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honneur pour notre cité d'avoir été choisie comme lieu de rendez-vous, par tant de savants distingués, dont quelques-uns sont venus de si loin. Au nom de tous mes concitoyens, je vous remercie, Messieurs, de votre présence dans nos murs.

Il y a tout juste vingt ans que se tenait ici même un congrès archéologique, et je ne puis songer à cette réunion sans que me revienne à la mémoire le souvenir de celui qui était l'initiateur de ces fécondes assises de la science.

Vous avez connu mieux que moi, Messieurs, l'illustre M. de Caumont, et il serait superflu de rappeler tous les services qu'il a rendus au pays, grâce aux institutions qu'il a créées. Fondateur, dès 1836, des congrès scientifiques de France, puis de la Société française d'Archéologie pour la conservation des monuments historiques, de l'Institut des provinces, du Congrès des délégués des Sociétés savantes des départements, et d'autres associations s'occupant de sciences naturelles, n'a-t-il pas consacré sa vie à organiser et à inspirer, sur tous les points de la France, ces réunions scientifiques, archéologiques, agricoles, dont véritablement il était l'âme?

Dans cette salle, où M. de Caumont, en 1855, a dirigé les travaux du Congrès archéologique de Châlons-surMarne, il me semble le voir s'effaçant en quelque sorte, se tenant presque toujours à l'écart, abandonnant à d'autres l'honneur d'occuper le fauteuil ou d'être assis au bureau, n'ayant qu'une préoccupation, celle de placer en pleine lumière les membres de l'assemblée, dont les recherches ou les études lui paraissaient devoir être encouragées. M. de Caumont ne craignait pas de laisser toutes les opinions se produire librement, il n'intervenait dans la discussion que pour redresser doucement une

erreur, pour élucider en peu de mots un point difficilement intelligible pour les auditeurs, ou pour donner à la séance un peu plus d'animation lorsqu'elle en manquait; quand il prenait la parole, c'était afin de traiter, ex professo, vous savez avec quel talent, une question du programme qu'aucun autre n'avait osé aborder. Ceux qui ont suivi ces intéressants débats, n'ont pas oublié ce savoir-vivre parfait, cette gracieuse courtoisie qui laissaient dans l'esprit de tous les assistants une si agréable impression.

Il m'eût été difficile ici, Messieurs, de ne point rendre hommage à un homme éminent, dont le souvenir pourtant n'a pas besoin d'être évoqué, car je suis certain qu'il plane constamment au-dessus de vous.

Notre ville et ses environs vous offriront de nombreux sujets d'études et, quoique beaucoup de nos monuments aient déjà été l'objet de notices remarquables, on peut encore puiser dans cette abondante mine d'observations. En examinant en ce moment les belles photographies qui nous sont présentées par l'un de vous, et qui sont le résultat de longs voyages et d'investigations réitérées, en considérant ces remarquables dessins, vous pourrez faire d'heureux rapprochements ou de curieuses comparaisons. Je n'ai pas besoin de vous dire que pendant votre séjour parmi nous, notre bibliothèque et notre musée vous sont ouverts; déjà vous êtes avertis que d'autres collections vous attendent; aucune visite ne vous causera plus de satisfaction que celles des riches trésors dus aux recherches patientes, et souvent fructueuses, d'un de nos concitoyens, M. Morel, dont la modestie et la complaisance égalent l'expérience, le savoir et l'habileté.

Vous voyez, Messieurs, que ce Congrès s'ouvre sous les plus favorables auspices. Vous aurez toutes facilités de

vous livrer à vos études de prédilection, à ces études charmantes que Cicéron semble indiquer lorsqu'il dit, comme s'il s'agissait de vous: Hæc studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant, secundas res ornant, adversis perfugium, ac solatium præbent, delectant domi, non impediunt foris, pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusti

cantur.

Et de même que l'orateur latin, je puis bien ajouter, en terminant, que si ces connaissances sont trop élevées pour que tous nous puissions avoir le bonheur de les atteindre, et d'en apprécier le charme, nous aurons au moins aujourd'hui le plaisir de les pouvoir admirer dans ceux qui les possèdent (1).

Après M. le maire de Châlons, M. de Cougny s'exprime ainsi :

MONSEIGNEUR, MESSIEURS,

Il y a vingt ans, la Société française d'Archéologie a tenu, dans cette ville, une de ses sessions annuelles, et elle y revient de nouveau aujourd'hui, heureuse d'inaugurer ses travaux sous le bienveillant patronage de Votre Grandeur, et de se retrouver dans ce beau pays, si riche en monuments de tous les âges, depuis l'époque de la pierre jusqu'à la Renaissance.

Quelque féconde et bien remplie qu'ait été la session de 1855, de nombreuses et intéressantes questions restent encore à élucider, comme le prouve l'important programme soumis aux délibérations du Congrès.

(4) Quod si ipsi hæc neque attingere, neque sensu nostro gustare possemus, tamen ea mirari deberemus, etiam cum in aliis videremus. (CICERON, pro Archià poetà.)

Depuis vingt ans, des découvertes du plus haut intérêt, faites dans le département, ont agrandi le domaine de la science, lui ont ouvert de nouveaux champs d'études, et ont fourni des éléments nouveaux à la grande enquête historique et archéologique que notre Société poursuit chaque année dans ses assises nomades, avec l'aide des savants qui lui font l'honneur de répondre à son appel.

Pour ne parler que des découvertes les plus récentes, je citerai celles qu'ont amenées les fouilles si heureuses et si habilement dirigées de notre confrère, M. Morel, dans dix-huit cimetières gaulois, gallo-romains et mérovingiens, d'où sont sortis tant d'objets rares et curieux, notamment l'épée de la première époque du fer, dont la poignée représente, croit-on, le Teutatès celtique, et le char gaulois, accompagné d'une magnifique épée à fourreau de bronze, d'une œnochoë et d'une coupe étrusque, la première, si je ne me trompe, qui ait été rencontrée en France.

Notre savant collègue, M. Nicaise, président de la Société des sciences et arts, a exploré, en compagnie de M. Morel, le puits funéraire de Tours-sur-Marne, type unique jusqu'à ce jour de ce mode de sépulture dans ce département. Il a fouillé le tumulus de Hancourt et deux ateliers de la pierre polie, par lui découverts, et dont les produits sont venus enrichir sa curieuse collection, si gracieusement ouverte aux membres du Congrès archéologique.

Enfin, notre jeune et sympathique confrère, M. Joseph de Baye, a eu l'heureuse fortune de mettre au jour, et le talent d'explorer avec le plus brillant succès, cette nombreuse série d'hypogées de la vallée du Petit-Morin, dont la découverte a fait une si vive sensation dans le monde de

la science; ces grottes, si curieuses, où gisaient depuis trente siècles et plus les ossements des premiers habitants de ce noble pays des Catalauni, dont le nom, disent les linguistes, signifie joyeux au combat. Ils étaient là couchés dans le repos de la mort, ces guerriers des premiers âges, entourés de leurs armes de chasse et de guerre, et des divers instruments qui avaient été à leur usage, nous révélant ainsi leur croyance à une autre vie; tradition conservée vivace, bien qu'obscurcie, depuis le jour où une solennelle promesse suivit la chute et la condamnation du premier homme dans le jardin d'Eden. Sur le tuf qui forme les parois de ces chambres funéraires, M. de Baye a retrouvé les premières ébauches de cet art qui, grandissant et se développant à travers les siècles, s'épanouit plus tard sous l'inspiration du génie chrétien, dans ces magnifiques monuments qui font notre admiration, et dans le plus beau d'entre tous, le joyau de cette province, la royale basilique de Reims.

Je viens de parler de monuments; n'oublions pas, Messieurs, que l'archéologie munumentale est, avant tout et par-dessus tout, le but offert par M. de Caumont, de vénérée mémoire, aux études des membres de la Société dont il fut le fondateur. Cette noble branche de l'art est ici représentée par des édifices de premier ordre. Pour être fidèles aux traditions que nous a laissées notre illustre maître, nous leur donnerons une place dans le programme de nos explorations. Toutes les églises de Châlons seront par nous successivement visitées et étudiées, et principalement votre belle cathédrale, Monseigneur, dont j'admirais hier le caractère à la fois gracieux et sévère, malgré les reprises et les restaurations qu'elle a eu à subir à diverses époques.

Je ne veux pas, en prolongeant cette allocution, user

XLII SESSION.

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