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physes mastoïdes est une conséquence du développement des muscles qui s'y attachent et est en rapport avec la station droite, avec l'attitude bipède. Nous parlerons ci-dessous de cette dernière.

L'arcade du maxillaire supérieur est hyperbolique ou parabolique chez l'Européen, dit M. Topinard (1), en « upsilon » (U) ou elliptique chez le nègre. La forme en upsilon est celle que l'on rencontre chez les anthropomorphes. On peut admettre que l'arcade en question était assez variée chez nos ancêtres immédiats, mais la forme en upsilon devait chez eux être fréquente.

Dans son beau travail sur l'Ordre des primates (1869), M. Broca constate avec M. Hamy (2) que si l'os intermaxillaire possède chez les singes une apophyse montante qui paraît manquer chez l'homme, la disposition que l'on trouve chez ce dernier se rencontre également dans quelques espèces de singes. M. Hamy a même découvert sur de jeunes embryons humains la véritable apophyse montante dont il est question. En somme, « c'est seulement par l'époque de sa soudure que l'intermaxillaire de l'homme diffère réellement de celui des singes. » (Broca, op. cit.). Chez le gorille la soudure ne s'effectuerait pas avant la seconde dentition; chez l'orang elle est plus précoce; chez le chimpanzé elle est plus hâtive encore; chez l'homme enfin elle a lieu vers la fin du troisième mois de la vie intra-utérine. Nous pouvons supposer que chez l'ancêtre immédiat de l'homme elle était un peu plus tardive.

Quant au maxillaire inférieur, nous n'avons qu'à nous reporter à celui de la Naulette. Cet antique maxillaire humain est à peu de chose près une mâchoire simienne. C'est ce que M. Broca a démontré: « La saillie du menton est remplacée par une courbe fuyante; à la place des apophyses géni existe un trou profond infundibuliforme; le corps de la mâchoire est très-épais par rapport à sa hauteur; l'alvéole de la dent canine est très-large, trèsprofond; il fait saillie en avant, et ses dimensions considérables

(1) Op. cit., p. 280.

(2) L'os intermaxillaire de l'homme à l'état normal et à l'état pathologique. Paris, 1868.

contrastent avec celles des alvéoles voisins. L'inspection des alvéoles des grosses molaires prouve que le volume de ces dents allait en croissant d'avant en arrière, et en outre on aperçoit dans l'alvéole de la dent de sagesse cinq sillons correspondant à cinq racines, autre caractère moins important, puisqu'il s'observe quelquefois chez l'homme, mais qui constitue cependant une certaine ressemblance avec les singes. Enfin, quoique l'arcade alvéolaire soit incomplète et qu'on ne puisse pas déterminer d'une manière absolument rigoureuse la situation de la ligne médiane, il est certain que les deux moitiés de la courbe alvéolaire n'étaient pas divergentes; c'est tout au plus si on peut admettre qu'elles fussent parallèles, et il est très-probable qu'elles étaient convergentes, c'est-à-dire qu'elles décrivaient une courbe elliptique comme chez les singes (1). » Dans les premiers cahiers de leurs Crania ethnica, MM. de Quatrefages et Hamy ont rapproché de la mâchoire de la Naulette un certain nombre d'autres maxillaires préhistoriques qui présentent en partie, et à un degré plus ou moins frappant, les mêmes caractères. Il est évident, d'ailleurs, qu'on les rencontre également chez des individus appartenant aux races océaniennes, et ce dernier fait est, comme on le comprend, d'une importance considérable.

Le nombre des dents devait être le même; en effet, l'homme et les anthropomorphes ont l'un et l'autre à chaque maxillaire six molaires du fond, quatre prémolaires, deux canines, quatre incisives. Certains maxillaires préhistoriques et quelques maxillaires appartenant à des individus de races inférieures nous autorisent à admettre que chez l'ancêtre de l'homme la canine dépassait le niveau des autres dents, et qu'il y avait une lacune à côté de cette canine, absolument comme chez les anthropomorphes (2).

M. Magitot a démontré que chez le chimpanzé la canine apparaissait comme chez l'homme avant (et non après) la dernière molaire (3). L'évolution dentaire du précurseur de l'homme était évidemment celle qui se manifeste chez celui-ci et chez les anthropomorphes.

En ce qui concerne le volume relatif des molaires, M. Magitot a établi également qu'il n'y a pas lieu d'admettre la prétendue loi d'inversion d'après laquelle le volume des molaires irait en dé

(1) Congrès international d'anthrop., deuxième session, p. 397. Paris, 1868. (2) Vogt, op. cit., p. 195.

(3) Bulletins de la Soc. d'anthrop., 1869, p. 136.

croissant, chez l'homme, de la première à la dernière, et, au contraire, irait en croissant chez l'anthropoïde. « En effet, dit cet auteur, s'il est vrai que dans les races humaines les plus élevées les molaires ont un volume décroissant régulièrement, il est facile de constater que cette progression descendante se trouve déjà moins marquée chez le nègre; puis chez l'Australien et le Néo-Calédonien la progression est croissante. >> M. Magitot ajoute avec juste raison que cette dernière disposition est frappante sur la mâchoire préhistorique de la Naulette, dont nous avons déjà parlé ci-dessus (1). Cela nous indique assez ce que devait être le volume relatif des molaires chez l'ancêtre immédiat de l'homme.

La dent canine est très-forte chez le gorille et l'orang, beaucoup moins chez le chimpanzé; chez l'Australien elle est plus forte que dans les races blanches. Ici encore la série est nettement tracée.

Nous arrivons maintenant à parler de certains angles plus ou moins importants: angle facial, angle des axes visuels, angles auriculaires, etc.

M. Topinard a formulé de très-vives et très-rationnelles critiques contre toutes les espèces d'angle facial (2). Nous devons rappeler, cependant, que, comparant sous ce rapport un BasBreton, un Hottentot et un gorille mâle, il trouve, d'après la méthode de Geoffroy Saint-Hilaire, les chiffres respectifs de 68,5, 51 et 29; d'après la méthode de Cloquet, 72, 56 et 31; d'après celle de Jacquart, 85, 62,5 et 32; d'après celle de Camper, 81,5, 59 et 31,5. Cette progression régulière suffit à nous faire admettre que chez le primate précurseur de l'homme la boîte crânienne était placée moins en avant, c'est-à-dire moins au-dessus de la face, qu'elle ne l'est chez nous.

L'angle interorbitaire, c'est-à-dire l'angle (ouvert en avant) que forment les deux axes visuels et qui établit la divergence du regard, était vraisemblablement le même. Cet angle a été étudié tout particulièrement par M. Broca (3). Il est constant que la faculté de regarder droit en avant est un des premiers caractères

(1) Op. cit., 1869, p. 121.

(2) L'Anthropologie, p. 40.

Broca, Mémoires d'anthrop., t. II, p. 146.

(3) Bulletins de la Soc. d'anthrop. de Paris, 1873, p. 161.

de l'ordre des primates; toutefois, l'homme ne se trouve pas distingué ici des anthropoïdes d'une façon très-nette. Il arrive même en certains cas que l'anthropoïde présente un angle biorbitaire moins divergent que l'homme. On peut conjecturer que cet angle était approximativement de 45 degrés en moyenne.

On appelle angle alvéolo-condylien l'angle compris entre les deux plans que voici le plan alvéolo-condylien (passant par le bord médian de l'arcade alvéolaire supérieure et tangent à la face inférieure des condyles de l'occipital) et le plan des axes visuels. Chez l'homme cet angle est beaucoup moins considérable que chez les autres animaux, même que chez le singe anthropoïde. Il est probable (mais il n'est pas encore démontré) que chez le nègre l'angle alvéolo-condylien est plus grand que chez le blanc. La différence, en tout cas, ne peut être que minime, et il est vraisemblable que chez l'ancêtre immédiat de l'homme elle n'était pas très-importante.

Nous avons à parler ici de trois angles dont l'étude est corrélative: l'angle occipital de Daubenton, l'angle occipital de M. Broca et l'angle basilaire.

L'angle occipital de Daubenton a sa base au point médian postérieur du trou occipital. De ce point deux lignes droites sont tirées l'une est tangente au bord médian antérieur du point en question; l'autre est tangente au bord inférieur de l'orbite. M. Broca, se fondant sur ce que le plan du trou occipital peut remonter plus haut que le bord orbitaire, a proposé un second angle occipital. Les deux droites servant à le constituer sont : premièrement, la ligne droite tangente (comme ci-dessus) au bord postérieur et au bord antérieur du trou occipital; secondement, la ligne tirée du point médian postérieur de cet orifice et tangente à la racine du nez, au point nasal. L'angle basilaire est formé par l'intersection d'une droite tirée de la racine du nez au bord médian antérieur du trou occipital, et d'une autre droite tangente au bord antérieur et au bord postérieur de ce même trou. M. Broca a démontré que cet angle est plus avantageux que les deux précédents pour mesurer l'inclinaison du trou occipital (1).

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(1) Revue d'anthrop., t. II, p. 221. Augier et Julien, Sur les angles occipitaux et basilaire (Assoc. française pour l'avancement des sciences, troisième session, p. 366. Lille, 1874).

En fait, ces trois angles sont moindres chez l'homme que chez l'anthropoïde, et, dans les races humaines supérieures, ils sont moins considérables que dans les races inférieures. Chez les Auvergnats et les Bas-Bretons, l'angle basilaire est de 14 à 16 degrés; chez les Esquimaux, de 24; chez les Nubiens, de 26 et plus. Il est de 45,5 chez le chimpanzé adulte, de 55 chez l'orang.

« Le niveau occipital (ou plan du trou occipital), dit M. Broca (1), s'élève en moyenne chez le blanc jusqu'au milieu de la hauteur des fosses nasales antérieures; chez le nègre, il descend souvent au-dessous de l'épine nasale, et quelquefois au-dessous du point alvéolaire; chez les jeunes anthropoïdes, il descend à peine au-dessous de ce point et peut remonter au-dessus; chez les anthropoïdes adultes, enfin, il descend toujours bien au-dessous du menton. » Il est donc plus que vraisemblable que ce plan descendait beaucoup plus bas chez le précurseur de l'homme qu'il ne le fait chez l'homme actuel.

L'angle sphénoïdal tournit également une progression sériaire. Cet angle serait d'environ 135 degrés chez le blanc, de 145 chez le nègre, de 150 chez le chimpanzé. Il est intercepté par deux lignes droites, partant, l'une de la racine du nez, l'autre du bord médian antérieur du trou occipital, et aboutissant toutes deux au bord antérieur de la selle turcique (point sphénoïdal). Plus cet angle est ouvert, plus la face est projetée; moins il est ouvert, moins la face a d'importance par rapport à la boîte crânienne. Nous pouvons admettre que chez l'ancêtre de l'homme cet angle était plus ouvert qu'il ne l'est chez l'homme.

Le sommet des angles auriculaires est situé sur l'axe biauriculaire, au milieu de la ligne droite allant d'un trou auditif à l'autre. La comparaison de ces différents angles montre que la région frontale est plus développée chez le blanc que chez le nègre, et, à l'inverse, que la région occipitale est plus développée chez le nègre que chez le blanc (2). Qu'il ait été dolichocéphale ou brachycéphale, l'ancêtre de l'homme avait, sans aucun doute, un développement occipital assez considérable par rapport à son développement frontal.

Abandonnant ici les caractères crâniens, nous passons à un

(1) Bulletins de la Soc. d'anthrop., Paris, 1873, p. 81.

(2) Topinard, l'Anthropologie, p. 314.

REVUE D'ANTHROPOLOGIE, -T. VI. 1877.

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