bois depuis la pierre dure jusqu'en bas. La pointe du clocher tomba sur la couverture du chaur et la fit fondre entièrement jusqu'aux degrés du chậur avec les voûtes du même endroit et le pavé dudict cheur jusqu'à la cripte, où deux chanoines de Sainct - Estienne furent ensevelis..... Le feu hrusla ensuite toutes les autres cloches de ladicte église, toute la couverture jusqu'au portail, une partie du lieu que nous appellons sébilles..... L'église de la Trinité a été également saccagée. » Ajoutons que le grand autel, plusieurs châsses de saints, le jeu d'orgue, les stalles capitulaires furent entièrement détruits. Présentons un autre témoin oculaire, plus véridique encore, s'il est possible, par son acte héroïque de dévouement. Pierre Debar, prêtre, chanoine de la cathédrale et doyen du chapitre, s'élançant au milieu des flammes, eut le bonheur de sauver, au péril de sa vie, les saintes espèces et les vases sacrés. Ce fait sublime est relaté sur sa tombe, qui est posée dans le pourtour de l'abside, devant la chapelle de la sainte Vierge. Tous les ans, on célèbre un salut d'actions de graces de la préservation du reste de la cathédrale et de la ville; on chante un De profundis pour Pierre Debar, le 19 janvier, ou le dimanche suivant. Félix Vialard, outré de douleur d'un si grand désastre, déploya tout son zèle pour le réparer. Il vendit ses meubles précieux, les maisons considérables qu'il possédait à Paris, sacrifia tous ses revenus pour sa chère cathédrale. Il intéressa à son ouvre ses diocésains, les personnages puissants et même Louis XIV. Animé d'un zèle ardent pour la maison du Seigneur, il remit l'intérieur de l'église dans l'état où il était auparavant. Il l'embellit considérablement. Il allongea la cathédrale vers le chevet. Il ajouta dans le sanctuaire quatre colonnes d'ordre dorique aux quatre anciennes qui existaient; il acheva le pourtour du collatéral, qui auparavant s'arrêtait au deuxième pilier de l'abside ; il construisit, en style ogival du xive siècle, sur l'emplacement des chapelles dites des Sibylles, détruites dans l'incendie, les trois chapelles absidales du rond-point, qu'on nomme encore chapelles des Sibylles. De cette sorte, la cathédrale fut allongée de tout l'espace qui existe depuis la seconde colonne du sanctuaire, à laquelle est appliquée une colonne engagée qui servait jadis de contre-fort extérieur, de la largeur de tout le déambulatoire et de la profondeur des trois chapelles absidales. Vialart de Hesse se gardạ bien d'imiter son prédécesseur. Pour éviter toute bigarrure, il voulut que les trois chapelles absidales fussent conformes au style ogival du reste de l'édifice. L'évêque de Châlons était un pontife d'un grand génie, d'une vraie piété. Toute sa vie le démontre. Nous l'avons justifié de l'accusation de jansenisme (1). Enfin, au lieu d'une flèche qui était de bois et couverte de plomb, il fit faire deux clochers à jours, de pierre de taille, fort élevés, de pareille symétrie et qui pouvaient passer pour un chef-d'oeuvre d'architecture. Tous ces ouvrages furent terminés en 1672, et coûtèrent, d'après la requête présentée à Sa Majesté, 148,600 fr. (2). Produisons encore d'autres preuves historiques de la construction récente de toute la partie supérieure de la cathédrale : l'histoire manuscrite des évêques de Châlons, (1) Beautés de l'histoire de la Champagne, t. II, p. 524. (2) Ibid., p. 52). - Archives de la préfecture de Châlons. par Pierre Garnier, curé de Fèrebrianges, l'histoire de Félix III, Vialart de Herse, l'inscription gravée sur sa tombe : Hanc basilicam eleganti odeo ornavit, camdem incendio deformatam refici et augeri curavit ; les mémoires historiques de la Champagne, de Baugier, qui dit : Félix Vialart embellit considérablement sa cathédrale en faisant construire des chapelles à côté et derrière le chaur qui y manquaient auparavant (t. II, p. 96); des restes de y verrières, où l'on voit l'emblème du grand roi (le soleil entouré de rayons et cerné par la légende Nec pluribus impar); une gravure de 1623, représentant la ville de Chaalons en Champaigne, où les chapelles absidales n'existaient pas encore (1). Enfin, pour conserver à jamais et mettre sans cesse sous les yeux l'époque de l'incendie de la cathédrale et de la construction de la seconde partie de l'abside, du déambulatoire et des trois chapelles absidales, dites chapelles des Sibylles, on fit inscrire au centre de la voûte du sanctuaire le millésime 1668. Il suffit de le montrer à tout contradicteur, pour le confondre à jamais. Cependant, j'entends un architecte qui s'écrie : « Moi, je ne connais que l'art. L'art passe avant tout et par-dessus tout!) Cette sentence n'est qu'une folie de l'orgueil. Est-ce qu'on n'est pas libre de choisir le style qu'on juge le plus convenable à l'édifice qu’on construit ? Comment osezvous ôter cette liberté à Félix Vialart, quand il se mit à restaurer sa cathédrale, et qu'il voulut conserver l'unité d'architecture ? Eh bien ! cédons un instant à cette sentence. (1) M. de Granrut, architecte, Congrès archéologique de Chalons, en 1855, p. 174. Montrons par des preuves archéologiques que les chapelles absidales de la cathédrale ne remontent point au XIV siècle, et qu'elles ne présentent point le style architectural de cette glorieuse époque. Vous vous confondrez vous-même. Étudiez avec soin tous les détails et vous verrez qu'il n'est pas un agencement, un profil dans les faisceaux des piliers, les bases, les tailloirs et astragales, dans les cordons, les meneaux, les arcs-doubleaux, les ogives, les nervures, etc., qui traduisent avec pureté les types des XIve et XVe siècles. On remarque, au contraire, parmi ces détails, certains galbes, qui s'éloignent complétement de tous ces types. Si quelques-uns paraissent, au premier aspect, s'en rapprocher, on reconnaît bientôt qu'ils ne peuvent être assimilés qu'à une grossière et maladroite contrefaçon. A l'extérieur, par exemple, qu'on jette un coup d'œil sur les contre-forts, leurs glacis, leurs chaperons, et principalement sur la corniche qui couronne cette œuvre, l'illusion qu'a fait naître un premier aspect de l'intérieur se dissipe bientôt (1). J'ai fait moi-même l'expérience, en 1841, que les architectes ne sont pas infaillibles. Ils prétendaient que l'église Saint-Alpin allait s'écrouler; ils avaient même interdit toute sonnerie. Comme je venais d'être nommé curé de cette paroisse, je voulus examiner ma nouvelle église. Après l'avoir étudiée dans tous les sens, j'acquis la conviction qu'elle était la plus solide des églises de Châlons. Pour m'assurer de l'exactitude de mes observations, je les fis insérer dans le (4) M. de Granrut, architecte, Congrès archéologique de France de Châlons, en 1855, p. 174. Journal de la Marne, et j'invitai les hommes de l'art à me réfuter. Ils sont encore à mettre la main à la plume. La preuve est claire. On ne fit point les réparations indiquées, qui auraient été singulièrement funestes au monument, et l'église n'a pas bougé d'un point depuis 1841. M. Palustre maintient son dire au sujet des chapelles absidales de la cathédrale de Châlons et tire de nouveaux arguments des paroles mêmes de M. l'abbé Boitel. Si Vialard de Herse eût construit tout à la fois et les chapelles et le collatéral qui les précède, il n'eût pas « évité toute bigarrure », comme le prétend l'honorable préopinant, puisque le style de ces deux parties de la cathédrale est évidemment très - dissemblable. Dans le langage du xvii siècle, le mot odeum veut dire collatéral et n'entraine pas du tout l'idée de chapelles adjacentes. Enfin, s'imagine-t-on un prélat, ennemi de la bigarrure, qui substitue aux anciennes colonnes du chæur, datant du XII° siècle, des colonnes tout à fait nouvelles, à chapiteaux doriques. La vérité est que le cheur n'était point jadis entouré de colonnes, mais d'un mur continu, percé de fenêtres à lancettes. Lorsque Vialard de Herse voulut établir une communication entre la cathédrale proprement dite et le collatéral qu'il venait de bâtir, il fallut bien percer de grandes arcades dans le massif dont nous venons de parler, et il ne trouva rien de mieux que d'élever les colonnes monocylindriques, en style prétendu classique, que nous voyons aujourd'hui. Quant à la date qui se voit à la clef de voûte du sanctuaire, tout le monde l'avait remarquée avant M. l'abbé Boitel, et personne ne s'était mépris sur sa signification. Cette voûte est postérieure à l'incendie de 1668, cela est évident; il en |