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par Pierre Garnier, curé de Fèrebrianges, l'histoire de Félix III, Vialart de Herse, l'inscription gravée sur sa tombe Hanc basilicam eleganti odeo ornavit, camdem incendio deformatam refici et augeri curavit; les mémoires historiques de la Champagne, de Baugier, qui dit : Félix Vialart embellit considérablement sa cathédrale en faisant construire des chapelles à côté et derrière le chœur qui y manquaient auparavant (t. II, p. 96); des restes de verrières, où l'on voit l'emblème du grand roi (le soleil entouré de rayons et cerné par la légende Nec pluribus impar); une gravure de 1623, représentant la ville de Chaalons en Champaigne, où les chapelles absidales n'existaient pas encore (1).

Enfin, pour conserver à jamais et mettre sans cesse sous les yeux l'époque de l'incendie de la cathédrale et de la construction de la seconde partie de l'abside, du déambulatoire et des trois chapelles absidales, dites chapelles des Sibylles, on fit inscrire au centre de la voûte du sanctuaire le millésime 1668. Il suffit de le montrer à tout contradicteur, pour le confondre à jamais.

Cependant, j'entends un architecte qui s'écrie:

« Moi, je ne connais que l'art. L'art passe avant tout et par-dessus tout! »

Cette sentence n'est qu'une folie de l'orgueil. Est-ce qu'on n'est pas libre de choisir le style qu'on juge le plus convenable à l'édifice qu'on construit? Comment osezvous ôter cette liberté à Félix Vialart, quand il se mit à restaurer sa cathédrale, et qu'il voulut conserver l'unité d'architecture?

Eh bien! cédons un instant à cette sentence.

(4) M. de Granrut, architecte, Congrès archéologique de Chalons, en 1855, p. 174.

Montrons par des preuves archéologiques que les chapelles absidales de la cathédrale ne remontent point au XIVe siècle, et qu'elles ne présentent point le style architectural de cette glorieuse époque. Vous vous confondrez vous-même.

Étudiez avec soin tous les détails et vous verrez qu'il n'est pas un agencement, un profil dans les faisceaux des piliers, les bases, les tailloirs et astragales, dans les cordons, les meneaux, les arcs-doubleaux, les ogives, les nervures, etc., qui traduisent avec pureté les types des XIV et XVe siècles. On remarque, au contraire, parmi ces détails, certains galbes, qui s'éloignent complétement de tous ces types. Si quelques-uns paraissent, au premier aspect, s'en rapprocher, on reconnaît bientôt qu'ils ne peuvent être assimilés qu'à une grossière et maladroite contrefaçon.

A l'extérieur, par exemple, qu'on jette un coup d'œil sur les contre-forts, leurs glacis, leurs chaperons, et principalement sur la corniche qui couronne cette œuvre, l'illusion qu'a fait naître un premier aspect de l'intérieur se dissipe bientôt (1).

J'ai fait moi-même l'expérience, en 1841, que les architectes ne sont pas infaillibles. Ils prétendaient que l'église Saint-Alpin allait s'écrouler; ils avaient même interdit toute sonnerie.

Comme je venais d'être nommé curé de cette paroisse, je voulus examiner ma nouvelle église. Après l'avoir étudiée dans tous les sens, j'acquis la conviction qu'elle était la plus solide des églises de Châlons. Pour m'assurer de l'exactitude de mes observations, je les fis insérer dans le

(1) M. de Granrut, architecte, Congrès archéologique de France de Châlons, en 1855, p. 174.

Journal de la Marne, et j'invitai les hommes de l'art à me réfuter. Ils sont encore à mettre la main à la plume.

La preuve est claire. On ne fit point les réparations indiquées, qui auraient été singulièrement funestes au monument, et l'église n'a pas bougé d'un point depuis 1841.

M. Palustre maintient son dire au sujet des chapelles absidales de la cathédrale de Châlons et tire de nouveaux arguments des paroles mêmes de M. l'abbé Boitel. Si Vialard de Herse eût construit tout à la fois et les chapelles et le collatéral qui les précède, il n'eût pas « évité toute bigarrure », comme le prétend l'honorable préopinant, puisque le style de ces deux parties de la cathédrale est évidemment très - dissemblable. Dans le langage du XVIIe siècle, le mot odeum veut dire collatéral et n'entraîne pas du tout l'idée de chapelles adjacentes. Enfin, s'imagine-t-on un prélat, ennemi de la bigarrure, qui substitue aux anciennes colonnes du chœur, datant du XIIe siècle, des colonnes tout à fait nouvelles, à chapiteaux doriques. La vérité est que le chœur n'était point jadis entouré de colonnes, mais d'un mur continu, percé de fenêtres à lancettes. Lorsque Vialard de Herse voulut établir une communication entre la cathédrale proprement dite et le collatéral qu'il venait de bâtir, il fallut bien percer de grandes arcades dans le massif dont nous venons de parler, et il ne trouva rien de mieux que d'élever les colonnes monocylindriques, en style prétendu classique, que nous voyons aujourd'hui. Quant à la date qui se voit à la clef de voûte du sanctuaire, tout le monde l'avait remarquée avant M. l'abbé Boitel, et personne ne s'était mépris sur sa signification. Cette voûte est postérieure à l'incendie de 1668, cela est évident; il en

est de même du collatéral, mais les chapelles sont plus anciennes d'un demi-siècle environ.

Cet incident terminé, la parole est donnée à M. l'abbé Janson pour la lecture d'une note qu'il a consacrée à la description d'un retable en bois doré du xve siècle, qui se trouve actuellement placé au-dessus de l'un des autels latéraux de son église.

Le retable de Coligny.

MESSIEURS,

Dans l'église plus que modeste du village que l'on vient de nommer, se trouve un magnifique retable en bois doré, véritable chef-d'œuvre de la sculpture au moyen âge, dont l'origine est encore enveloppée d'une certaine obscurité. Est-il vrai, comme nous l'avons entendu dire, que ce retable provient de l'église Saint-Sulpice de Châlons? Suivant un bruit fort accrédité, il aurait été acheté vers l'année 1789, peu de jours avant la Révolution, par M. de Villarcy, dernier seigneur de Coligny, et donné par lui à l'église qui l'a toujours possédé depuis. Quoi qu'il en soit, grâce aux belles photographies que M. Varnier, d'Avize, a placées sous vos yeux, vous pouvez vous faire une idée de cet ensemble remarquable, bien digne de toute l'attention du Congrès.

Tandis que les compartiments latéraux ne mesurent qu'un mètre sur soixante-dix centimètres, le panneau central présente un développement de deux mètres de hauteur sur soixante-quinze centimètres de largeur. Aussi, deux petites scènes, la Nativité et l'Adoration des Mages,

prennent-elles place au-dessous de la Crucifixion, réunissant de la sorte, dans un même tableau, l'alpha et l'oméga de la Rédemption.

Dans la scène de la Nativité, l'enfant Jésus a malheureusement disparu, mais l'on ne saurait trop admirer la belle tête de saint Joseph, ainsi que la pose très-caractéristique des trois bergers. Au milieu du groupe, bien qu'à l'arrière-plan, se détache la tranquille figure du bœuf traditionnel.

A côté, dans le second compartiment, l'enfant Jésus semble jouer avec les cadeaux des Mages et plonge sa petite main dans le vase présenté par l'un d'eux. Au-dessus la Vierge, qu'émeut la vue des souffrances de son fils trainant péniblement l'instrument de son supplice, s'évanouit entre les bras de saint Jean. Elle est entourée de plusieurs femmes qui compatissent à sa douleur.

Enfin, dans la partie supérieure, le Sauveur est attaché sur la croix. Les larrons, qui devaient lui faire cortége, ont disparu, mais on voit encore les soldats à cheval qui sont chargés de veiller sur lui. L'un d'eux porte à la main la lance qui percera le cœur de Jésus.

Voyons maintenant les panneaux latéraux.

Celui de gauche présente, au premier plan, le Christ couronné d'épines, traînant péniblement sa croix. Il est brutalisé par un soldat qui veut le forcer à marcher malgré son épuisement; puis vient la Véronique, dont les bras mutilés soutenaient sans doute la divine image imprimée sur le linge avec lequel elle essuya la figure ensanglantée de son maître. Plus au fond, on aperçoit une femme qui considère en pleurant ce triste spectacle. Ici la légende se mêle à l'histoire; nous voyons le Juif-Errant appuyé sur son bâton et se mettant, d'après l'ordre de celui auquel il avait refusé un moment de

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