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Telles étaient les principales couronnes que nous trouvons chez les anciens, et que nous allons voir se reproduire sous une autre matière.

Les fleurs et la verdure n'étant pas de toute saison et de tout climat, les Égyptiens inventèrent de bonne heure ce que Pline appelle des couronnes d'hiver coronæ hybernæ.

Les couronnes d'hiver essayèrent d'imiter la couronne sutile et la couronne plectile. La première fut une bande de papyrus ornementée, la seconde un rameau flexible peint de diverses couleurs. Dans d'autres régions, et par imitation, la bande de papyrus fut remplacée par un ruban fait de la seconde écorce du tilleul, philyra, ou de tout arbre propre à cet usage. Sur cette écorce, on attacha quelques ornements; plus tard des bractées, en attendant que tout fût remplacé par une mince feuille d'or ou de

cuivre.

La couronne plectile égyptienne eut aussi des contrefaçons. Nous l'avons vu pour Samos. On se servit même de gemmes de diverses couleurs, puis de simples perles de verre versicolore, souvent entremêlées de grains d'ambre, comme pour le collier.

Tu illustriori quâque fronde coronaris, etiam gemmis forsitan et auro (Tert. De cor. mil).

L'invention des Égyptiens donna aux Samiens et aux Cypriotes, l'occasion, de développer une nouvelle industrie. Remarquons, Messieurs, que les Samiens, connus par leur poterie, se firent un nom, non moins célèbre par leur habileté à travailler l'or et l'argent, en général tous les métaux.

Hérodote, admirant les richesses du temple d'Ephèse,

remarqua entre autres choses un cratère en argent, placé dans l'angle du vestibule et pouvant contenir six amphores. Ce vase servait au mélange du vin et de l'eau dans les théophanies. «Les habitants de Delphes, ajoute l'historien, assurent que ce cratère est l'ouvrage de Théodose le Samien, et je le crois assez, parce qu'il n'est pas d'un travail ordinaire. >>

Le premier essai que les Samiens firent des couronnes métalliques fut avec une mince feuille d'or Cum laminâ aureû (Ath.). Nous ne parlons pas de ces couronnes en or massif, que l'on fabriqua par exception pour des personnages opulents. Ce fut Crassus le Riche qui, le premier, importa ces couronnes à Rome, et Claudius Pulcher, les fit ciseler. La feuille d'or qui se refusait aux impressions du burin, fut estampée, pour reproduire autant que possible la couronne sutile. C'était le moyen d'imiter et la somptuosité de Crassus et l'art de Claudius Pulcher.

Mais comme l'or, même en feuille mince, était encore d'un prix plus élevé à cause de sa valeur relative, on diminua la grandeur de la couronne. Ce ne fut plus le diadème primitif qui entourait la tête tout entière, στέφανος, on fit des demi-couronnes στροφία en latin corolla, et même des parties moindres que la demi-couronne GTpopiola, corollaria. στροφίολα,

Cependant l'invention des Cypriotes donna à cette industrie une impulsion nouvelle, une vogue générale. Ils parvinrent à rendre le cuivre aussi ductile, aussi malléable que l'or; ce cuivre, à cause de sa destination, fut appelé as coronarium. La feuille de cuivre fut estampée, comme la feuille d'or, puis dorée ou argentée.

Avec le cuivre de Chypre on fabriqua, outre la couronne sutile, la couronne plectile, imitant le plus souvent la petite branche de saule de Samos; puis la couronne com

plectible appelée souvent, dracontarium, parce qu'elle imitait dans ses circonvolutions, les replis du serpent. « Pourquoi, disait Tertullien, condamner au straphiolum ou au dracontarium, une tête destinée à ceindre le diadème immortel? » Quid caput straphiolo aut dracontario damnas, diademati destinatum? (De cor. mil.)

III.

Toutes ces couronnes d'été ou d'hiver n'ornaient pas seulement le front et les vases des vivants, elles reposaient aussi sur la tête des morts, sur le vase de vin que l'on déposait près d'eux. Num et mortuorum est ita coronari (Tert. II.).

Cet usage que Tertullien constate pour l'Afrique du II° siècle a sa source dans l'Orient, de là il s'est répandu chez les peuples qui en sont sortis.

En Grèce, du temps même de Cécrops, au témoignage de Cicéron, après la sépulture, les parents se rendaient immédiatement au repas funéraire; ils s'y rendaient couronnés: Sequebantur epulæ quas inibant parentes coronati (Cic. De leg., 1. 21). Mais le mort aussi était un convive; avant d'emporter son cadavre, on allait à la salle du festin; on prenait la part du défunt, part que l'on portait en cérémonie dans le cours des funérailles et que l'on enterrait avec lui. Et c'était la croyance de ce temps qu'au moment où les parents s'accoudaient autour de la table du repas funéraire, le mort ou plutôt ses mânes goutaient à la portion qui lui avait été réservée. Convive, il était donc couronné comme les autres. Et parce que sa portion était détachée du festin solennel, le vase qui contenait le vin était encore couronné selon la coutume, nam et mortuorum

est ita coronari. D'après ce que nous venons d'établir, il n'est donc pas étonnant qu'on retrouve des couronnes dans les tombeaux; cela doit être. Ne cherchons pas néanmoins la couronne de fleurs; n'est-ce pas surtout de cette couronne si fragile que nous devons dire avec notre poëte:

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

(MALHERBE.)

Parfois vous en rencontrerez des débris; ce sont des fragments de ruban métallique qui affectent diverses formes et qui ne sont rien autre chose que les lemnisques qui achevaient la décoration de ces couronnes.

Quant aux couronnes métalliques entières, reproduisant la couronne sutile sous le nom στροφίον ou de στροφιλιον. elles sont rares dans nos contrées; mais elles se trouvent en profusion dans les tombeaux de Samos, de Chypre, de Rhodes et de la Crimée. En cela il n'y a rien d'étonnant, c'était le centre de l'industrie. Elles sont nombreuses encore dans ces régions où les fleurs étaient rares, dans les tumuli du Mecklembourg, du Hanovre, du Danemark ou de l'Irlande. Le magnifique ouvrage de M. de Meester de Ravestein est une preuve convaincante que ces bandeaux étaient de véritables couronnes funéraires (1).

Le σrpopikov, comme couronne du mort, était attaché sur le diadème primitif, et le lambeau d'étoffe adhérent

(1) Les bandeaux d'or, constatés sur le casque des guerriers, par M. le comte Gozzadini, et dont l'estampage reproduit des feuilles de chêne ou de laurier, ne sont pas des couronnes funéraires, mais bien les décorations que portaient ceux qui avaient mérité une couronne de chêne, d'olivier ou de laurier.

à quelques couronnes ne prouve nullement que c'était un ornement des vêtements.

La couronne plectile se montre aussi dans les tombeaux. Dans le tumulus de la Combe- Bernard, décrit par M. Bertrand, on trouva près de la tête du mort un grand cercle en fil de bronze très-fin, avec des enroulements aux extrémités, et le savant auteur ajoute avec sa sagacité ordinaire « Ce grand cercle nous semble non un collier, mais une sorte de diadème. » C'est, en effet, là couronne plectile appelée aussi popiov, par Pline, propter gracilitatem. On découvre cette couronne surtout dans les sépultures de femmes ou d'enfants.

Parmi les nombreuses fouilles faites par les soins de M. Morel, de Châlons, les ouvriers ont constaté dans quelques sépultures la présence de perles de verre et d'ambre, ou d'un cercle de bronze, non pas autour du cou, mais sur la tête du mort. Le lieu où ces objets étaient placés pouvait seul faire distinguer ces couronnes des colliers ou des torques ordinaires (1).

La couronne des vases a été moins remarquée jusqu'à présent, parce que l'attention des archéologues n'a pas encore été attirée de ce côté (2). Elle existe cependant, non pas dans les tombeaux des femmes, à qui le vin était généralement interdit, mais dans les tombes des guerriers (3).

(4) Cette remarque a été faite dans le cimetière gaulois de Courtisols dans deux tombes de femmes.

(2) La remarque que nous avons faite sur les couronnes de fleurs ornant la tête des morts, s'applique également aux couronnes des vases.

(3) Les grottes de Plouarnel, canton de Carnac, ont montré deux colliers d'or trouvés sur un vase en terre cuite, contenant des cendres (La Bretagne, par M. Jéhan).

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