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blance avec la figure sous laquelle certaines déesses étaient adorées dans d'autres pays. Ne pourrait-on pas voir aussi, dans la représentation de la hache, une pratique religieuse? sa présence sur la représentation de la déesse elle-même dans les grottes de Courjeonnet semble l'insinuer. N'est-ce pas le commencement de la légende du Sub ascia? Ces rondelles de crâne, détachées et portées comme amulettes, dont nous aurions tant à parler, n'étaient-elles pas aussi la manifestion d'une idée religieuse? Nous nous bornons à ces rapides indications, bien persuadé qu'il se trouve ici un vaste champ à explorer.

Toutes les communications terminées, M. de Cougny, prenant la parole, exprime à M. Joseph de Baye la reconnaissance des archéologues pour ses importantes découvertes, et lui remet, au nom du Congrès, une médaille à l'effigie de M. de Caumont.

« Les services de M. de Baye sont exceptionnels, dit M. de Cougny, nous nous félicitons de pouvoir le remercier, au nom de la science archéologique, en présence de M. le baron et de Mme la baronne de Baye, qui secondent avec tant de sollicitude les travaux et les études de leur fils. »

La séance est terminée par un discours de M. le baron de Baye, qui exprime en termes énergiques son espoir dans le relèvement de la France.

La séance est levée à cinq heures et demie.

Profitant des dernières heures du jour, les membres du Congrès ont allés ensuite visiter l'église de la paroisse. C'est un édifice des XII et XIIIe siècles, précédé d'un porche à arcades ogivales, disposition assez fréquente dans la

contrée, et renfermant une crypte abandonnée dans laquelle fut déposé, au vre siècle, le corps de saint Alpin, évêque de Châlons, qui, comme saint Loup, de Troyes, son maître, détourna de sa ville épiscopale les fureurs d'Attila.

Quelques instants après, les visiteurs reprenaient, dans les salles à manger du château, autour d'un attrayant diner, les places qu'ils avaient occupées le matin. Puis, à neuf heures, sous le charme des émotions de cette journée si bien remplie, tous, pénétrés d'une profonde gratitude pour cette magnifique et savante hospitalité, prenaient congé de leurs hôtes bienveillants, auxquels l'institution des Congrès archéologiques était redevable d'un des plus mémorables et plus précieux souvenirs qu'enregistreront ses annales. Chacun se réinstallait alors dans les grands omnibus du matin pour prendre la route d'Épernay, pendant que les cours du château de Baye s'illuminaient de feux de Bengale. Quatre heures après, les excursionnistes rentraient à Châlons, un peu fatigués peut-être, mais assurément contents de la charmante journée qui venait de s'écouler trop rapidement pour eux.

SÉANCE DU 27 AOUT.

PRÉSIDENCE DE M. NICAISE.

Siégent au bureau: MM. Liénard, de Felcourt, l'abbé Chapiteau, curé de Saint-Loup.

M. Barbat de Bignicourt remplit les fonctions de secrétaire.

M. l'abbé Hémard, chargé de présenter un rapport sur la visite du Congrès au musée du Grand-Séminaire de Châlons, a la parole.

Visite du Congrès archéologique de France au musée du Grand-Séminaire de Châlons-sur-Marne.

Mercredi dernier, les membres du Congrès archéologique de France se rendaient au Grand-Séminaire pour visiter son musée.

Et tout d'abord, permettez-moi, Messieurs, de remercier au nom du diocèse et du Grand-Séminaire, tous les membres du Congrès, et en particulier M. de Cougny, directeur de la Société française d'Archéologie, ainsi que les promoteurs de cette visite, de l'honneur qu'ils ont bien voulu nous faire. Nous serions heureux, si notre collection avait pu vous intéresser, et si elle pouvait devenir de quelque utilité pour la solution des questions qui se rapportent à l'art préhistorique.

Nous devons ce musée à la générosité de Mgr Meignan, évêque de Châlons, dont le zèle pour tout ce qui touche à la science est si connu.

Les musées particuliers ont leur utilité, sans doute; ils prouvent l'amour de la science dans ceux qui les forment; ils servent à étendre et à perfectionner leurs connaissances; mais, après tout, il n'y a guère que leurs possesseurs qui en tirent avantage. Le but que s'est proposé Sa Grandeur est plus élevé, plus conforme à son désir de voir la science s'étendre de plus en plus. Monseigneur n'a pas voulu un musée qui pût être utile à quelque particuliers seulement, encore moins un simple musée de parade: ce qu'il a voulu, c'est un musée diocésain destiné spécialement à l'enseignement de tout son clergé. Auparavant, plusieurs curés du diocèse s'occupaient déjà de ces sciences nouvelles, mais ce n'étaient que des efforts isolés; la plupart, occupés exclusivement des études qui leur sont propres, y demeuraient étrangers. Aujourd'hui, grâce à ce musée et à un cours spécial, tous les curés du diocèse de Châlons-sur-Marne, passant par l'enseignement du Grand-Séminaire, y puisent et le goût et les éléments des sciences archéologique, paléontologique et géologique.

Sa Grandeur a compris que plus d'un service pouvait être rendu à la religion et à la science par un clergé mis au courant des questions du jour.

Les fortes études philosophiques et théologiques, qui sont la base de l'enseignement du Grand-Séminaire, ont rompu le prêtre à la discussion; il est habitué à une logique sévère, à une critique sûre qui lui permettent de discerner facilement les conséquences d'un fait, le fort et le faible d'une preuve. Il pourra donc aider les vrais savants à établir la vérité, à éloigner des livres élémentaires destinés à l'enseignement des conclusions ou trop

prématurées, ou trop généralisées, des théories plus ou moins hasardées, comme on en voit tant dans les livres qui traitent de géologie, ou du moins, à ne les présenter que pour ce qu'elles valent, et non comme une vérité démontrée.

Pour ce qui concerne les fouilles archéologiques qui sont l'objet spécial de ce Congrès, vous mêmes, Messieurs, vous savez mieux que personne combien il serait utile que dans chaque village il se trouvât au moins un homme. instruit sur ces matières. Partout on remue la terre, pour une raison ou pour une autre. L'ouvrier, ne comprenant rien à l'archéologie, rencontre un ossement, un silex, un fragment de vase; il n'y prête aucune attention, le jette de côté et continue. Combien de choses précieuses pour la science se trouvent ainsi perdues! Bientôt, Messieurs, il n'en sera plus ainsi; le curé veillera. S'il se présente quelque accident de terrain ou quelque objet qui puisse intéresser la science, il saura du moins arrêter à temps la pioche du terrassier et avertir quelque savant plus expert qui viendra reconnaître et diriger ces fouilles.

Tel est, Messieurs, le but que s'est proposé Monseigneur notre évêque, en fondant le musée de son Grand-séminaire: l'utilité de la religion et de la science.

La première partie de ce musée, celle qui a le plus intéressé les membres du Congrès, parce qu'elle est celle qui a trait à l'objet spécial dont il s'occupe, est la partie archéologique. Elle se compose d'abord d'une collection d'objets des temps préhistoriques, donnés en grande partie par un géologue, M. Lartet. Ce sont des débris de l'éléphant à toison ou mammouth des Russes (elephas primigenius), de l'ours des cavernes (ursus spelœus), du cerf gigantesque (megaceros hybernicus), de l'auroch (bison europaeus), et du cheval (equus adameticus), une plaque de

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