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Les apophyses orbitaires externes étaient également fort développées. Nous en trouvons la preuve dans ce qui existe chez les anthropomorphes, chez certaines races humaines inférieures et dans quelques crânes préhistoriques, par exemple celui de Gibraltar (1).

Nous devons admettre aussi, nous fondant sur les caractères propres aux singes anthropomorphes et aux races humaines inférieures, que la face réclamait une importance toute particulière dans l'ensemble du crâne.

De l'os malaire nous n'avons qu'une chose à dire, c'est que, selon toute vraisemblance, il devait présenter plus souvent que chez l'homme actuel une anomalie assez intéressante. Cette anomalie, signalée déjà depuis longtemps, consiste dans la division horizontale de l'os malaire en deux parts, l'une supérieure, l'autre inférieure, et cela grâce à une suture persistante. M. Morselli y voit un phénomène de régression, de retour vers un type inférieur (2).

Au sujet du nez nous avons beaucoup plus à dire.

On sait que l'indice nasal, étudié particulièrement par M. Broca, est d'une grande importance dans l'étude comparée des races humaines. Cet indice est le rapport de la largeur maximum de l'orifice nasal à la hauteur maximum des os du nez (cette dernière étant prise de la suture naso-frontale jusqu'à l'épine nasale). Les Bochimans, les nègres d'Afrique, les Australiens sont placés par leur indice nasal très-élevé (58, 54, 53) parmi les races les plus platyrhiniennes; les Sémites et les Berbers, parmi les races les plus leptorhiniennes (indice de 45 environ). Quant aux anthropomorphes, leur indice nasal n'est vraiment considérable que dans le premier âge. Il diminue par la suite d'une façon notable, et cela, ainsi que l'a dit M. Broca, sous l'influence du développement énorme des orbites (3). Il n'en est pas moins vraisemblable que, parmi les races diverses des ancêtres immédiats des races humaines, plusieurs ont été caractérisées par un indice nasal très-élevé.

(1) Op. cit., t. II, p. 378.

(2) Sopra una rara anomalia dell' osso malare, 1874.

(3) Revue d'anthrop., t. I, p. 4.

« Les os propres du nez, dit d'autre part M. Broca (1), sont au nombre de deux chez tous les singes comme chez l'homme, mais ils ont plus ou moins de tendance à se fusionner en un seul. Chez l'homme blanc ils restent distincts jusqu'à un âge assez avancé; ils se soudent beaucoup plus tôt chez les Hottentots, où leur réunion est quelquefois complète dès l'âge de vingt à vingt-cinq ans. La soudure est beaucoup plus précoce encore chez les anthropoïdes. » Nous pouvons en conclure qu'elle était précoce également chez le primate dont nous cherchons à restituer les cara ctères.

C'est à tort que l'on a donné comme une caractéristique purement humaine la présence de l'épine nasale. M. Hamy a démontré que l'épine nasale manque chez certains hommes et qu'elle existe, au moins à l'état de vestige, chez quelques anthropomorphes (2). En principe, chez les nègres les plus prognathes l'épine nasale est à peine prononcée. Nous devons supposer par conséquent qu'il en était de même chez l'ancêtre immédiat de l'homme, et que, de plus, cette épine se bifurquait chez lui comme elle se bifurque chez les anthropomorphes et dans un certain nombre de crânes humains.

Arrivons aux orbites.

Il nous suffira de rappeler que le rapport de la hauteur orbitaire à la largeur orbitaire est fort élevé chez les anthropoïdes. L'indice orbitaire du gorille est de 98,6; celui du chimpanzé, de 99,6; celui de l'orang, de 113,3 (3). Chez l'homme, l'indice orbitaire est loin d'établir une série ascendante ou descendante dans les différentes races. C'est ainsi que M. Broca a trouvé un fort indice de plus de 92 chez une dizaine de Polynésiens, et qu'il n'a trouvé que des indices très-faibles de 81, de 80,5, de 80,4, de 79,3 sur des collections assez importantes de Cafres, de NéoCalédoniens, d'Australiens et de Tasmaniens. Les Chinois ont à peu près le même indice que les Polynésiens; les Esquimaux, que les Corses et les Auvergnats; les Croates, que les Bochimans; les Guanches, que les Tasmaniens. Dans cette confusion il est difficile de se prononcer sur ce que pouvait être l'indice orbitaire chez les ancêtres de l'homme.

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Par contre, l'indice céphalo-orbitaire (ou rapport de la capacité des orbites à la capacité crânienne) présente un caractère vraiment hiérarchique (1). La capacité crânienne est d'autant plus considérable relativement à la capacité orbitaire que l'on s'élève davantage dans la série; le nègre le cède au blanc, l'anthropoïde le cède au nègre. Nous devons en conclure que les primates précurseurs des races humaines leur cédaient également sous ce rapport.

Des arcades zygomatiques nous n'avons à dire qu'une chose assez générale, c'est que chez le nègre elles paraissent ne pas être toujours comprises (comme c'est le cas pour l'homme blanc) dans la moitié antérieure du crâne. Le fait peut être constaté sur des crânes examinés par leur base. En ceci les races inférieures se rapprocheraient des anthropoïdes, chez lesquels les arcades zygomatiques pénètrent fort avant dans la partie postérieure du crâne (2).

Dans le crâne humain, pris d'une façon générale, nous voyons que la partie antérieure et inférieure du pariétal s'articule avec la partie supérieure de la grande aile du sphénoïde. La suture qui relie ces deux os est approximativement horizontale et est longue, très-souvent, de 2 centimètres. A une des extrémités de cette suture se trouve l'os frontal (s'articulant d'un côté au pariétal, de l'autre à la grande aile du sphénoïde), et à l'autre extrémité de cette même suture se trouve l'écaille temporale (s'articulant aussi au pariétal et à la grande aile du sphénoïde). La suture d'environ 2 centimètres qui relie le pariétal au sphénoïde, sépare donc l'un de l'autre le temporal et le frontal. M. Broca donne à cette région le nom de ptérion (3). Dans le cas ordinaire (celui que nous venons de décrire) le ptérion est dit « ptérion en H ». En effet, la suture en question figure la barre transverse de cette lettre; au-dessus se trouve la base antérieure du pariétal; au-dessous se trouve la partie supérieure de la grande aile du sphénoïde; enfin, en dehors des barres perpendiculaires de cette même lettre, se trouvent d'un côté l'écaille du temporal, de

(1) Mantegazza, Archivio per l'antropologia. Florence, 1871.

(2) Vogt, Leçons sur l'homme, p. 183.

(3) Mém. de la Soc. d'anthrop., 2o série, t. II, p. 23.

l'autre le frontal. Ce cas est le cas ordinaire, disons-nous; mais dans un certain nombre de crânes, appartenant presque tous aux races les plus basses de l'humanité, il arrive que la suture dont il s'agit est réduite à zéro, et que les quatre os susnommés s'articulent tous ensemble en un seul et même point. Ici le ptérion est dit « ptérion en X », et il affecte assez bien la forme de cette lettre. Ce n'est pas tout. Il peut se produire, et il se produit parfois dans les races inférieures un autre cas. La suture n'est plus horizontale (—), elle est verticale ( | ). Ici c'est le pariétal et le sphénoïde qui se trouvent disjoints, tandis que l'occipital et le frontal se trouvent unis. On peut figurer ce phénomène en accollant par leur pied deux Y placés verticalement l'un au-dessus de l'autre, celui du haut posé normalement, celui du bas, au contraire, renversé et présentant à l'envers sa bifurcation. C'est le « ptérion retourné », celui qui se présente normalement chez les singes, et parfois, ainsi que nous l'avons dit, dans les crânes de races inférieures. On ne saurait douter que chez l'ancêtre immédiat de l'homme les cas de ptérions en X et de ptérions retournés n'aient dû être assez fréquents.

La place du trou auriculaire devait être plus reculée qu'elle ne l'est chez l'homme. C'est ce qui se passe chez les anthropomorphes, et ce fait est d'ailleurs en connexion intime avec le plus ou moins de développement postérieur des arcs zygomatiques dont nous avons parlé ci-dessus.

Les projections antérieure et postérieure du crâne sont loin d'être identiques dans les différentes races humaines. Chez le nègre la projection antérieure est plus grande que chez le blanc. Prises à partir du bord antérieur du trou occipital, les deux projections sont à peu de chose près égales chez l'Européen, tandis que chez le nègre il existe une différence de plus de neuf centièmes au profit de la projection antérieure. Ici encore le nègre se rapproche des anthropomorphes. Nous devons supposer que chez son précurseur ce caractère d'infériorité était encore plus marqué.

Nous nous trouvons amenés tout naturellement à parler ici du prognathisme. Il s'agit du prognathisme dans son ensemble, dans la plus large acception du mot, c'est-à-dire de la projection de

toute la partie de la tête qui commence à l'intervalle interorbitaire. Il est constant que l'indice du prognathisme s'élève à mesure que l'on examine des crânes appartenant à des races inférieures. Tandis, par exemple, que les races blanches occupent ici le haut de l'échelle, les Néo-Calédoniens, les Cafres, les nègres de la côte africaine occidentale, les Bochimans, les Australiens en occupent les derniers degrés, et les anthropomorphes leur cèdent à leur tour. M. Topinard considère le prognathisme alvéolosous-nasal (celui qui intéresse la portion du maxillaire placée audessous de l'épine nasale, et, en même temps, la région dans laquelle se trouvent creusés les alvéoles) comme l'un des meilleurs caractères de la craniométrie (1), et nous pouvons supposer que chez l'ancêtre de l'homme ce caractère indiquait un état inférieur à l'état actuel.

De la face nous passons à l'occiput.

La protuberance occipitale externe est beaucoup plus forte, en moyenne, chez les Européens qu'elle ne l'est chez les nègres. Certains crânes préhistoriques l'ont fort peu développée, et il est vraisemblable que les ancêtres des races humaines se rapprochaient assez, en ceci, de l'état que nous constatons chez les nègres,

Le trou occipital est situé chez l'Européen à distance égale de l'extrémité antérieure et de l'extrémité postérieure du crâne. Chez le nègre il est placé sensiblement plus en arrière; chez l'anthropoïde, plus en arrière encore. Cela nous laisse entendre que chez le primate précurseur de l'homme le trou occipital était placé plutôt en arrière du point médian de la base du crâne que sur ce point médian même.

Nous parlerons un peu plus loin du caractère important tiré du plan de l'ouverture occipitale.

Les apophyses mastoïdes de l'anthropoïde sont beaucoup moins développées que celles de l'homme. Chez l'ancêtre de ce dernier elles ne devaient pas être fort volumineuses. Comme le dit M. Topinard dans son manuel d'anthropologie (et cette opinion est également celle de M. Schaaffhausen), le développement des apo

(1) Association française pour l'avancement des sciences, première session, p. 695. Bordeaux, 1872.- L'Anthropologie, p. 305.

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