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la plénitude, c'est la munificence; c'est pourquoi Dieu se réjouit en voyant ses œuvres, parce qu'il voit ses propres richesses et son abondance dans la communication de sa bonté. Or il y a deux sortes de bonté en Dieu : l'une ne rencontre rien de contraire à son action, et elle s'appelle libéralité ; l'autre trouve de l'opposition, et elle prend le nom de miséricorde. Quand Dieu a fait le ciel et la terre, rien ne s'est opposé à sa volonté : quand Dieu convertit les pécheurs, il faut qu'il surmonte leur résistance, et qu'il combatte pour ainsi dire sa propre justice, en lui arrachant ses victimes. Or cette bonté, qui se roidit contre tant d'obstacles, est sans doute plus abondante que celle qui ne trouve point d'empêchements à ses bienheureuses communications : c'est pourquoi les Ecritures divines disent que « Dieu est riche en misé» ricorde (Ephes., 11. 4. ), » que les richesses de sa miséricorde [sont infinies et inépuisables.]

SECOND POINT.

Après vous avoir parlé, chrétiens, de la partie la plus douce de la pénitence, la suite de mon évangile demande que je vous représente en peu de paroles la partie difficile et laborieuse. Il paroît d'abord incroyable que la justice divine doive avoir sa place dans la conversion des pécheurs ; puisqu'il semble qu'elle se relâche de tous ses droits, pour donner à la seule miséricorde toute la gloire de cette action. Toutefois écoutons le Sauveur du monde, qui nous avertit dans notre évangile : « Les anges se réjouissent, dit-il, sur >> un pécheur faisant pénitence. » Qu'est-ce à dire faire pénitence? Si nous entendons faire pénitence selon les maximes de l'Evangile ; certainement faire pénitence, c'est « faire ce que dit » saint Jean, des fruits dignes de pénitence (Luc., » III. 8.). » Or ces fruits dignes de pénitence, selon le consentement de tous les docteurs, sont des œuvres laborieuses, par lesquelles nous vengeons nous-mêmes sur nos propres corps la bonté de Dieu méprisée. C'est à quoi il nous exhorte par son prophète : « Retournez à moi, dit-il, >> retournez à moi de tout votre cœur, en pleurs, >> en jeûnes, en gémissements, dans le sac, dans » la cendre, et dans le cilice (JOEL., II. 18. ). » Et pour entendre cette doctrine, figurez-vous un pauvre pécheur, qui reconnoissant l'horreur de son crime, considère la main de Dieu armée contre lui, et regarde qu'il va supporter le poids de sa juste et impitoyable vengeance. De là les craintes, de là les frayeurs, de là les douleurs amères et inconsolables. Au milieu de ces effroyables langueurs la sainte pénitence se présente à

lui pour soulager ses infirmités par ses salutaires conseils : elle lui fait voir dans les Ecritures que Dieu dit lui-même : « Je ne me vengerai pas deux >> fois d'une même faute; » et ailleurs : « Si nous »> nous jugions, nous ne serions pas jugés (1. Cor., » XI. 31.). » Lui ayant remontré ces choses: Aie bon courage, dit-elle, préviens la justice par la justice. Dieu se veut venger, venge-le toi-même; sa colère est armée contre toi, arme tes propres mains contre tes propres iniquités : Dieu recevra en pitié le sacrifice d'un cœur contrit que tu lui offriras pour l'expiation de ton crime; et sans considérer que les peines que tu t'imposes ne sont pas une vengeance proportionnée, il regardera seulement qu'elle est volontaire. Là-dessus le pécheur s'éveille, et regardant la justice divine si fort enflammée contre nous, et que d'ailleurs il est impossible de lui résister, il voit qu'il est impossible de faire autre chose que de se joindre à elle pour en éviter la fureur, de prendre son parti contre soi-même, et de venger par ses propres mains les mystères de Jésus violés, son SaintEsprit affligé, et sa majesté offensée. C'est pourquoi il se transporte en Esprit en cet épouvantable jugement, où voyant que Dieu accuse les pécheurs, qu'il les condamne et qu'il les punit; il se met en quelque sorte en sa place: de criminel il devient le juge; il s'accuse, c'est la confession; il se condamne, c'est la contrition ; et il se punit, c'est la satisfaction.

Et premièrement il s'accuse: et voyant dans les Ecritures que Dieu menaçant les pécheurs leur dit: « Je te mettrai contre toi-même (Ps. XLIX. » 21.); » il prévient cette sentence très équitable, et il témoigne lui-même son iniquité. Il dit hautement avec David: « J'ai péché au Seigneur (2. » Reg., XII. 13.); » il dit encore avec Daniel : << Nous avons péché, nous avons mal fait, nous >> avons transgressé vos commandements, nous >> avons laissé vos préceptes et vos jugements; à >> vous la gloire, à vous la justice, à nous la con>> fusion et l'ignominie (DAN., III. 29, 30.). » Il dit avec le Publicain: « O Dieu, ayez pitié de >> moi misérable pécheur (Luc., XVIII. 13.). » Il va au tribunal de la pénitence, il a recours aux clefs de l'Eglise. Une fausse honte l'arrête: O honte, dit-il, qui m'étois donnée pour me retenir dans l'ardeur du crime, et qui m'as abandonné si mal à propos, il est temps aussi que je t'abandonne; et t'ayant perdue malheureusement pour le péché, je te veux perdre utilement pour la pénitence. Là il découvre avec une sainte confusion ses profondes et ignomineuses blessures, il se reproche lui-même sa lâcheté devant Dieu et devant

les hommes. Que demandez-vous, justice divine? qu'est-il nécessaire que vous l'accusiez ? Il s'accuse lui-même volontairement.

Mais il ne suffit pas qu'il s'accuse; il faut encore qu'il se condamne Expliquez-le nous, 8 grand Augustin (in Ps. XLIX, n. 28, tom. IV, col. 460; in Ps. xxxvII, n. 24, col. 306.; in Ps. LIX, n. 5, col. 579.). « Faites dès à présent, » nous dit-il, ce que Dieu vous menace de faire » lui-même ; cessez de détourner vos regards de >> dessus vous, en vous dissimulant vos actions, >> et mettez-vous vous-même devant votre face. >> Montez ensuite sur le tribunal de votre con>> science; soyez votre juge: que la crainte vous >> tienne lieu de bourreau, et que par son tour>> ment elle produise en vous une salutaire con>>fession. Mais lorsque vous aurez ainsi confessé » votre péché, appliquez-vous sérieusement, et >> travaillez sans relâche à guérir les plaies qu'il >> vous a faites. Votre premier travail doit être de » vous déplaire à vous-même, de condamner et d'attaquer vos péchés, et de changer en mieux » votre vie : » Prior labor ut displiceas tibi, ut peccata expugnes, ut muteris in melius. C'est ainsi que firent les Ninivites. Dieu les menace de les renverser, et ils se renversent euxmêmes en détruisant jusqu'à la racine leurs inclinations corrompues. « Ninive est véritablement > renversée, puisque tous ses mauvais désirs sont >> changés en bien; elle est véritablement ren» versée, puisque le luxe de ses habits est chan» gé en un sac et un cilice, la superfluité de ses >> banquets en un jeûne austère, la joie dissolue >> de ses débauches en saints gémissements de la » pénitence: Subvertitur planè Ninive, cùm calcatis deterioribus studiis ad meliora convertitur; subvertitur, inquam, dùm purpura in cilicium, affluentia in jejunium, lætitia mutatur in fletum (S. EUCHER. LUGD. Hom. de Pænit. Niniv. Bibliot. PP. LUGD., tom. VI,

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pag. 646). O ville heureusement renversée ! Renversons Ninive en nous.

Mais écoutons encore; il ne suffit pas de nous condamner, il ne suffit pas de changer nos mœurs. La bonté entreprenant sur la justice, la justice fait quelques réserves. Parce que Jésus-Christ est bon, il ne faut pas que nous soyons lâches: au contraire, nous devons être d'autant plus rigoureux à nous-mêmes, que Jésus-Christ est plus miséricordieux. [C'est dans ces dispositions que le saint roi pénitent disoit à Dieu : ] « Je mange » la cendre comme le pain, et je mêle mon breu» vage de mes larmes, à cause de voire colère et >> de votre indignation: » Quia cinerem tanquam panem manducabam, et polum meum cum fletu miscebam, à facie iræ et indignationis tuæ (Ps. Cl. 10, 11.). [Les Ninivites entrèrent dans les mêmes sentiments:] « ils jugèrent » le remède de la pénitence si efficace, qu'ils cru» rent que le jeûne même de tous leurs animaux » leur seroit salutaire : >> Ninivites, tam manifestum judicantes afflictionis remedium, ut sibi etiam animalium crederent profuturum esse jejunium (S. EUCHER. LUGD, Hom. de Pœnit. Niniv. Biblioth. PP. LUGD. tom. VI. pag. 646.).

O spectacle digne de la joie des anges! parce que l'homme accuse, Dieu n'accuse plus, l'homme se joignant avec la justice, lui fait tomber les armes des mains; il l'affoiblit, pour ainsi dire, en la fortifiant : Dieu lui pardonne, parce qu'il ne se pardonne pas; Dieu prend son parti, parce qu'il prend le parti de Dieu; parce qu'il se joint à la justice contre soi-même, la miséricorde se joint à lui contre la justice. N'épargnons pas, mes frères, des larmes si fructueuses; frustrons l'attente du diable par la persévérance de notre douleur: plus nous déplorons la misère où nous sommes tombés, plus nous nous rapprocherons du bien que nous avons perdu.

TOME I.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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.....

-

II. Sermon pour la fête de tous les Saints.-Des-
seins admirables de Dieu sur ses élus: il les a
mis au-dessus de tous ses ouvrages; il se les est
proposés dans toutes ses entreprises ; il les a in-
séparablement unis à la personne de son Fils,
afin de les traiter comme lui. Merveilles que
Dieu opère dans l'exécution de ces grands
desseins....
III. Sermon pour la fête de tous les Saints, prêché
devant le Roi. Conditions nécessaires pour
être heureux n'être point trompés, ne rien
souffrir, ne rien craindre. Elles ne se trou-
vent réunies que dans le ciel. Nous n'y serons
plus sujets à l'erreur, à la douleur, à l'inquié-
tude; parce que nous y verrons Dieu, que nous
y jouirons de Dieu, que nous nous reposerons
à jamais en Dieu. . .
IV. Sermon pour la fête de tous les Saints. — Les
désirs des natures intelligentes pour la félicité.
Leurs erreurs à cet égard. Où se trouve la
véritable félicité; en quoi elle consiste; quels
sont les moyens pour y parvenir; quelle est
la voie qui y conduit. . . .
Fragment d'un discours sur le même sujet, où,
à l'occasion de la solennité des bienheureux,
il est parlé des fidèles qui achèvent de se
purifier dans le purgatoire. Comment leur
sainteté est-elle confirmée. .

-

Sermon pour le jour des Morts, sur la résurrec-
tion dernière. Deux sortes de mort, deux
sortes de résurrection; celle de l'âme doit pré-
céder celle du corps; comment l'une et l'autre
s'opèrent...

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333

34

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II.e Sermon pour le 1er dimanche de l'Avent,
prèché devant le Roi, sur le Jugement der-
nier.- Son objet, sa nécessité, ses effets.
Confusion des pécheurs, qui amusent le
monde par leurs vains prétextes; des hypo-
crites, qui font servir la piété d'enveloppe et
de couverture à leur malice; des pécheurs
scandaleux, qui font trophée de leurs crimes. 54
Exorde d'un autre Sermon pour le même
dimanche. Gloire qui doit suivre les humi-
liations volontaires du Sauveur.

GO

III. Sermon pour le 1er dimanche de l'Avent.
Fondements de la vengeance divine. Le pé-
cheur accablé par la puissance infinie contre
laquelle il s'est soulevé, immolé à cette bonté
étonnante qu'il a méprisée, dégradé et
asservi à une dure et insupportable tyrannie,
par cette majesté souveraine qu'il a outragée. 61
Ier Sermon pour le II.e dimanche de l'Avent,
prêché à Metz, sur Jésus-Christ comme objet
de scandale. Caractères du Messie promis,
opposés à ceux que les Juifs charnels s'étoient
figurés. Jésus-Christ les réunit tous en sa per-

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-

II. Sermon pour le II. dimanche de l'Avent,
prèché à la Cour, sur la Divinité de la reli-
gion. Les moyens par lesquels elle s'est
établie; la sainteté de sa morale si bien pro-
portionnée à tous les besoins de l'homme,
preuves évidentes de sa divinité. Injustice de
ses contradicteurs, infidélité des chrétiens. . 81
Sermon pour le III.e dimanche de l'Avent, sur
la nécessité de la pénitence, prêché à la Cour.
Endurcissement des pécheurs ; leur insensi-
bilité surprenante; effets terribles du péché
et de la justice divine sur eux ; illusion de leur
fausse sécurité; extrémité de leur malheur. 89
Fragment sur le même sujet. Activité de la
justice divine contre le pécheur. Son opposi-
tion à la loi de Dieu. Effets qui en résultent
contre lui. Ce qu'il doit faire pour éviter les
coups de la main vengeresse. Dignes fruits de
pénitence, toujours salutaires.

96

Abrégé d'un autre Sermon pour le troisième
dimanche de l'Avent, sur le faux honneur et
l'humilité chrétienne. . . .

.... 101

Sermon pour le IV. dimanche de l'Avent, sur la

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véritable conversion. Nécessité de la soli-
tude pour parvenir à une solide conversion;
caractère d'un vrai pénitent; remèdes propres
à sa guérison; combien difficile le changement
des inclinations d'un pécheur d'habitude,
quelle doit être son épreuve, quelles disposi-
tions lui sont nécessaires pour être récon-
cilié avec Dieu.
1.er Sermon pour le mystère de la Nativité de
Notre-Seigneur.— Objet, fin, utilité, pru-
dente économie des abaissements du Fils de
Dieu, dans son incarnation; sagesse des
moyens qu'il emploie pour réparer notre
nature et guérir ses maladies. Ses contradic-
tions, sa gloire, son triomphe. . . .
Fragment d'un autre Sermon sur le même mys-
tère. Dieu unique dans ses perfections;
comment il les communique à l'homme. Or-
gueil, cause de sa chute; incarnation du Fils
de Dieu, remède à cette maladie. . . .
II. Sermon sur le mystère de la Nativité de Notre-
Seigneur, prêché dans l'Eglise cathédrale de
Meaux, en 1691.-Caractères du Messie pro-
mis. Trois sortes de contradictions auxquelles
il est en butte, même parmi les chrétiens et
dans l'Eglise.

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II. Sermon pour la fête de la Circoncision de
Notre-Seigneur. - Royauté de Jésus-Christ,
sa nature, ses effets; droit qu'elle lui donne sur
nous; comment nous devons la reconnoître. 145
III.e Sermon pour la fête de la Circoncision de

Notre-Seigneur, prêché le premier jour de
l'an 1687. Malice du péché, ses effets.
Etendue de nos maladies; trois grâces du Sau-
veur pour nous en délivrer; dispositions pour
y répondre. Moyens d'assurer notre guérison. 152
IV. Sermon pour la fête de la Circoncision de
Notre-Seigneur, prêché pendant un jubilé.

Grandeur de nos maux. Nécessité de la
grâce du Sauveur, pour nous guérir et nous
sauver; ses différentes opérations en nous.
Fidélité de Dieu à notre égard; nos infidélités
envers lui. Opposition des folles joies du siècle
aux joies solides qui nous sont promises.
Autre Conclusion du même sermon...
Première partie du même Sermon, autrement
traitée. Excellence du nom de Jésus; ter-
ribles engagements que le Sauveur contracte

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170

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Sermon pour le cinquième dimanche après l'Epi-
phanie.-Jérusalem et Babylone, leur esprit
et leur caractère. Raisons de la conduite de
Dieu dans le mélange des bons avec les mé-
chants; comment ils sont séparés dès à pré-
sent; suites de la dernière séparation. . . . 183
Sermon pour le dimanche de la Septuagésime.
-Eminente dignité des pauvres dans l'Eglise ;
leurs droits, leurs prérogatives; comment et
pourquoi les riches doivent honorer leur con-
dition, secourir leur misère, prendre part à
leurs priviléges. . . .

187

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gésime. Ignorance, désordre, inconstance
de l'homme; loi de Dieu, lumière de l'esprit,
règle de la volonté, repos de l'âme.
Autre Exorde du même Sermon.
Sermon pour le temps du Jubité. Sur la Péni-
tence. Trois qualités de la pénitence op-
posées aux trois désordres du péché ; comment
elles en sont le remède. Difficulté à recouvrer
la justice perdue. Fidélité qu'exige l'amitié
réconciliée. Funestes effets du mépris ou de
l'abus de la pénitence. . .

202

215

... ibid.
Sermon pour le vendredi après les Cendres.- Op-
position de l'homme à la concorde. Dette de la
charité fraternelle, ses obligations, ses carac-
tères; jusqu'où doit s'étendre l'amour des en-
nemis; comment on doit combattre leur haine,
vengeance qui nous est permise contre eux.. 223
Sermon pour le samedi après les Cendres. Sur
l'Eglise. Fermeté immobile de l'Eglise au
milieu des furieuses tempêtes qui l'ont agitée.
Principe d'opposition aux vérités divines que
l'homme porte dans son cœur. Aveuglement
et présomption, deux causes de cette rèpu-
gnance. Combien, avec de pareilles disposi-
tions dans les hommes, il est peu étonnant
que l'Eglise ait eu à éprouver de si terribles

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