeux dans ses magnifiques dessins de Saint-Remi de Reims. M. de Dion, après son rapport sur Notre-Dame, donne quelques détails sur l'église Saint-Loup. Saint-Loup offre aussi de grandes beautés. Sa restauration se poursuit dans d'excellentes conditions, grâce au zèle de M. l'abbé Chapiteau, curé actuel. C'est encore un très-beau monument qu'on admirerait davantage si Chalons n'en comptait pas tant d'autres, plus complets et plus riches assurément. L'église date de la fin du xIve siècle ou du commencement du xv. Elle est digne de l'attention des archéologues. M. de Sailly rend compte de la visite du Congrès aux collections de M. Mohen. M. Mohen a sculpté sur bois un certain nombre d'églises du département. On remarque parmi elles l'église NotreDame de Châlons, la cathédrale, Saint-Jean, l'église de Vitry. Ces travaux sont exécutés avec beaucoup d'habileté, un goût artistique très-prononcé, et une merveilleuse fidélité de reproduction. M. le docteur Mohen a en outre dessiné près de six cents églises du département. Cette précieuse collection forme sept volumes, qui reproduisent surtout nos églises rurales, dont les caractères sont rarement dépourvus d'intérêt. Cette ceuvre est le résultat de quatorze années de travail et constitue un ensemble unique en France. L'ordre du jour amène alors la discussion sur la 19° question du programme : |