Nous devons ce musée à la générosité de Mgr Meignan, évêque de Châlons, dont le zèle pour tout ce qui touche à la science est si conuu. Les musées particuliers ont leur utilité, sans doute; ils prouvent l'amour de la science dans ceux qui les forment; ils servent à étendre et à perfectionner leurs connaissances; mais, après tout, il n'y a guère que leurs possesseurs qui en tirent avantage. Le but que s'est proposé Sa Grandeur est plus élevé, plus conforme à son désir de voir la science s'étendre de plus en plus. Monseigneur n'a pas voulu un musée qui pût être utile à quelque particuliers seulement, encore moins un simple musée de parade: ce qu'il a voulu, c'est un musée diocésain destiné spécialement à l'enseignement de tout son clergé. Auparavant, plusieurs curés du diocèse s'occupaient déjà de ces sciences nouvelles, mais ce n'étaient que des efforts isolés ; la plupart, occupés exclusivement des études qui leur sont propres, y demeuraient étrangers. Aujourd'hui, grâce à ce musée et à un cours spécial, tous les curés du diocèse de Châlons-sur-Marne, passant par l'enseignement du Grand-Séminaire, y puisent et le goût et les éléments des sciences archéologique, paléontologique et géologique. Sa Grandeur a compris que plus d'un service pouvait être rendu à la religion et à la science par un clergé mis au courant des questions du jour. Les fortes études philosophiques et théologiques, qui sont la base de l'enseignement du Grand-Séminaire, ont rompu le prêtre à la discussion ; il est habitué à une logique sévère, à une critique sûre qui lui permettent de discerner facilement les conséquences d'un fait, le fort et le faible d'une preuve. Il pourra donc aider les vrais savants à établir la vérité, à éloigner des livres élémentaires destinés à l'enseignement des conclusions ou trop prématurées, ou trop généralisées, des théories plus ou moins hasardées, comme on en voit tant dans les livres qui traitent de géologie, ou du moins, à ne les présenter que pour ce qu'elles valent, et non comme une vérité démontrée. Pour ce qui concerne les fouilles archéologiques qui sont l'objet spécial de ce Congrès, vous mêmes, Messieurs, vous savez mieux que personne combien il serait utile que dans chaque village il se trouvât au moins un homme instruit sur ces matières. Partout on remue la terre, pour une raison ou pour une autre. L'ouvrier, ne comprenant rien à l'archéologie, rencontre un ossement, un silex, un fragment de vase; il n'y prête aucune attention, le jette de côté et continue. Combien de choses précieuses pour la science se trouvent ainsi perdues ! Bientôt, Messieurs, il n'en sera plus ainsi; le curé veillera. S'il se présente quelque accident de terrain ou quelque objet qui puisse intéresser la science, il saura du moins arrêter à temps la છે pioche du terrassier et avertir quelque savant plus expert qui viendra reconnaître et diriger ces fouilles. Tel est, Messieurs, le but que s'est proposé Monseigneur notre évèque, en fondant le musée de son Grand-séminaire: l'utilité de la religion et de la science. La première partie de ce musée, celle qui a le plus intéressé les membres du Congrès, parce qu'elle est celle qui a trait à l'objet spécial dont il s'occupe, est la partie archéologique. Elle se compose d'abord d'une collection d'objets des temps préhistoriques, donnés en grande partie par un géologue, M. Lartet. Ce sont des débris de l'éléphant à toison ou mammouth des Russes (elephas primigenius), de l'ours des cavernes (ursus spelæus), du cerf gigantesque (megaceros hybernicus), de l'auroch (bison europeus), et du cheval (equus adameticus), une plaque de la brèche osseuse du Périgord, renfermant des ossements d'animaux mêlés avec des produits de l'industrie grossière encore des aborigènes, chasseurs de rennes. Au-dessus de ces quelques débris de la faune préhistorique, vous avez remarqué un certain nombre d'objets attestant la naissance de l'art chez les peuplades de l'age du renne et de la pierre : silex taillés de différents types, haches de pierre, couteaux, grattoirs, têtes de lances. Votre attention a été attirée surtout sur deux aiguilles très-fines en bois de renne, sur le fac-simile d'une représentation d'animal, gravée sur un fragment de bois de renne, trouvé dans une caverne du Périgord, enfin sur quelques flèches également en bois de renne, relevées de chaque côté de plusieurs barbes recurrentes et alternes. A cette première collection en succède une autre de la Gaule indépendante. Ce sont des armes, en particulier l'épée gauloise à deux tranchants avec fourreau en fer battu, des fibules, des torques. Mais ce qui a excité vivement votre curiosité, c'est d'abord un magnifique bracelet en verre, trouvé et donné par M. l'abbé Ménuel ; ce produit de l'industrie de nos pères nous est témoin qu'à cette époque reculée, les arts avaient déjà fait de notables progrès, puisqu'on y fondait et travaillait le verre : puis, c'est un certain nombre de fragments de vases funéraires, qui tendraient à prouver que si l'incinération des cadavres n'était pas commune chez les Gaulois, du moins elle n'y était pas inconnue. A la Gaule indépendante succède l'époque gallo-romaine. Elle est représentée dans notre musée, surtout par des vases provenant des cimetières fouillés dans le départenient de la Marne; des urnes, des patères, des cruches, des assiettes, des plateaux et des tasses, tous se faisant remarquer par l'élégance et la légèreté de leurs formes. Viennent ensuite les antiquités franques et du moyen âge. Les pièces principales sont des armes, des vases, des bracelets, des colliers en perles d’ambre et en verroterie; enfin un groupe de carreaux en terre cuite émaillée, des XII° et xie siècles. On n'a pas oublié la numismatique, cette partie si intéressante, intimement liée à l'histoire et à la géographie des peuples. Vous y avez remarqué un certain nombre de pièces grecques et gauloises, plus de trois cents pièces romaines, des monnaies royales de France, au nombre de 160, plus de cinquante pièces de monnaies seigneuriales, suivies d'un assez grand nombre de médailles des papes, de médailles commémoratives, de jetons et méréaux avec quelques monnaies étrangères. Nous tenons a déclarer que, sans parler des dons faits par M. Lartet, le premier bienfaiteur de ce musée, nous devons une bonne partie des pièces archéologiques et numismatiques à la générosité de M. l'abbé Ménuel, aumônier de l'Asile, à Châlons-sur-Marne; leur classement est aussi son cuvre. Nous devons aussi plusieurs objets à M. Morel, à M. l'abbé Lucot, supérieur des prêtres auxiliaires, et à M. Bédizié, curé de Vanault-le-Châtel. Du reste, vous l'avez vu, nous avons eu soin de relater les noms des donateurs sur chaque objet. Qu'il nous soit permis de leur offrir ici l'hommage public de notre reconnaissance. Outre l'archéologie, notre musée renferme encore trois autres parties : la minéralogie, la géologie et la paléontologie. Les familles minérales y sont presque toutes représentées, les principales du moins, et en général, les échantillons sont assez gros pour que l'æil puisse en saisir tous les caractères cristallographiques, lorsqu'ils existent. La partie géologique est assez étendue; elle comprend de très-beaux échantillons de la plupart des roches connues. La paléontologie n'est pas moins riche. Elle possède des espèces nombreuses et intéressantes. Parmi les céphalopodes, vous vous êtes plu à remarquer surtout les ammonites de grande taille des terraios jurassiques et crétacés, et parmi les reptiles, le grand crocodile du Mont-Aimé, près Vertus. De vastes et nombreux tiroirs renferment des coquilles de toutes espèces, distribuées selon l'ordre des terrains. D'autres tiroirs contiennent les coquilles des mollusques modernes. Nous possédons en outre un riche herbier, dû aux connaissances et aux patientes recherches de M. Royer, receveur de l’Asile, à Châlons-sur-Marne. Qu'il reçoive également ici l'hommage de notre profonde reconnaissance. Enfin, Messieurs, vous avez terminé la visite de notre musée du Grand-Séminaire par l'examen d'une tombe en pierre assez remarquable et très bien conservée. Cette tombe est un don de M. Morel, qui l'a trouvée dans le cimetière franc de Bréban. Je crois, Messieurs, que s'il existe des musées particuliers plus riches sur une branche particulière de la science, il en est peu en province qui soient plus complets dans leur ensemble. Aussi, espérons-nous qu'il remplira pleinement le but de son fondateur, et rendra de véritables services à la religion et à la science. A la suite de la lecture du rapport de M. l'abbé Hémard, M. le président émet le veu qu'un cours d'archéologie soit fondé dans les écoles normales, dans le but d'apprendre aux instituteurs d'abord à apprécier et à classer les objets trouvés soit à la surface du sol, soit dans les |