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certain nombre d'autres caractères tirés, du reste, du squelette, en commençant par la colonne vertébrale (1).

Celle-ci présente chez l'homme une courbe sigmoïde, ou plutôt une double courbure. Dans la région du col, la courbe est en avant; elle est en arrière dans la région du dos; elle revient en avant dans la région lombaire. Chez les anthropoïdes, ce caractère de double incurvation va en diminuant, du gibbon au chimpanzé, puis à l'orang, puis au gorille (2), dont la colonne paraît presque tout entière concave, bien qu'en réalité elle ne le soit pas (3). On peut donc supposer que chez le primate précurseur de l'homme la courbure en S de la colonne vertébrale n'était pas très-fortement prononcée; cette hypothèse ne s'appuie pas seulement sur la moindre incurvation de la colonne des anthropoïdes, mais elle repose aussi sur cet autre fait que la colonne vertébrale du nègre est évidemment moins incurvée que celle du blanc (4).

Chez l'homme, les apophyses épineuses de la colonne vertébrale se dirigent obliquement de haut en bas (sauf la dernière) et les apophyses lombaires sont dirigées de bas en haut. Chez les singes inférieurs, cette disposition s'accentue plus ou moins, et l'on peut suivre chez eux la transition du quadrupède au bipède (5); chez les anthropoïdes, enfin, la disposition est celle de l'homme. Nous pouvons en conclure que c'était aussi celle du primate précurseur de l'homme.

Ce dernier n'avait pas plus que nous, pas plus que les anthropoïdes, d'apophyses styloïdes, mais il en présentait peut-être des vestiges plus fréquents. D'après M. Hamy, les rudiments de ces apophyses se présenteraient particulièrement dans les races humaines inférieures (6).

Il est peu probable, d'autre part, que l'ancêtre immédiat de l'homme ait eu un rudiment de queue plus considérable que celui

(1) Chudzinski et Julien, De la colonne vertébrale chez l'homme et les anthropoides (Assoc. française pour l'avancement des sciences. Clermont-Ferrand, 1876).

(2) Broca, Bulletins de la Soc. d'anthrop., 1869, p. 264.

(3) Huxley, De la place de l'homme dans la nature, p. 195.

cit., p. 264.

(4) Huxley, op. cit., p. 195. - Vogt, Leçons sur l'homme, p. 231.

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Broca, op.

dont le coccyx nous offre la trace chez l'homme, chez le gorille, chez le chimpanzé, et autres. Nous savons, en tous cas, que l'homme a une véritable queue sous-cutanée.

Il est vraisemblable, par contre, qu'il différait assez sensiblement de l'homme par le bassin. Chez lui, cette partie du squelette était moins large que chez nous et en même temps plus longue. C'est ce qui se présente chez les anthropoïdes. D'après M. Topinard, la largeur du bassin excède sa hauteur, chez l'homme, de 28 pour 100 en moyenne, chez les singes anthropoïdes, de 6 pour 100 en moyenne (1). Le gorille, ici, a la première place, puis vient l'orang (tous deux très-rapprochés de nous), puis le chimpanzé, puis le gibbon. Il faut observer, d'ailleurs, que le nègre africain le cède sous ce rapport à l'homme blanc et présente un bassin plus long, moins développé en largeur (2).

Le thorax, dont le squelette est constitué par le sternum en avant, par les côtes sur le flanc, par les vertèbres dorsales en arrière, est développé transversalement chez l'homme, et, au contraire, dans le sens longitudinal chez les animaux inférieurs. Cette disposition est essentiellement en rapport avec l'attitude bipède, et les anthropoïdes, bipèdes comme l'homme ainsi que nous le verrons tout à l'heure, ont la cavité thoracique beaucoup plus large que ne l'ont les singes inférieurs et autres quadrupèdes. Pourtant ils le cèdent à l'homme d'une façon notable. Il est vraisemblable que les races humaines inférieures ne se trouvent pas ici sur le même pied que les races supérieures, et il est tout aussi vraisemblable que le primate précurseur de l'homme se distinguait de ce dernier par l'allongement antéropostérieur de son thorax.

Chez trois anthropoïdes, le gorille, le chimpanzé, l'orang, le corps même du sternum (abstraction faite du manche de cet os et de son appendice xiphoïde) est composé de trois pièces. Chez le gibbon, comme chez l'homme adulte, le corps du sternum ne présente qu'une seule pièce; cette concordance laisse supposer qu'il en était de même pour l'ancêtre immédiat de l'homme.

(1) Assoc. française pour l'avancement des sciences, deuxième session, p. 562. Lille, 1874.

(2) Ibid., p. 565.-Verneau, Le bassin dans les sexes et dans les races, p. 137. Paris, 1875.

Ce primate était évidemment bipède et bimane, c'est-à-dire avait deux pieds et deux mains, comme l'homme, comme les anthropoïdes deux extrémités servant principalement à la marche, deux extrémités servant principalement à l'acte de la préhension. M. Broca a démontré, dans son mémoire sur l'Ordre des primates (Paris, 1869), que l'anatomie comparée permettait de suivre pas à pas les transformations graduelles qui établissent la transition entre le type du pied et celui de la main. Il a démontré facilement que « les anthropoïdes ont des mains qui ne sont que des mains, des mains dont la face palmaire ne devient jamais plantaire. » Nous pouvons dire d'une façon générale que les pieds du précurseur de l'homme étaient moins exclusivement adaptés à la station et à la marche, ses mains moins exclusivement adaptées à la préhension et au toucher, mais nous devons ajouter aussi qu'il ne s'agissait là que de différences peu considérables. Nous devons rappeler également que la main et le pied du nègre semblent moins accomplis que ceux du blanc, c'est-à-dire moins adaptés à un usage spécial et exclusif (1).

Les membres antérieurs de l'homme et des anthropoïdes se trouvent en état d'inversion par rapport aux membres postérieurs. Ce phénomène est dû, en partie, à la torsion de l'humerus, « os tordu sur son axe de 80 degrés (2) ». Quelle que soit l'exactitude de ce chiffre, il résulte de mesures prises comparativement sur des blancs, sur des nègres et sur des anthropoïdes, que l'angle de torsion est ouvert chez les premiers, moins ouvert chez les derniers, intermédiaire chez les nègres (3). Nous pouvons en conclure que cet angle était également moins fort chez l'ancêtre de l'homme que chez l'homme même.

La fosse olécrânienne qui existe vers l'extrémité inférieure et postérieure de l'humérus se présente parfois perforée. M. Broca a constaté la fréquence de ce fait dans les anciennes races de

(1) Darwin, La descendance de l'homme, t. I, p. 156. Hæckel, Histoire de la création des êtres organisés, p. 391. Bourgarel, Mémoires de la Soc. d'anthrop., t. II, p. 391. Simonot, Bulletins de la Soc. d'anthrop. de Paris, 1860, p. 500. Rochas, ibid., p. 395.-Bérenger-Féraud, Revue d'anthrop., t. IV, p. 469.

(2) Ch. Martins, Bulletins de la Soc. d'anthrop., 1868, p. 321.-Broca, ibid., 1869, p. 304.

(3) Topinard, Anthropologie, p. 81.

l'Europe occidentale (1). On le rencontre également dans diverses races actuelles, chez l'orang et le gorille, mais fort rarement chez le nègre, et il ne semble pas qu'il ait été moins rare qu'aujourd'hui dans le genre précurseur de l'homme.

De l'humérus descendons au cubitus, os interne de l'avantbras. Quelques cubitus appartenant à des races préhistoriques sont incurvés comme il arrive chez les anthropoïdes (2). L'ancêtre immédiat de l'homme présentait peut-être ce caractère, au moins dans quelques races.

Nous arrivons aux os longs de la jambe.

M. Broca a également démontré que les fémurs de la race préhistorique des Eyzies se rapprochaient de ceux des anthropomorphes par leur largeur. C'est là au moins un des caractères que l'on peut attribuer aux fémurs de nos ancêtres immédiats. La femme bochimane connue sous le nom de Vénus hottentote, et dont le squelette est au Muséum d'histoire naturelle, ne présente point de ligne âpre (Topinard). Ce fait, d'après Desmoulins, serait commun à tous les Bochimans : « La ligne âpre du fémur, dit cet auteur, qui termine une surface prismatique dans les autres hommes, n'existe pas, et le contour postérieur de cet os, au lieu d'offrir deux faces inclinées l'une sur l'autre, ne présente qu'une surface plano-convexe (3). »

Les tibias de nos ancêtres étaient vraisemblablement aplatis transversalement, en lame de sabre, comme les tibias de plusieurs races préhistoriques (4) et comme ceux des anthropomorphes. M. Broca a découvert une disposition analogue sur plusieurs nègres d'Afrique, M. Schaaffhausen sur des Australiens, et ce cas semble être également celui des Bochimans.

Ce qui frappe au premier coup d'œil dans la proportion des membres des anthropoïdes comparés aux membres de l'homme, c'est que les membres supérieurs des premiers sont plus longs que ceux de l'homme, et les membres inférieurs moins longs.

(1) Mémoires d'anthropologie, t. II, p. 366.

(2) Broca, ibid., p. 181.

(3) Histoire naturelle des races humaines, p. 303. Paris, 1826. (4) Ibid., p. 174, 181, 372.

Cette impression générale est exacte, mais son analyse est assez compliquée, selon que l'on compare la longueur des différents os à la taille même des sujets ou bien à la longueur des divers os longs. Il est constant, en tout cas, que les races inférieures de l'humanité occupent d'une façon générale, sous ce rapport, un degré plus bas que celui des races supérieures, un degré plus haut que celui des anthropoïdes (1). Il ne pouvait en être différemment de l'ancêtre immédiat de l'homme. Son radius devait être notablement plus long par rapport à son humérus qu'il ne l'est dans les différentes races humaines.

De l'ostéologie nous passons maintenant à la MYOLOGIE, à l'étude du système musculaire.

Dans sa note Sur la valeur des anomalies musculaires au point de vue de l'anthropologie zoologique (2), M. Pozzi a établi que chez l'homme les anomalies réversives concernent des muscles totalement étrangers au type humain normal, ou des muscles appartenant au type normal, mais modifiés et rapprochés d'un type inférieur. Nous ne passerons pas en revue toutes ces anomalies; il suffit qu'un certain nombre d'entre elles, parmi les plus importantes, attirent notre attention.

Ce que nous en connaissons peut nous faire supposer que chez l'ancêtre immédiat de l'homme les muscles de la nuque étaient plus puissants; que s'il existait un rudiment de crète verticale, les faisceaux du muscle temporal devaient y trouver une surface d'attache étendue (3); que le peaucier du cou était plus épais; que l'accessoire du long dorsal présentait vraisemblablement de plus fréquents vestiges qu'il ne le fait aujourd'hui ; que le fléchisseur du pouce était peut-être moins développé, moins puissant (4); que la musculature de la partie inférieure de la jambe était également moins développée ; que la présence d'un tendon digital du court péronier latéral (5) était probablement plus fréquente qu'elle

(1) Dally, Membres, Anthropologie et Proportions (Dictionnaire encyclopé dique des sciences médicales). — Humphry, A Treatise on the Human Skeleton. - Broca, Bulletins de la Soc. d'anthrop., 1862, p. 162; 1867, p. 641. Hamy, Revue d'anthrop., t. I, p. 79.

(2) Assoc. française pour l'avancement des sciences, troisième session, p. 581. Lille, 1874.

(3) Vogt, Leçons sur l'homme, p. 184.

(4) Dally, Bulletins de la Soc. d'anthrop., 1868, p. 696.

(5) S. Pozzi, ibid., 1872, p. 155.

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