moins vingt évèques qui voulurent avoir leur lieu de repos dans les chapelles des Sibylles. Donnons maintenant le témoignage le plus récent et le plus irrécusable. Les anciens chanoines d'avant 1792 ont attesté que le véritable puits des Sibylles est non loin du pilier extérieur est de la chapelle de saint Étienne, et se trouve maintenant dans le jardin de l'évêché. En effet, il y a dix ans, quand on fit de nouvelles constructions dans la cour de la réserve, on découvrit des fondations fort anciennes et de plus de deux mètres d'épaisseur. Tout porte à croire qu'elles étaient celles du temple et du palais des Sibylles. Les anciens chanoines de 1792 ont assuré que les trois chapelles qu'on avait construites sur ce terrain des Sibylles, furent démolies et 1668, et remplacées par les trois chapelles actuelles de l'abside de la cathédrale (1). Tout démontre donc que les chapelles dites des Sibylles n'ont jamais fait partie de la cathédrale, et existaient en dehors de son enceinte avant l'incendie de 1668. Racontons maintenant, en peu de mots, les différents incendies qui dévorèrent la cathédrale de Châlons. Châlons et sa cathédrale furent brûlés, en 963, par Herbert et Robert, enfants d'Herbert de Vermandois. Gibuin, quarantième évèque de Châlons (947), surnommé le Bon, employa toute sa fortune à réparer les désastres de sa ville et réédifier sa cathédrale. En 1137, ce ne fut plus la main de l'homme qui incendia cet édifice majestueux, mais le feu du ciel. Geoffroy ler, cinquante et unième évêque, mit dix années à reconstruire sa cathédrale. On ne peut concevoir tous (0) Beautés de l'histoire de la Champagne, l. II, p. 52. les soins, tous les sacrifices qu'il s'imposa. Encore n'eut-il pas la consolation de voir la fin des travaux. Geoffroy mourut en 1142, après douze ans de pontificat. Une tempête effroyable fond alors sur la Champagne, qui est ravagée par le roi Louis VII. La reconstruction de la cathédrale n'en continue pas moins sans interruption et avec une ardeur incroyable. Sa consécration fut accomplie avec uhe pompe sans pareille par le pape Eugène III, en 1147, sous le pontificat de Barthélemy de Senlis , cinquantième-troisiènie évêque de Châlons (1). Dans cette restauration de la cathédrale, il n'est fait aucune mention des chapelles des Sibylles, parce qu'elles n'en faisaient point partie. La cathédrale de Châlons a une singulière destinée. A peine est-elle en quelque sorte relevée d'un désastre, qu'elle en subit un autre plus grand. Philippe II, de Nemours, soixantième évêque de Chålons (1225), mettait sa gloire et sa joie dans sa magnifique cathédrale. Mais par là, il éprouva une douleur d'autant plus poignante. Le feu du ciel visita son insigne église en 1230. L'évêque de Châlons sacrifia son patrimoine pour réparer les ravages de l'incendie. Mais une grande difficulté se présente. Cette restauration a-t-elle été tellement considérable qu'on doive considérer l'église Saint-Étienne comme un édifice nouveau? On pense généralement, au contraire, qu'elle ne perdit rien de son plan primitif, qu’une partie notable fut conservée intacte, qu'on n'y fit que des reconstructions par (1) Beautés de l'histoire de la Champagne, t. II, p. 178. tielles, et qu'il ne fut pas nécessaire de la consacrer de nouveau (1). Ce qui confirme cette opinion, c'est qu'on ne célèbre que la dédicace de 1147. Les évêques de Châlons chérissaient tant leur église cathédrale, qu'ils ne s'étudiaient qu'à lui donner de nouveaux embellissements, mais qui, par une étrange fatalité, lui devenaient funestes. Gilles de Luxembourg, soixante-dix-neuvième évêque de Châlons (1520), rendit son nom à jamais mémorable et excita l'admiration de la fameuse époque de la Renais sance. Il donna une somme fort considérable pour la construction d'une flèche couverte en plomb comme le reste de l'édifice, qui avait quarante-huit toises (95 mètres) de hauteur, qu'on plaça sur la tour nord de la cathédrale. Cette flèche, unique en son genre, était enrichie de peintures et de dorures. Elles passait, à bon droit, pour la plus belle et la plus haute de France. C'était une merveille. Elle fut, pendant un siècle et demi, l'ornement de la cité chålonnaise, qu'on appelait la ville aux belles flèches (2). Hélas ! elle fut cause d'un affreux désastre. François (or voulut lui-même contribuer à l'embellissement de la cathédrale de Châlons pour témoigaer sa reconnaissance à cette ville et à Robert de Lenoncourt, à son quatre-vingtième évèque. Il fit construire, en 1537, dans la cathédrale, la chapelle de Jésus souffrant , @uvre d'un artiste habile et célèbre. On y reconnaissait (1) Beautés de l'histoire de la Champagne, p. 233, (2) Ibid., t. II, p. 233. le ciseau de Jean Goujon et le style de la Renaissance. On appelait cette chapelle un petit bijou (1). Mais un autre artiste la démolit, il y a une douzaine d'années, ainsi que les autres chapelles des nefs collatérales sous prétexte qu'elles n'étaient pas du style de l'édifice. Quel vandalisme! Disons d'abord qu'un chef-d'æuvre est toujours un chefd'ouvre, de quelque style qu'il soit, surtout quand il est le témoignage de la reconnaissance et de l'amitié d'un grand roi. Quant aux autres chapelles, il eût été facile de les transformer en chapelles de style ogival. Les frais n'auraient guère surpassé ceux qu'on fit en les démolissant et en les remplaçant par des murs et des colonnettes. Combien cette transformation eût embelli et agrandi la cathédrale, come Notre-Dame de Paris ! Henri Clause, quatre-vingt-cinquième évêque de Chålons, voulut aussi donner du relief à sa cathédrale; mais il s'y prit d'une singulière manière. Il éprouvait une peine extrême de voir le tombeau de Cosme Clausse, son oncle, sous le porche de la cathédrale, comme il l'avait demandé. Mais il ne sait point contredire sa volonté dernière. Que fait-il alors ? Il se sert d'un stratagème qui devait atteindre un double but. En 1624, il allonge la cathédrale de deux travées, et en 1628, il construit un nouveau portail. Par ce moyen, la tombe de son oncle se trouva dans la première travée de l'église et ne fut plus sous le porche. Mais par là il fit une bigarrure fort choquante, qu'on voit également dans d'autres villes. (1) Beautés de l'histoire de la Champagne, p. 505. Enchanté du style architectural de la Renaissance, il appliqua quatre piliers et un portail gréco-romains à un édifice du style ogival. Nous touchons à l'époque la plus fatale et qui préte une ample matière aux plus grandes contestations. Les chapelles absidales constituent en quelque sorte les plus beaux ornements de la cathédrale. Mais certains architectes soutiennent avec opiniâtreté qu'elles ont été construites dans le xive siècle, et qu'elles sont du style ogival de cette époque. Cependant, il est incontestable que ces chapelles absidales ont été édifiées dans le xvii° siècle, sous le règne et avec l'assistance de Louis XIV. Donnons deux genres de preuves également évidentes, preuves historiques, preuves archéologiques. Les preuves historiques sont à la portée de tout le monde; ce sont des faits. Félix III, Vialart de Herse, quatre-vingt-sixième évègue de Châlons (1640), venait de fonder plusieurs établissements pieux et nageait dans la joie. Tout à coup, un accident affreux vint le plonger dans la consternation. C'est un témoin oculaire qui le raconte. N. Fortier, curé de la paroisse Saint-Éloi de Châlons, en a écrit le récit de sa main dans les registres paroissiaux, qu'on possède à la mairie de Châlons : « Le jeudi, 19 janvier 1668, est arrivé en cette ville de Châlons un malheur effroyable. Il fit un coup de tonnerre sur les six heures un quart du soir du mesme jour, accompagné du feu du ciel, qui se prit au plus hauct jour du grand clocher de l'église Sainct-Estienne, que nous appellons la flesche, et qui dura jusqu'au vendredy, sept heures du matin. Ce feu brusla tout le clocher depuis le hauct jusqu'à la pierre dure et tout le |