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débordoit, les chrétiens en étoient la cause; et tout le monde disoit qu'il n'y avoit point de meilleure victime, pour apaiser la colère des dieux, que de leur immoler les chrétiens «< par tout ce →≫ que la rage et le désespoir pouvoient inventer >>> de plus cruel : » Per atrociora ingenia pœnarum (TERT., de Resur. carn. n. s.). Qu'aviezvous fait, Eglise, pour être traitée de la sorte? J'en pourrois rapporter plusieurs causes; mais celle-ci est la principale: elle faisoit profession de la vérité, et de la vérité divine; de là ces cris de la haine, de là ces injustes persécutions: si l'Eglise en a été agitée, elle n'en a pas été surprise; elle sait bien connoitre la main qui l'appuie, et elle se sent à l'épreuve de toutes sortes d'attaques.

Et à ce propos, chrétiens, saint Augustin se représente que les fidèles, étonnés de voir durer si long-temps la persécution, s'adressent à l'Eglise leur mère, et lui en demandent la cause. Il y a long-temps, ô Eglise, que l'on frappe sur vos pasteurs, et les troupeaux sont dispersés. Dieu vous a-t-il oubliéc? Si ce n'eût été qu'en passant, [nous eussions pu penser que ce n'étoit qu'une épreuve : mais après] tant de siècles [ de persécution, les maux vont toujours croissant, et les scandales se multiplient]; les vents grondent, les flots se soulèvent; vous flottez deçà et delà battue des ondes et de la tempête; ne craignez-vous pas d'ètre abîmée? La réponse de l'Eglise est dans le psaume cent vingt-huit. Mes enfants, je ne m'étonne pas de tant de traverses; j'y suis accoutumée dès mon enfance: Sæpe expugnaverunt me à juventute meâ (Ps., CXXVIII. 1.) : « Ces » mêmes ennemis qui m'attaquent, m'ont déjà » persécutée dès ma jeunesse. » L'Eglise a toujours été sur la terre; dès sa plus tendre enfance elle étoit représentée en Abel, et il a été tué par Caïn son frère : elle a été représentée en Enoch, et il a fallu le tirer du milieu des impies: Translatus est ab iniquis ( Hebr., x1. 5.); sans doute parce qu'ils ne pouvoient souffrir son innocence : la famille de Noé, il a fallu la délivrer du déluge: Abraham, que n'a-t-il pas souffert des impies? son fils Isaac, d'Ismaël? Jacob, d'Esau? celui qui étoit selon la chair, n'a-t-il pas persécuté celui qui étoit selon l'esprit (Gal., IV. 29.)? | Moïse, Elie, les prophètes, Jésus-Christ et les apôtres, [combien n'ont-ils pas eu à souffrir]? Par conséquent, mon fils, dit l'Eglise, ne t'étonne pas de ces violences: Sæpe expugnaverunt me ‡à juventute meâ : numquid ideo non perveni ad senectutem (In Ps. cxxvIII., n. 2, 3, tom. IV. col. 1448.)? Regarde mon antiquité, considère

mes cheveux gris ; « ces cruelles persécutions dont >> on a tourmenté mon enfance, m'ont-elles em» pêché de parvenir à cette vénérable vieillesse? » Si c'étoit la première fois, j'en serois peut-être troublée; maintenant la longue habitude fait que mon cœur ne s'en émeut pas. Je laisse faire aux pécheurs; « ils ont travaillé sur mon dos : » Supra dorsum meum fabricaverunt peccatores (Ps., CXXVIII. 3.): je ne tourne pas ma face contre eux, pour m'opposer à leur violence; je ne fais que tendre le dos; ils frappent cruellement, et je souffre sans murmurer : c'est pourquoi ils ne donnent point de bornes à leur furie : Prolongaverunt iniquitatem suam. Ma patience sert de jouet à leur injustice: mais je ne me lasse point de souffrir, et je me souviens de celui qui a abandonné ses joues aux soufflets, et » n'a pas détourné sa face des crachats : >> Faciem meam non averti ab increpantibus et conspuentibus in me (Is., L. 6. ). Quoique je semble toujours flottante, ne t'étonne pas; la main toute-puissante, qui me sert d'appui, saura bien m'empêcher d'être submergée. Que si Dieu la soutient avec tant de force contre la violence, pourrez-vous croire, Messieurs, qu'il la laisse accabler par les hérésies? Non, Messieurs; ne le croyez pas : c'est ma seconde partic.

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SECOND POINT.

La seconde tempête de l'Eglise, c'est la curiosité qui l'excite curiosité, chrétiens, qui est la peste des esprits, la ruine de la piété, et la mère des hérésies. Pour bien entendre cette vérité, il faut remarquer, avant toutes choses, que la sagesse divine a donné des bornes à nos connoissances: car comme cette Providence infinie voyant que les eaux de la mer se répandroient par toute la terre, et en couvriroient toute la surface, lui a prescrit un terme qu'il ne lui permet pas de passer, ainsi sachant que l'intempérance des esprits s'étendroit jusqu'à l'infini par une curiosité démesurée, il lui a marqué des limites auxquelles il lui ordonne d'arrêter son cours. « Tu iras, dit-il, jusque là, et tu ne passeras pas >> plus outre : Usque huc gradieris, et non procedes amplius; et hic confringes tumentes fluctus tuos (JOB., XXVIII. 11.). C'est pourquoi Tertullien a dit sagement « que le chrétien ne >> veut savoir que fort peu de choses, parce que, poursuit ce grand homme, les choses certaines >> sont en petit nombre : » Christiano paucis ad scientiam veritatis opus est ; nam et certa semper in paucis ( de Animâ, n. 2.). Il ne se veut pas égarer dans les questions infinies qui

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sont défendues par l'apôtre: Infinitas quæstiones devita (TIT., III. 9.): il se resserre humblement dans les points que Dieu a révélés à son Eglise ; et ce qu'il n'a pas révélé, il trouve de la sûreté à ne le savoir pas il déteste la vaine science que l'esprit humain usurpe, et il aime la docte ignorance que la loi divine prescrit : « C'est » tout savoir, dit-il, que de n'en pas savoir da>> vantage : » Nihil ultra scire, omnia scire est (TERT., de Præscr. adv. Hær. n. 14.).

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Quiconque se tient dans ces bornes, et sait régler sa foi par ce qu'il apprend de Dieu par l'Eglise, ne doit pas appréhender la tempête; mais la curiosité des esprits superbes ne peut souffrir cette modestie : « Ses flots s'élèvent, dit l'E>>criture, ils montent jusqu'aux cieux, ils des>> cendent jusqu'aux abimes : » Exaltati sunt fluctus ejus; ascendunt usque ad cælos, et descendunt usque ad abyssos ( Ps., CVI. 25, 26.). Voilà une agitation bien violente; c'est une vive image des esprits curieux leurs pensées vagues et agitées se poussent, comme des flots, les unes les autres; elles s'enflent, elles s'élèvent démesurément il n'y a rien de si élevé dans le ciel, ni rien de si caché dans les profondeurs de l'enfer, où ils ne s'imaginent de pouvoir atteindre: Ascendunt usque ad cælos: et les conseils de sa Providence, et les causes de ses miracles, et la suite impénétrable de ses mystères, ils veulent tout soumettre à leur jugement: Ascendunt. Malheureux, qui, s'agitant de la sorte, ne voient pas qu'il leur arrive comme à ceux qui sont tourmentés par la tempête : Turbati sunt, et moti sunt sicut ebrius: « Ils sont troublés comme >> des ivrognes; » la tête leur tourne dans ce mouvement: Et omnis sapientia eorum devorata est (Ibid. 27.): « Là toute leur sagesse se >> dissipe; » et ayant malheureusement perdu la route, ils se heurtent contre des écueils, ils se jettent dans des abîmes, ils s'égarent dans des hérésies. Arius, Nestorius, votre curiosité vous a perdus. Voilà la tempête élevée par la curiosité des hérétiques: c'est par-là qu'ils séduisent les simples; parce que, dit saint Augustin (de Agon. Christ., n. 4, t. VI, col. 248.): « toute >> âme ignorante est curieuse : » Omnis anima indocta curiosa est cela est nouveau, écoutons la manière [ dont on propose cette doctrine nous plaît]. Arius, Nestorius, etc., pourquoi cherchez-vous ce qui ne se peut pas trouver ? « Il » n'est pas permis de chercher au-delà de ce » qu'il nous est permis de trouver : » Amplius quærere non licet, quàm quod inveniri licet (TERTUL., de Animâ, n. 2.).

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Pour empêcher les égarements de cette curiosité pernicieuse, le seul remède, mes frères, c'est d'écouter la voix de l'Eglise, et de soumettre son jugement à ses décisions infaillibles. Je parle à vous, enfants nouveau-nés que l'Eglise a engendrés : c'est sur la fermeté de cette Eglise qu'il faut appuyer vos esprits, qui seroient flottants sans ce soutien. Etes-vous curieux de la vérité? voulez-vous voir? voulez-vous entendre? Voyez et écoutez dans l'Eglise : Sicut audivimus, sic vidimus : « Nous avons ouï, et nous » avons vu, »dit David; et où? In civitate Domini virtutum (Ps., XLVII. 9.) : « En la cité de >> notre Dieu; >> c'est-à-dire, en sa sainte Eglise. <«< Celui qui est hors de l'Eglise, dit saint Au>> gustin, quelque curieux qu'il soit, de quelque >> science qu'il se vante, il ne voit, ni n'entend : >> quiconque est dans l'Eglise, il n'est ni sourd, >> ni aveugle : » Extra illam qui est, nec audit, nec videt in illâ qui est, nec surdus, nec cæcus est (In Psalm. XLVII., n. 7, tom. Iv. col. 420.). Donc s'il est ainsi, chrétiens, que notre curiosité n'aille pas plus loin. L'Eglise a parlé ; c'est assez cet homme est sorti de l'Eglise; il prêche, il dogmatise, il enseigne. Que dit-il? que prêche-t-il? quelle est sa doctrine? O homme vainement curieux! je ne m'informe pas de sa doctrine il est impossible qu'il enseigne bien, puisqu'il n'enseigne pas dans l'Eglise. Un martyr illustre, un docteur très éclairé, saint Cyprien, [va vous le déclarer]. Antonianus, un de ses collégues, lui avoit écrit au sujet de Novatien, schismatique, pour savoir de lui par quelle hérésie il avoit mérité la censure; le saint docteur lui fait cette belle réponse: Desiderasti ut rescriberem tibi quam hæresim Novatianus introduxisset... Quisquis ille fuerit, multum de se licet jactans, et sibi plurimùm vindicans, profanus est, alienus est, foris est (CYPR., Ep. LII. ad ANTON. pag. 66, 68.): « Pour ce qui regarde Novatien, duquel vous désirez » que je vous écrive quelle hérésie il a introduite; » sachez premièrement que nous ne devons pas » même être curieux de ce qu'il enseigne, puisqu'il enseigne hors de l'Eglise : quel qu'il soit, >> et de quoi qu'il se vante, il n'est pas chrétien, » n'étant pas en l'Eglise de Jésus-Christ. >>

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L'orgueil des hérétiques s'élève : Quoi, je croirai sur la foi d'autrui! je veux voir, je veux entendre moi-même. Langage superbe : reconnoissez-le, mes chers frères; c'est celui que vous parliez autrefois. L'Eglise l'a dit, n'est-ce pas assez? Mais elle se peut tromper? Enfant, qui déshonores ta mère, en quelle Ecriture as-tu lu

que l'Eglise puisse tromper ses enfants? Tu reconnois qu'elle est mère; elle seule peut engendrer les enfants de Dieu si elle peut les engendrer, qui doute qu'elle puisse les nourrir? Certes, la terre, qui produit les plantes, leur donne aussi leur nourriture: la nature ne fait jamais une mère, qu'elle ne fasse en même temps une nourrice. L'Eglise sera-t-elle seule qui engendrera des enfants, et n'aura point de lait à leur donner? Ce lait des fidèles, c'est la vérité, c'est la parole de vie. Enfants dénaturés, qui sortez des entrailles et rejetez les mamelles; si j'ai des entrailles qui vous ont portés, j'ai des mamelles pour vous allaiter voyez, voyez le lait qui en coule, la parole de vérité qui en distille; approchez-vous, sucez et vivez, et ne portez pas votre bouche à des sources empoisonnées. Mais il faut connoitre quelle est cette Eglise. Ah! qu'il est bien aisé d'exclure la vôtre, dressée de nouveau? ô Eglise bâtie sur le sable! Vous croyez, ô divin Jésus, avoir bâti sur la pierre; c'est sur un sable mouvant; c'est la confession de foi. Donc votre édifice est tombé par terre: il a fallu que Luther et Calvin vinssent le dresser de nouveau. Mes enfants, respectez mes cheveux gris; voyez cette antiquité vénérable : je ne vieillis pas, parce que je ne meurs jamais; mais je suis ancienne. Pourquoi vous vantez-vous de m'avoir rétablie? Quoi, vous avez fait votre mère! Mais si vous l'avez faite, d'où êtes-vous nés? Et vous dites que je suis tombée? je suis sortie de tant de périls.

Laissons-les errer, mes frères: Dieu n'a perdu pour cela pas un des siens. Ils étoient de la paille, et non du bon grain : le vent a soufflé, et la paille s'en est allée; « ils s'en sont allés en leur lieu » ( Act., 1. 25.) : ils étoient parmi nous; mais ils » n'étoient point des nôtres (1. JOAN., II. 19.). » Pour nous, enfants de l'Eglise, et vous que l'on avoit exposés dehors comme des avortons, et qui êtes enfin rentrés dans son sein; apprenez à n'être curieux qu'avec l'Eglise, à ne chercher la vérité qu'avec l'Eglise, et retenez cette doctrine. Dieu auroit pu, sans doute; car que peut-on dénier à sa puissance? il auroit pu nous conduire à la vérité par nos connoissances particulières ; mais il a établi une autre conduite : il a voulu que chaque particulier fit discernement de la vérité, non point seul, mais avec tout le corps et toute la communion catholique, à laquelle son jugement doit être soumis. Cette excellente police est née de l'ordre de la charité, qui est la vraie loi de l'Eglise car si quelqu'un cherchoit en particulier, et si les sentiments se divisoient, les cœurs pourroient enfin être partagés. Mais pour nous

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unir tous ensemble par le lien d'une charité indissoluble, pour nous faire chérir davantage la communion et la paix, il a établi cette loi. Voulez-vous entendre la vérité? allez au sein de l'unité, au centre de la charité : c'est l'unité catholique qui sera la chaste mamelle d'où coulera sur vous le lait de la doctrine évangélique; tellement que l'amour de la vérité est un nœud qui nous lie à l'unité et à la société fraternelle. Nous sommes membres d'un même corps; cherchons tous ensemble laissons faire les fonctions à chaque membre; laissons voir les yeux; laissons parler la bouche. Il y a des pasteurs à qui le Saint-Esprit même a appris à dire sur toutes les contestations qui sont nées : « Il a plu au Saint-Esprit et à »> nous (Act., xv. 28.). » Arrêtons-nous là, chrétiens, et « ne soyons pas plus sages qu'il ne faut; >> mais soyons sages avec retenue (Rom., XII. 3.), et selon la mesure qui nous est donnée.

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TROISIÈME POINT.

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Jusqu'ici, mes frères, tout ce que j'ai dit est glorieux à l'Eglise : j'ai publié sa constance dans les tourments, sa victoire sur les hérésies: tout cela est grand et auguste. Mais que ne puis-je maintenant vous cacher sa honte; je veux dire, les mœurs dépravées de ceux qu'elle porte en son sein? Mais puisqu'à ma grande douleur, cette corruption est si visible, et que je suis contraint d'en parler; je commencerai à la déplorer par les éloquentes paroles d'un saint et illustre écrivain. C'est Salvien, prêtre de Marseille, qui, dans le premier livre qu'il a adressé à la sainte Eglise catholique, lui parle en ces termes : « Je ne sais,

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dit-il, ô Eglise, de quelle sorte il est arrivé que >> ta propre félicité combattant contre toi-même, tu >> as presque autant amassé de vices, que tu as conquis de nouveaux peuples: » Nescio quomodo pugnante contra temetipsam tuâ felicitate, quantùm tibi auctum est populorum, tantùm pene vitiorum (adv. Avar. l. 1, n. 1, p. 218.). « La prospérité a attiré les pertes; la grandeur est » venue, et la discipline s'est relâchée. Pendant » que le nombre des fidèles s'est augmenté, » l'ardeur de la foi s'est ralentie; et l'on t'a vue, » ô Eglise, affoiblie par ta fécondité, diminuée >> par ton accroissement, et presque abattue par >> tes propres forces: » Quantùm tibi copiæ accessit, tantùm disciplinæ recessit... Multiplicatis fidei populis, fides imminuta est ;.... factaque es, Ecclesia, profectu tuæ fœcunditatis infirmior, atque accessu relabens, et quasi viribus minùs valida (adv. Avar. lib. 1. n. 1, pag. 218.). Voilà une plainte bien élo

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quente; mais, mes frères, à notre honte, elle n'est que trop véritable. L'Eglise n'est faite que pour les saints: il est vrai, les enfants de Dieu y sont appelés de toutes parts; tous ceux qui sont du nombre, y sont entrés; « mais plusieurs y sont >> entrés par-dessus le nombre: » Multiplicati sunt super numerum ( Ps., XXXIX. 6. ). L'ivraie est crue avec le bon grain; et la charité s'étant refroidie, le scandale s'est élevé jusque dans la maison de Dieu. Voilà ce qui scandalise les foibles; voilà la tentation des infirmes. Quand vous verrez, mes frères, l'iniquité qui lève la tête au milieu même du temple de Dieu, Satan vous dira : Estce là l'Eglise? sont-ce là les successeurs des apôtres? et il tâchera de vous ébranler, imposant à la simplicité de votre foi.

Il faudroit peut-être un plus long discours pour vous fortifier contre ces pensées ; mais étant pressé par le temps, je dirai seulement ce petit mot, plein de consolation et de vérité. Ne croyez pas, mes frères, que l'homme ennemi, qui va semer la nuit dans le champ (MATTH., XIII. 24 et suiv.), puisse empêcher de croitre le bon grain du père de famille, ni lui ôter sa moisson: il peut bien la mêler; remarquez ceci ; il peut bien semer pardessus; mais il ne peut pas ni arracher le froment, ni corrompre la bonne semence. Il y en a qui profanent les sacrements; mais il y en a toujours qu'ils sanctifient : il y a des terres sèches et pierreuses où la parole tombe inutilement; mais il y a des champs fertiles où elle fructifie au centuple. Il y a des gens de bien, il y a des saints: le bras de Jésus-Christ n'est pas affoibli; l'Eglise n'est pas devenue stérile; le sang de Jésus-Christ n'est pas inutile; la parole de son Evangile n'est pas infructueuse à l'égard de tous. Déplorez donc, quand il vous plaira, la prodigieuse corruption de mœurs qui se voit même dans l'Eglise je me joindrai à vous dans cette plainte : je confesserai, avec saint Bernard (In cantic. Serm. XXXIII., n. 15. t. 1. col. 1392.), qu'« une maladie puante infecte >> quasi tout son corps. » Non, non, le temple de Dieu n'en est pas exempt : Jésus-Christ en enrichit qui le déshonorent; Jésus-Christ en élève qui servent à l'Antechrist : l'iniquité est entrée comme un torrent; on ne peut plus noter les impies, on ne peut plus les fuir, on ne peut plus les retrancher; tant ils sont forts, tant ils sont puissants, tant le nombre en est infini; la maison de Dieu n'en est pas exempte. Mais au milieu de tous ces désordres, sachez que «<< Dieu connoît >> ceux qui sont à lui (2. TIM., II. 19.). » Jetez les yeux dans ces séminaires; combien de prêtres très charitables! dans les cloîtres, combien de

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saints pénitents! [dans le monde, combien] de magistrats [recommandables par leur zèle pour la justice et leur amour pour la vérité]! combien qui possèdent comme ne possédant pas, qui usent >> du monde comme n'en usant pas, sachant bien » que la figure de ce monde passe (1. Cor., VII. » 30, 31.) : » les uns paroissent, les autres sont cachés; selon qu'il plaît au Père céleste, ou de les sanctifier par l'obscurité, ou de les produire par le bon exemple.

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Mais il y a aussi des méchants; le nombre en est infini; je ne puis vivre en leur compagnie. Mon frère, où irez-vous? vous en trouverez par toute la terre; ils sont partout mêlés avec les bons: ils seront séparés un jour; mais l'heure n'en est pas encore arrivée. Que faut-il faire en attendant? Se séparer de cœur; les reprendre avec liberté, afin qu'ils se corrigent; et s'ils ne le font, les supporter en charité, afin de les confondre. Mes frères, nous ne savons pas les conseils de Dieu : y a des méchants qui s'amenderont; et il les faut attendre en patience: il y en a qui persévéreront dans leur malice; et puisque Dieu les supporte, ne devons-nous pas les supporter? Il y en a qui sont destinés pour exercer la vertu des uns, venger le crime des autres; on les ôtera du milieu, quand ils auront acccompli leur ouvrage : laissez accoucher cette criminelle, avant que de la faire mourir. Dieu sait le jour de tous; il a marqué dans ses décrets éternels le jour de la conversion des uns, le jour de la damnation des autres; ne précipitez pas le discernement. « Aimez vos frères, >> dit saint Jean (1. JOAN., H. 10.), et vous ne >> souffrirez point de scandale : » pourquoi? parce que, dit saint Augustin (In Epist. JOAN., tract. I. n. 12, tom. III. part. n. col. 834.), « celui >> qui aime son frère, il souffre tout pour l'unité : » Qui diligit fratrem, tolerat omnia propter unitatem.

Aimons donc, mes frères, cette unité sainte; aimons la fraternité chrétienne, et croyons qu'il n'y a aucune raison pour laquelle elle puisse être violée. Que les scandales s'élèvent, que l'impiété [règne] dans l'Eglise, qu'elle paroisse, si vous voulez, jusque sur l'autel; c'est là le triomphe de la charité, d'aimer l'unité catholique, malgré les troubles, malgré les scandales, malgré les dérèglements de la discipline. Gémissons-en devant Dieu; reprenons-les devant les hommes, si notre vocation le permet; mais si nous avons un bon zèle, ne crions pas vainement contre les abus; mettons la main à l'œuvre sérieusement, et commencons chacun par nous-mêmes la réformation de l'Eglise. Mes enfants, nous dit-elle, regardez l'état

où je suis; voyez mes plaies, voyez mes ruines. Ne croyez pas que je veuille me plaindre des anciennes persécutions que j'ai souffertes, ni de celles dont je suis menacée à la fin des siècles: je jouis maintenant d'une pleine paix sous la protection de vos p:inces, qui sont devenus mes enfants, aussi-bien que vous; mais c'est cette paix qui m'a désolée : Ecce, ecce in pace amaritudo mea amarissima (Is., XXXVIH. 17.). Il m'étoit certainement bien amer, lorsque je voyois mes enfants si cruellement massacrés ; il me l'a été beaucoup davantage, lorsque les hérétiques se sont élevés, et ont arraché avec eux, en se retirant avec violence, une grande partie de mes entrailles: mais les blessures des uns m'ont honorée, et quoique touchée au dernier point de la retraite des autres, enfin ils sont sortis de mon sein comme des humeurs qui me surchargeoient. Maintenant, « maintenant mon amer» tume très amère est dans la paix : » Ecce in pace amaritudo mea amarissima. C'est vous, enfants de ma paix, c'est vous, mes enfants et mes domestiques, qui me donnez les blessures les plus sensibles par vos mœurs dépravées : c'est vous qui ternissez ma gloire, qui me portez le venin au cœur, qui couvrez de honte ce front auguste sur lequel il ne devoit paroître ni tache, ni ride (Ephes., V. 27.). Guérissez-moi [en travaillant à guérir en vous-mêmes ces plaies profondes que tant d'iniquités ont faites à votre conscience et votre honneur, et qui sont devenues les miennes].

Que reste-t-il après cela, sinon qu'elle vous parle des intérêts de ces nouveaux frères que sa charité vous a donnés: elle vous les recommande. Le schisme lui a enlevé tout l'Orient; l'hérésie a gâté tout le Nord ô France, qui étois autrefois exempte de monstres, elle t'a cruellement partagée. Parmi des ruines si épouvantables, l'Eglise, qui est toujours mère, tâche d'élever un petit asile pour recueillir les restes d'un si grand naufrage; et ses enfants dénaturés l'abandonnent dans ce besoin: le jeu engloutit tout; ils jettent dans ce gouffre des sommes immenses: pour cette œuvre de piété si nécessaire, il ne se trouve rien dans la bourse. Les prédicateurs élèvent leur voix avec toute l'autorité que leur donne leur ministère, avec toute la charité que leur inspire la compassion de ces misérables; et ils ne peuvent arracher un demi-écu; et il faut les aller presser les uns après les autres; et ils donnent quelque aumône chétive, foible et inutile secours : et encore ils s'estiment heureux d'échapper; au lieu qu'ils devroient courir d'eux-mêmes pour apporter du moins quelque petit soulagement à une néces• Les nouveaux catholiques, où ce sermon a été prêché,

sité si pressante. O dureté des cœurs! ô inhumanité sans exemple! mes chers frères, Dieu vous en préserve! Ah! si vous aimez cette Eglise dont je vous ai dit de si grandes choses, laissez aujourd'hui, en ce lieu où elle rappelle ses enfants dévoyés, quelque charité considérable. Ainsi soit-il.

PREMIER SERMON

POUR

LE PREMIER DIMANCHE DE CARÊME,
SUR LES DÉMONS.

Leur existence, la dignité de leur nature et leurs forces. Principe de leur chute et ses suites. Leur haine contre nous; quels en sont la cause et les effets, comment nous devons leur résister et les combattre.

Ductus est Jesus in desertum à Spiritu, ut tentaretur à diabolo.

Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert, pour y être tenté par le diable (MATTH., IV. 1.).

Si la mort de Jésus est notre vie, si son infirmité est notre force, si ses blessures sont notre guérison, aussi pouvons-nous assurer que sa tentation est notre victoire. Ne nous persuadons pas, chrétiens, qu'il eût été permis à Satan de tenter aujourd'hui le Sauveur sans quelque haut conseil de la Providence divine. Jésus-Christ étant le Verbe, et la raison, et la sapience du Père, comme toutes ses paroles sont esprit et vie, ainsi toutes ses actions sont spirituelles et mystérieuses; tout y est intelligence, tout y est raison. Mais parce qu'il est la sagesse incarnée, qui est venue accomplir dans le monde l'ouvrage de notre salut, toute cette raison est pour notre instruction, et tous ces mystères sont pour nous sauver. Selon cette maxime, je ne doute pas que comme on vous aura exposé aujourd'hui le sens profond de cet évangile, vous n'ayez bien compris les renseignements que nous donne la tentation de Jésus. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire que je vous entretienne par un long discours. Seulement pour satisfaire votre piété, autant qu'il plaira à notre grand Dieu m'enseigner par son Saint-Esprit, je tâcherai de vous exposer quel est cet esprit tentateur qui ose attaquer le Sauveur Jésus. Implorons les lumières célestes pour découvrir les fraudes du diable, et contre la malice des démons demandons l'assistance de la sainte Vierge, que les anges ont toujours honorée, mais particulièrement depuis qu'un des premiers de leur hiérarchie, envoyé de la part de Dieu, la salua par ces belles paroles; Ave, Maria.

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