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» comme depuis longtemps déjà, votre monastère se trouve >> en possession de cette maison que nous vous avons » donnée pour le soulagement de l'âme de nos parents, >> nous désirons aujourd'hui la recouvrer, à l'effet de la >> convertir en cette œuvre pie que nous pensons édifier à >> Dieu notre sauveur.... C'est donc avec la plus grande >> confiance que, par cette lettre apostolique, nous vous prions de vendre cette maison paternelle avec tous ses >> droits et appartenances, ainsi que les autres maisons ou places adjacentes, à nos chers fils Jean Garcie, notre >> chapelain, et Thibault d'Acenay, citoyen de Troyes, que >> nous avons établis, à cet effet, nos procureurs. >>

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L'abbesse, Isabelle de Châteauvillain, heureuse de pouvoir obliger le souverain Pontife, vendit en effet, à ses commissaires, la place et les maisons nécessaires à la construction de l'église.

A peine le contrat était-il passé, que les ouvriers accouraient de toutes parts et se mettaient à l'œuvre, sous l'habile direction de maître Jehan Langlois, qui semblerait avoir été l'architecte de ce merveilleux édifice.

Urbain IV avait envoyé de Rome une somme de dix mille marcs d'argent, qui devait être employée aux premières dépenses; mais le Pape étant venu à mourir, deux ans à peine après le commencement des travaux, l'entreprise fut interrompue, et Jehan Langlois partit pour la croisade.

Sur ces dix mille marcs d'argent envoyés par Urbain IV, Jehan Langlois avait touché une somme de deux mille cinq cents livres dont il n'avait point justifié l'emploi. Une bulle du pape Clément IV, datée de la seconde année de son pontificat (1266), est adressée à l'évêque d'Auxerre pour contraindre Jehan Langlois à rendre compte de cette somme « à li baillée pour le fait de l'œuvre de la dite église (1). »

(1) Nous n'avons trouvé, dans les liasses ou dans les registres des Archives, rien qui nous indiquât d'une manière précise le nom de

Toutefois, grâce aux nouvelles libéralités du cardinal Ancher de Saint-Praxède, neveu d'Urbain IV, et à l'activité des procureurs du Pape (1), les travaux furent promptement repris et poursuivis avec célérité jusqu'en l'année 1286, qui est celle de la mort du cardinal. Il est probable qu'on calcula alors les ressources existantes et qu'on se hâta d'achever l'église sans souci des lignes antérieures. Elle semble avoir été terminée telle qu'elle est vers l'année 1290.

Entre temps, il se passa des faits regrettables qui ne sont point à l'honneur des religieuses de Notre-Dame-aux-Nonnains. En 1268, l'archevêque de Tyr, délégué par le pape Clément IV, s'étant présenté en la nouvelle église inachevée encore, pour la bénir ainsi que le cimetière adjacent, l'abbesse Ode de Pougy, suivie de ses religieuses et d'une foule de partisans armés, s'opposa audacieusement à la cérémonie. Elle prétendait, d'une part, que ses droits étaient lésés dans

l'architecte de Saint-Urbain. C'est seulement sur cette bulle que nous établissons notre présomption en faveur de maître Jehan Langlois. S'il n'eût été qu'un simple comptable, ou même que le principal agent des travaux, dirait-on, en parlant des sommes reçues, qu'elles lui ont été baillées pour le fait... de l'œuvre de ladite église?... Les termes mêmes de la bulle confirment cette opinion. On y lit :

Joannes Langlois civis trecensis, cruce signatus, quondam magister fabricæ hujus Ecclesiæ Avant de partir pour la croisade, quodam, c'est-à-dire en 1264, Jehan Langlois était maître de la fabrique de l'église Saint-Urbain. Or, à cette époque, la collégiale n'était encore qu'en voie de construction; il ne peut donc point s'agir ici de la gestion des biens temporels du culte, c'est-à-dire du titre de marguillier, mais bien plutôt de la direction de la bâtisse elle-même, en qualité de maître maçon, maister fabricæ. N'étaitce point ainsi qu'on appelait alors les architectes? Et quant au XVIe siècle (Registre de 1542), le scribe, parlant de la somme de deux mille cinq cents livres qu'on réclame à Jehan Langlois, dit qu'elle fut à li baillée pour le fait de l'œuvre de l'Eglise, il ne fait, croyons-nous, que traduire le magister fabricæ hujus Ecclesiæ de la bulle.

(1) Voir les Acquêts, p. 62.

la collation des bénéfices, et d'autre part, que la délégation de l'archevêque était un attentat à sa juridiction. Celui-ci ayant tenté de passer outre, fut l'objet des plus inqualifiables violences une véritable émeute s'ensuivit et la cérémonie n'eut pas lieu.

Le Pape, ayant été informé de ce scandale, chargea l'archidiacre de Luxeuil et le doyen de Saint-Etienne d'examiner l'affaire. Les religieuses et leurs complices, cités devant eux, refusèrent de comparaître, et une sentence d'excommunication fut fulminée en l'église Saint-Etienne, le vendredi d'avant les Rameaux (1268), contre les coupables, leur accordant quinze jours pour s'amender et réparer les dommages commis.

Les religieuses donnèrent-elles alors toutes les satisfactions qu'on exigeait d'elles? C'est douteux; car nous voyons treize ans plus tard, en 1281, le pape Martin IV lancer, lui aussi, une bulle d'excommunication contre elles à la suite d'une lettre qu'il avait adressée, aux évêques de Troyes et d'Auxerre pour la bénédiction du cimetière de Saint-Urbain. Cette lettre était probablement demeurée sans effet, par le fait d'une nouvelle résistance.

Quelque temps après, cependant, elles se soumirent, et l'excommunication fut levée.

Les successeurs d'Urbain IV prirent à cœur de mener à bonne fin l'œuvre qu'il avait fondée et favorisèrent son développement en accordant aux bienfaiteurs de l'église SaintUrbain de grandes et nombreuses indulgences.

Un inventaire de 1542 (Archives du département) relate qu'il y avait au coffre (1) signé A. C. «< XIV bulles de plu

(1) Il y avait aux Archives, avant la première Révolution, plusieurs titres et pièces renfermés dans des coffres, grandes et petites boîtes numérotés. Il nous arrivera plusieurs fois, dans le cours de cet opuscule, de les relater pour mémoire.

»sieurs papes faisans mençon des indulgences octroyées » aux bienfaiteurs de ceste église. C'estoit vi du pape » Clément quart, v du pape Innocent quint et des » papes Nicolas tiers et quart. >>

Ces bulles étaient accompagnées de lettres scellées de XIV sceaux en cire vermeille, de plusieurs patriarches et évêques octroyant eux-mêmes différentes indulgences aux bienfaiteurs de l'église, et d'une autre lettre de l'évêque de Troyes, Jehan (Jean V d'Auxois) indiquant « comment il donne licence et mandement à tous arceprestres, déans ruraulz, curés, chappelains et autres ses subgiez de souffrir et laisser faire publier en leurs églises les dites indulgences. » (Donné l'an MCCCL.)

La Dédicace de l'église Saint-Urbain n'eut lieu qu'en 1389. Elle fut faite par l'évêque de Troyes, Pierre d'Arcis. Dans une lettre qu'il écrit à ce sujet, il accorde cent jours d'indulgence pour le jour de la Dédicace, et quarante jours pour chaque jour de l'Octave « à tous ceulz qui visiteront la dite église et feront bien à la fabrique d'icelle. »

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Le chapitre de Saint-Urbain était composé de douze chanoines, parmi lesquels trois dignitaires : le doyen, le chantre et le trésorier.

« Urbain IV, dit Desguerrois, avait dessein qu'en ce canonicat ne fussent que docteurs (1). » Il mourut sans avoir eu le temps de régulariser son œuvre.

(1) Desguerrois. La Saincteté chrestienne, folio verso 262.

Ce fut son successeur, Clément IV, qui fixa à douze le nombre des chanoines, et soumit le chapitre à la juridiction immédiate du Saint-Siége (1).

Après la mort d'Urbain IV, le cardinal Ancher de SaintPraxède entreprit de continuer ce que son oncle avait commencé, et prit en mains les intérêts de l'église et du chapitre de Saint-Urbain.

Son premier soin fut d'assurer aux chanoines des revenus qui leur permissent de vivre avec dignité, et soit par luimême, soit par l'entremise de procureurs nommés par le Pape à cet effet, il fit au profit de la collégiale de notables acquisitions, que nous détaillerons plus loin.

L'une d'elles amena un différend entre lui et le comte Henri-le-Gros.

Au mois de juin 1264, quelque temps avant la mort d'Urbain IV, Thibault V, roi de Navarre et comte de Champagne, avait vendu aux procureurs du Pape une maison, une grange et trois cents arpents de terre, sis au lieu dit Orient (2), moyennant la somme de 1,300 livres, avec exemption de toutes charges.

Cette vente avait été ratifiée le 10 des Calendes de février 1270, par Hugues de Brienne, lequel se déportait, dans l'acte, de tous les droits qu'il pouvait avoir sur cette

(1) Prædictam Sancti Urbani Sæcularem Ecclesiam in jus et proprietatem Beati Petri et prædictæ Sedis assumimus, et præsentis scripti privilegio Communimus, ab omni jurisdictione, potestate ac Dominio tam Episcopi Trecensis, et Archiepiscopi Senonensis, qui pro tempore fuerint, quam cujuslibet alterius prælati seu Ecclesiasticæ personæ, illam totaliter et perpetuo eximentes.... Duodenarium Canonicorum numerum cum Decano, Cantore, Thesaurario in Ecclesià prædictà præsentium authoritate statuimus.

(Bulle du 24 septembre 1265.)

(2) Courtalon fait erreur en disant que ce prince (Thibaut V) donna aux nouveaux chanoines les deux fiefs du Tronchet et de la Potole. Le Tronchet ne fut acquis qu'en l'année 1330, par messire Jacques de la Noüe, qui la donna à l'église Saint-Urbain en 1332.

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