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Le mors de cheval trouvé dans la station lacustre de Mæringen, par M. le docteur Gross, bien que tout à fait en bronze, est aussi un mors brisé. La partie qui devait être dans la bouche, n'a que neuf centimètres, un centimètre de plus que ceux de Somme-Bionne.

A ce propos, il n'est peut-être pas inutile de rappeler ici, d'après M. Alex. Bertrand, ce que Hérodote dit de certains chevaux de la vallée du Danube: « Qu'ils sont très-petits, n'ont pas assez de force pour porter un homme; mais attelés à un char, ils vont très-vite, et c'est la raison qui engage ces peuples à faire usage de chariots (1). »

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A côté des mors des chevaux, se trouvaient disséminés, un peu à droite et à gauche, onze anneaux en bronze de différentes formes et de différentes grosseurs; ils faisaient partie de la bride et des harnais, plusieurs portent les traces d'usure produite par le frottement.

Cing de ces anneaux sont à peu de chose près de la même dimension que ceux trouvés à la ceinture du guerrier, mais moins bien ouvragés, un seul en creux. Les cinq autres sont un peu plus petits.

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Neuf gros boutons de bronze ayant aussi servi aux harnais, se trouvaient mélangés avec les anneaux. Ces boutons sont remarquables, ils présentent près de trois centimètres de diamètre; ils sont ronds, ornés de deux filets concen

(1) Voir Deux mors en bronze, par M. Alex. Bertrand, extrait de la Rerue Archéologique.

triques parallèles, légèrement en relief. La partie centrale se détache et fait saillie en forme de cuvette évasée, dont le centre est décoré d'un troisième filet minuscule. La queue de ces boutons est carrée, plate, percée d'un trou au milieu. Deux se trouvaient encore engagées dans des espèces d'appliques ou attaches en bronze, portant une ouverture spéciale destinée à les recevoir. Ces appliques, cousues sur du cuir en même temps que les boutons, n'étaient là que comme motifs de décoration. Leur ornementation consiste en trois fleurs trifoliées, placées verticalement sur le diamètre d'une moitié de circonférence, décorée elle-même d'une feuille trilobée, retournée en sens inverse.

Ces dessins, qui méritent de fixer l'attention des archéologues, nous ne pouvons mieux les comparer qu'à ceux qui ornent le bandeau d'or d'Eygenbilsen (Belgique), ou le casque de Berru; ce dernier, trouvé aussi dans un milieu gaulois, à quelques lieues de Somme-Bionne. Ils sont pour nous toute une révélation, et ils nous font partager entièrement l'avis du savant conservateur du musée de Saint-Germain, qui entrevoit, dans les motifs d'ornementation que nous venons de citer comme point de comparaison, « une origine ou inspiration orientale directe (1). »

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Chacun sait que les phalères sont des plaques d'or,

(4) Communication de M. Alex. Bertrand à la Société des Antiquaires de France. Séance du 7 avril 1875, à propos de l'heureuse restauration du casque si remarquable trouvé à Berru (Marne).

d'argent ou de bronze, gravées ou ciselées, que les personnes de distinction portaient sur la poitrine, attachées à de larges buffleteries qui faisaient le tour du corps.

Pour les soldats, c'était une décoration militaire que décernaient les chefs, mais quelquefois elles servaient à des harnais de luxe pour les chevaux. On les plaçait alors au cou, à la muserolle, au poitrail, et elles tom baient en pendant, s'agitant et brillant à chaque mouvement de l'animal (1).

Les six que nous avons trouvées appartiennent évidemment à cette dernière catégorie, autrement nous les aurions recueillies sur la poitrine du guerrier. Les deux chevaux en portaient autant l'un que l'autre, puisqu'elles étaient placées, par groupe de trois, à droite et à gauche de chaque mors de cheval.

Nous possédons trois de ces phalères absolument semblables, elles étaient attachées sur du cuir épais au moyen de trois rivets encore adhérents.

Nous n'essaierons pas de donner la description des dessins à jour, qui ont été finement ciselés et gravés; ils ont pour base trois cercles accolés, surmontés d'un demicercle beaucoup plus grand, dans lesquels s'entrelacent des sortes d'angles sphériques opposés, d'où la ligne droite est exclue presque complétement. Leurs dimensions sont de huit centimètres à leur base, sur six et demi de hauteur.

Viennent ensuite deux autres phalères entièrement rondes et pleines, mesurant dix centimètres de diamètre. Leur surface extérieure est séparée par trois filets concentriques en relief.

(1) Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, par Ant. Rich.

XLII SESSION.

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Le plan compris entre le 2e et le 3° filet s'élève sensiblement par rapport au premier, tandis que le centre subit une forte dépression et donne naissance à une sorte de calotte sphérique en relief, ornée d'une petite boule de corail.

A la partie opposée, nous avons remarqué l'attache en fer qui servait à les fixer.

Nous avons déjà dans notre collection une phalère pleine à peu près pareille, ornée de quelques filets et d'une calotte en relief ressemblant à un umbo de bouclier mérovingien. Elle provient de Saint-Loup de Buffigny (Aube). Le musée de Saint-Germain en possède seize exemplaires provenant de la même trouvaille.

La phalère la plus riche dont nous n'avons qu'un exemplaire, est aussi en bronze doré, de forme ronde, d'un diamètre de sept centimètres; le centre est plein, orné de deux filets et d'un point central; le reste est découpé à jour et forme des dessins représentant des croissants et des angles sphériques entrelacés et opposés les uns aux autres, rappelant le style asiatique.

De l'autre côté de cette phalère, on remarque l'attache de même métal qui servait à la suspendre.

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Il nous est moins facile de donner une attribution certaine aux nombreux débris d'ornements de bronze qui étaient disséminés un peu partout entre les boutons, les anneaux, les mors et les phalères. Comme tout cela avait été attaché sur des lanières de cuir, ou plutôt sur de gros cordons de cuir, ainsi que le prouvent les trous et les rivets qui y sont encore adhérents, nous avons lieu de

supposer qu'ils servaient de décoration aux rênes et aux têtières, d'autant plus qu'on y remarque des trous dans lesquels s'adaptent les boutons des courroies.

Les dessins finement gravés et découpés à jour comme de la dentelle portent les mêmes motifs que ceux des phalères. Il n'a pas été possible d'en reconstituer un tout, attendu que ces ornements semblent ne former entre eux aucune suite.

Les deux petites cuvettes creuses sont ornées au milieu d'un bouton de corail en relief. Le tout porte des traces de dorure.

Cet attirail équestre semble rappeler les mors de la station de Mæringen, les disques de Vaudrevange, les récentes acquisitions des musées de Nancy et de Clermont, ainsi que les objets signalés par M. Berth, et la découverte indiquée par M. Schüermans de la tombe de Celles (Belgique), par M. le comte de Looz. Tout nous révèle la présence du harnachement du cheval de bataille ayant appartenu à une aristocratie guerrière dont les coursiers étaient couverts de harnais étincelants d'ornements d'airain.

Maintenant, Messieurs, que nous avons terminé la description de cette riche sépulture, que nous croyons jusqu'ici sans analogue, au moins en France, nous pourrions nous livrer là-dessus à mille conjectures. Le sujet serait tentant! C'est ainsi que nous pourrions nous demander si nous n'avons pas devant nous les restes d'un Gaulois du temps de l'indépendance, qui serait allé en Italie et en aurait rapporté comme butin, les objets rares et précieux qui nous occupent, ou bien redescendant le cours des âges, n'aurions-nous pas sous les yeux le mobilier funéraire d'un chef gaulois soumis au joug romaiu, conservant encore son épée nationale, mais ayant déjà

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