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M. le comte de Mellet demande la permission de revenir sur une question traitée en son absence et signale au Congrès deux stations de l'âge de la pierre polie découvertes par lui dans le département de la Marne. L'une est située sur le territoire de Chaltrait; l'autre sur celui de Montmort. Il a trouvé, au milieu d'échantillons certains de l'âge de la pierre polie, des haches du type de Saint-Acheul.

M. de Verneilh, à l'occasion de la visite faite le matin à la cathédrale et à l'église Saint-Alpin, demande que des mesures de conservation soient prises le plus tôt possible à l'égard des magnifiques pierres tombales que possèdent ces églises et qui sont encastrées dans le pavé. Il appelle sur ce sujet l'attention de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts du département et voudrait qu'elle fit relever le dessin de ces pierres, en attendant qu'on avisât à leur déplacement.

M. l'abbé Lucot dit que M. Barbat, imprimeur-lithographe à Châlons, avait autrefois entrepris le travail demandé par M. de Verneilh. Malheureusement, faute de souscripteurs, il fut obligé d'interrompre la publication dont il n'a fait paraître que deux livraisons.

M. de Laurière propose d'émettre le vœu que les plus belles et les mieux conservées de ces pierres tombales soient relevées et placées le long des murs des bas-côtés de l'église, ce qui les mettrait ainsi à l'abri de l'usure, tout en formant pour les collatéraux une ornementation très-rationnelle.

M. de Verneilh demande si les pierres tombales dont il est ici question pourraient être déplacées sans froisser le

sentiment de respect que l'on porte généralement aux sépultures qu'elles recouvrent.

M. Garinet répond que le travail pourrait se faire sans aucun inconvénient, attendu que ces pierres tombales proviennent, pour la plupart, d'églises et de couvents détruits à l'époque de la Révolution et qu'elles n'ont été apportées dans les églises actuelles que pour servir de dallage.

M. Varnier fait observer que les litres funéraires peintes sur les murailles à l'intérieur des églises, méritent d'être conservées avec le même soin que les pierres tombales. Il voudrait aussi qu'il fût interdit par une loi, aux conseils de fabrique de vendre le mobilier de leurs églises.

M. de Cougny déclare que la Société française d'Archéologie ne peut que signaler ce vœu à l'autorité ecclésiastique et prier MM. les curés des paroisses de veiller à la conservation des objets rares et précieux qui se trouvent dans leurs églises.

M. Peigné-Delacour fait hommage au Congrès d'un ouvrage intitulé: Topographie archéologique des cantons de la France. Canton de Ribécourt.

M. le colonel de Sailly offre également deux ouvrages: 1° De la classification des armoiries;

2o Le manuscrit carolingien de la bibliothèque de Metz. · Eghinard, son portrait, ses armes.

La séance est levée à cinq heures trois quarts.

JEUDI 26 AOUT.

Excursion à Baye.

Les séances tenues à Châlons ont été heureusement interrompues, durant un jour, par l'excursion qui, de règle, figure au programme de tout Congrès bien organisé. Cette année, il s'agissait d'aller visiter les grottes célèbres du Petit-Morin, découvertes par M. Joseph de Baye et par lui décrites dans différents recueils avec un remarquable talent. Bien que la distance à franchir fût assez considérable, les membres du Congrès, en grand nombre, s'étaient empressés de répondre à la gracieuse invitation de M. le baron et de Mme la baronne de Baye, que nous ne saurions trop remercier ici d'avoir encouragé, avec tant d'à-propos, les recherches de leur fils.

Donc, le jeudi 26 août, à huit heures du matin, le chemin de fer déposait à Coligny une caravane de soixante personnes environ. Une heure plus tard, après avoir visité en passant un remarquable retable du temps de Louis XII, tous les voyageurs arrivaient à Coizard, village situé au pied des collines où s'ouvrent les grottes.

Les entrées de ces dernières, pratiquées dans le sol à une assez grande profondeur, sont ordinairement recouvertes de terre pour être préservées des visites indiscrètes. Mais les portes de plusieurs d'entre elles, ainsi que les tranchées qui les précèdent, venaient d'être déblayées par les soins de M. l'abbé Bordé, chargé de nous en faire les honneurs, au nom de M. Joseph de Baye.

On sait que les objets trouvés en place, squelettes, mobilier funéraire, armes de silex, ornements de toilette, ont

été portés au riche musée du château de Baye, où nous devions les admirer quelques heures plus tard. Mais les sculptures qui font corps avec les parois mêmes de ces souterrains et leur donnent une importance particulière, sont encore là, attestant les premiers et grossiers essais de l'âge de la pierre polie, précurseur de celui de l'âge du bronze, et c'est avec un intérêt toujours croissant que les visiteurs, grâce à l'érudition de leur bienveillant guide, ont examiné, taillées dans la craie, ces figures ou plutôt ces intentions de figures de femme, à caractère vaguement hiératique, les représentations de ces haches en pierre polie avec gaîne et manche en os de renne, qui réveillent l'idée de mystérieux blasons d'un autre âge, et cet objet dont la destination a exercé, sans succès satisfaisant, avant comme après le passage du Congrès, la sagacité des savants. Sa forme est celle d'une sorte de palette à manche droit, et si l'on ne craignait d'évoquer une idée trop vulgaire, on le comparerait volontiers à un simple battoir de blanchisseuse; mais cette palette est munie vers son milieu d'un petit trou circulaire, et il parait que ce trou jette les savants dans une grande perplexité. On dit qu'un esprit éminent, fort versé dans les études préhistoriques et anthropologiques, qui visita les grottes de Coizard peu de temps après leur découverte, a vu dans cet objet un briquet préhistorique; mais, malgré cette explication hasardée, la lumière n'a pas encore jailli sur la destination du mystérieux instrument.

Trois grottes seulement ont pu être visitées par le Congrès. L'heure du départ fixée au programme était sonnée depuis longtemps. Les faibles estomacs des archéologues, malgré l'enthousiasme qui les soutenait, commençaient à s'en apercevoir et réclamaient leurs droits.

Enfin, à une heure, on arrivait à Baye et les membres

du Congrès, introduits dans les cours du château par la fanfare aussi courtoise qu'harmonieuse de cette commune, venaient offrir l'hommage de leurs respects et de leur gratitude à M. le baron et à Mme la baronne de Baye. L'exquise affabilité des maîtres de la maison, qui faisaient à tous le plus gracieux accueil, n'a point surpris ceux qui avaient déjà eu l'honneur d'être reçus dans cette noble demeure, tout en charmant ceux qui y pénétraient pour la première fois.

Le château de Baye, avec ses tours et les restes de son enceinte de fossés, offre un vaste ensemble de constructions de différentes époques. Par suite de divers remaniements, le xvIIe siècle du temps de Louis XIV lui a imprimé son caractère dominant, surtout du côté de sa longue façade qui donne sur un parc aux arbres magniques. C'est assez dire que tout cela a grand air. A l'intérieur, au milieu d'une élégance d'un goût parfait, empruntée aux meilleurs styles Louis XIV et Louis XVI, se révèlent, comme par un charme pénétrant, dans les habitudes des habitants du lieu, le culte familier des travaux de l'intelligence, l'amour des plaisirs de l'étude et des plus délicates aspirations.

Bientôt la salle à manger du château décorée de fleurs, ainsi que d'autres pièces lui servant d'annexes pour cette circonstance, réunissait les invités autour d'un splendide déjeûner.

Comme souvenir de son ancienne origine, le château de Baye a conservé sa chapelle du commencement du XIIIe siècle. Elle se trouve accolée à l'extrémité nord du château et communique avec lui. Le plan en est simple et conforme au type des chapelles de cette époque. Sa première moitié se compose d'une travée plus longue que large, à voûte sur nervures croisées retombant sur des

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