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difficulté s'est offerte à lui, dans une étude qu'il faisait des mesures du bassin.

Ainsi donc, ce que l'observateur doit rechercher, c'est la moyenne typique de chaque attribut. S'élever à une synthèse plus générale, c'est quitter le terrain de la sage observation. On s'expose à des résultats sans harmonie, et souvent même monstrueux.

Après avoir expliqué pour quelles raisons les mesurages successifs d'une même grandeur viennent se grouper régulièrement autour de la moyenne, M. Bertillon étudie des cas où la courbe de probabilité ainsi obtenue manque au contraire de symétrie; le plus souvent, elle est alors fournie par une collectivité factice.

Un point sur lequel il nous paraît important d'insister dans une revue d'anthropologie, c'est la différence qui existe entre une moyenne et un résultat moyen.

Expliquons d'abord de quoi il s'agit. Pour obtenir par exemple l'indice céphalique moyen d'une série de crânes, la théorie indique qu'il faut diviser successivement la largeur de chaque crâne par sa longueur; puis prendre la moyenne de ces différents indices. Beaucoup d'auteurs, même les plus justement illustres, croient pouvoir se contenter d'additionner ensemble les largeurs des crânes, puis d'additionner leurs longueurs et de diviser ces deux sommes l'une par l'autre.

Cette dernière méthode est évidemment plus rapide que l'autre, mais elle donne presque toujours des résultats erronés; dans la plupart des cas le chiffre ainsi obtenu est un peu inférieur à la moyenne vraie.

Le craniologiste ne devra donc jamais se permettre une économie de temps si mal entendue. Quant au démographe, les documents dont il se sert ne sont jamais assez exacts pour qu'il ait à se préoccuper d'une erreur qui en somme n'est jamais bien considérable.

Reste enfin un point à examiner: on sait que la certitude d'une moyenne dépend surtout du nombre des observations sur lesquelles elle repose (cette certitude est proportionnelle à la racine carrée du nombre des observations). Mais quand ce nombre est-il suffisant? Les probabilistes ont souvent agité cette question, mais ce qui se dégage le mieux de leurs savants calculs, c'est que le meilleur guide en cette matière est encore l'expérience. Une moyenne est-elle constante, se reproduit-elle à peu près dans plusieurs séries de faits; la mise en série des mensurations donnet-elle lieu à des courbes régulières et harmoniques, on peut affirmer sans crainte qu'elle est bonne et qu'elle repose sur un nombre suffisant d'observations. JACQUES BERTILLON.

II
revue suédoise.

Revue d'anthropologie, publiée par la Société d'anthropologie de Stockholm (Tidskrift för anthropologi och Kulturhistoria, utgifven af antropologiska Sællskapet i Stockholm, t. I, fasc. 1 et 2. Stockholm, in-8°, 1875-1876).

La Société d'anthropologie de Stockholm a été fondée dans cette ville le 15 mars 1873, ainsi que nous l'avons déjà fait connaître à nos lecteurs,

On sait quelles ressources précieuses offre la Scandinavie aux personnes qui se livrent aux études préhistoriques : les musées et les collections ont été vivement enrichis d'objets précieux de comparaison, et la sollicitude éclairée des gouvernements et des savants a puissamment contribué à la vulgarisation de ces mêmes études. Depuis longtemps un certain nombre de revues et de périodiques ont ouvert leurs colonnes aux travaux anthropologiques, et la Société de Stockholm devait aisément rencontrer des adhérents; aussi le nombre de ses membres titulaires est-il déjà de cinquante. Elle se réunit à peu près tous les mois, et a publié deux fascicules d'une revue qui présente pour nous un grand intérêt. Chaque fascicule contient cinq ou six mémoires originaux, en suédois, un extrait des procèsverbaux des séances, également en suédois, avec une traduction en français de ces derniers. Il est donc assez facile de se rendre compte de la valeur des matériaux insérés dans ce recueil illustré par un nombre suffisant de dessins et de figures. L'on ne peut que regretter la concision des procès-verbaux, qui, soit en suédois, soit en français, ne donnent parfois que le titre et la conclusion des communications faites dans les séances de la Société. Les opinions de travailleurs tels que MM. Hildebrand, Montelius, G. Retzius, Torell, Von Düben, Stolpe, Lovén, etc., les discussions auxquelles ils prennent part ne laisseraient point indifférents leurs collègues des pays voisins.

Le premier fascicule de la Revue d'anthropologie suédoise contient les statuts (stadgare) de la nouvelle Société. Vient ensuite une note de M. le professeur C. Lovén sur les Akkas. La communication n'avait pas d'autre but que de donner à la Société suédoise quelques renseignements sur les deux sujets du voyageur Miani. L'auteur commet à son insu une légère erreur en supposant que les Akkas sont un présent du khédive à Victor-Emmanuel, Miani les avait reçus d'un des chefs de l'Afrique centrale.

Dans le mémoire qui suit, M. Retzius s'est proposé d'examiner quel était l'état actuel de la craniologie appliquée à l'étude des caractères des races humaines (Hvad har studiet af menniskarasernas huf vudskaulsbildning hittils utrættat, etc.). Son travail est surtout destiné à servir d'instructions craniologiques aux lecteurs suédois. Il y expose successivement les angles de Daubenton, de Camper, rappelle les idées de Blumenbach, de Retzius et ce qu'il faut entendre par brachycéphalie et dolichocéphalie, étudie enfin les divers systèmes de mensuration des craniologistes modernes, Broca, Virchow, Ecker, Lucæ, de Baer, Weisbach, Mantegazza, etc.

Dans le mémoire no 4 de M. de Montelius, Des divers types des haches en pierre suédoises (De svenska flintyxornas olika typer, Ett bidrag), contribution à l'étude des divisions de l'âge de la pierre scandinave, l'auteur pense que la plus grande partie des spécimens de cet âge archéologique, se trouvant dans le nord de l'Europe, alors qu'ils sont en petite quantité dans les autres contrées, l'on doit conclure à un développement sur place, dans le Nord même, de cette industrie particulière. Il appuie son opinion sur les types variés trouvés en Suède.

Le même auteur a publié dans le même fascicule une bibliographie anthropologique spéciale à la Scandinavie pour les années 1873 et 1874. Nous lui avons déjà fait des emprunts et nous lui emprunterons encore.

Dans le mémoire n° 7 (deuxième fascicule), M. le professeur Axel Jæderholm donne un rapport sur les frères jumeaux siamois et autres monstruosités doubles humaines (Om de siamesiske tvillingarna och andra dubbelbildningar af menniskor). Le mémoire n° 8 de M. Christian Lovén est consacré à l'étude d'un crâne brachycéphale de la grotte du Crocodile près Maabdeh, en Egypte. Ce crâne a été rapporté par lui-même en 1858. Il se trouvait placé avec des momies de crocodiles grands et petits enfouis dans cette grotte et n'offre guère de ressemblance avec les crânes des momies égyptiennes que l'on a pu étudier jusqu'à ce jour. L'auteur le considère comme étant le spécimen crânien d'un peuple brachycéphale de l'Asie. L'âge de la grotte ou plutôt des terrains qui la constituent étant inconnu, il ne lui paraît pas possible d'indiquer à quelle période de l'histoire de l'Egypte appartient ce crâne.

Le mémoire n° 9, de MM. C. Lovén, E. Nordenson et E. Retzius, est sans contredit l'un des plus importants du recueil. Il s'agit d'une contribution à l'étude des caractères de la race finnoise (Till Kænnedomen om de finska folkstammaanes raskarakterer, Bidrag, etc.). Au point de vue historique, M. Retzius fait connaître que l'immigration des Finnois dans la Suède moyenne a eu lieu à diverses reprises pendant près d'un siècle (de la moitié du seizième jusqu'à la moitié du dix-septième), par suite des efforts du gouvernement de peupler les forêts désertes du Vermland. C'est dans cette partie de la Suède et dans les parties avoisinantes de la Norwége que se sont fixés les Finnois qui arrivaient surtout de Savolax et de la Carélie. Jusqu'à ces dernières années le peuple immigré s'est tenu complétement séparé des populations suédoise et norwégienne, et les particularités de race, de langue et de mœurs se sont conservées intactes. Mais l'on remarque aujourd'hui que les Finnois ne paraissent plus attacher d'importance à leur nationalité d'origine. La langue finnoise est déjà éteinte dans quelques parties du pays habitées par eux, tout au plus quelques noms de localité sont-ils restés finnois ainsi qu'un petit nombre de mots, dont les représentants actuels de ce peuple connaissent à peine la signification. Dans d'autres villages, les Finnois ont conservé leur langue, mais ils parlent avec les voyageurs soit le suédois, soit le norwégien. La Kantele, instrument à cordes spécial au peuple finnois, a disparu, ainsi que leur tente (Kauta) si caractéristique. Les caractères physiques, qui, on le sait, demeurent beau coup plus longtemps que les autres, persistent encore, mais ils finiront sans doute par disparaître, et c'est là un exemple de plus, ajoute l'auteur, d'un peuple qui s'était conservé intact, au milieu de ses conquérants, en dépit de traitements rigoureux et souvent injustes dont il était l'objet et qui, sous l'influence de lois plus douces, va être absorbé par les deux peuples qui l'environnent. Les auteurs ont fait suivre le résumé de leur voyage de tableaux de mensuration d'hommes et femmes adultes tavastlandais et karéliens, mais malheureusement ils ne se servent pas des mêmes points de repères que les anthropologistes français. Nous nous bornerons donc à dire que dans les quatre groupes formés de 26 hommes et 31 femmes de Tavastland, et de 28 hommes et 7 femmes de Karélie, les indices céphaliques moyens sont les suivants : 81.6, 82.5, 80.9 et 80.5 et les tailles moyennes de 1672, 1551, 1719 et 1569. Ce sont des chiffres de sous-dolichocéphalie

d'une part et des tailles au-dessus de la moyenne, plutôt grandes, de l'autre.

Nous ajouterons qu'il existe des différences notables entre le type tavastlandais et le karélien. Le premier a la face large, le nez court presque épaté, la bouche grande, la taille au-dessus de la moyenne; les cheveux sont plats, droits, blonds ou couleur lin, le plus généralement les yeux sont clairs-gris-bleu; les mélanges paraissent avoir laissé des traces plus considérables chez le Tavastlandais que chez le Karélien. Celui-ci présente, au contraire, une figure allongée, le nez est droit, aquilin, la bouche bien proportionnée, la taille grande, les cheveux épais, frisés ou bouclés, sont plus foncés, les yeux aussi et l'ensemble du type est plus régulier. Nous reviendrons sur ce document, dans un travail d'ensemble sur le sujet.

Le mémoire n° 10, de M. Hjalmar Stolpe, sur ses fouilles des sépultures de Björko (Grafundersökningar pa Björkö) offre aussi un grand intérêt. Ceux de nos lecteurs qui ont fait partie du congrès de Stockholm de 1874 n'ont pas oublié l'excursion à l'île Björko. Sur une étendue considérable connue aujourd'hui sous le nom de Terre noire, le sol contient une grande quantité de débris d'ossements d'animaux et de débris de repas, non loin d'un champ funéraire qui contient plusieurs centaines de petits tumulus. Deux modes d'inhumation ont été trouvés là, mélangés : la crémation et l'inhumation en cercueil de bois. Or, la crémation est pour le pays la cou tume la plus commune au dernier âge du fer. Quant à l'autre mode de sépulture, le cercueil était descendu dans une petite fosse peu profonde recouverte d'un petit tumulus. M. Stolpe a trouvé là des squelettes bien conservés avec des objets précieux, monnaies coufiques, fragments de bracelets, de parures, d'objets divers. M. Stolpe a compté déjà plus de deux mille tumulus.

Parmi les communications qui figurent aux bulletins des séances, nous citerons celle de M. Montelius sur l'analogie qui existe entre les objets d'antiquités austro-hongroises et les antiquités scandinaves quant à l'âge du bronze, analogie qui lui permet de déduire quelques traces d'origine; celle de M. Torell sur les anciennes barques trouvées dans les tourbières; celle de M. Broberg sur l'histoire des superstitions qui existent encore en Suède; celle de M. Montelius sur les sculptures des rochers de la Scandinavie; celle de M. H. Hildebrand sur quelques trouvailles de l'âge de la pierre faites en Grèce; celle de M. G. de Wylder sur les Boschjesmans (Buschmen) et les Hottentots, etc. Mais ces diverses communications sont rédigées d'une manière trop sommaire dans le Bulletin pour que les personnes qui ne les ont pas entendues puissent en tirer parti. M. Retzius a promis, entre autres choses désirables, l'étude craniologique d'une série de crânes caraïbes (?) adressés de Porto-Rico par M. Hjalmarson, crânes qui, à part leur intérêt ethnologique réel (ils appartiendraient ou à l'une des tribus indiennes qui habitaient le pays avant la découverte de l'Amérique, ou même à la race qui a précédé les Caraïbes aux Antilles), présenteraient les traces évidentes « d'une maladie terrible dont l'histoire est encore si obscure ». Si l'auteur a voulu parler de la syphilis, il n'y avait aucun inconvénient à l'insérer dans le Bulletin, les revues anthropologiques étant obligées de réserver une place à la pathologie. A. DUREAU.

III

REVUE NÉERLANDAISE.

Elude sur vingt-neuf crânes d'Amsterdam, par le docteur Sasse, in Journal néerlandais de médecine. Année 1871.

Ces crânes proviennent des habitants de deux couvents, l'un de moines, l'autre de religieuses, qui furent, à Amsterdam, enterrés de l'an 1400 jusqu'à 1596. J'avais cru ne pas devoir mentionner cette étude dans cette Revue, parce que le nombre des crânes examinés m'avait paru un peu trop restreint pour une ville aussi grande, et que je n'étais pas sûr du lieu de naissance de ceux dont les crânes exhumés figuraient comme amsterdamois. Prié de donner un extrait de cette étude, je renvoie à mon travail sur les crânes néerlandais (Revue d'anthropologie, 1876, no 3, p. 405), dans lequel les crânes du village de Rijp, situé près d'Amsterdam, sont indiqués comme offrant sous plusieurs rapports beaucoup d'analogie avec ces crânes amsterdamois. D'où il paraît résulter qu'il y a bien lieu de croire que ces crânes proviennent en grande partie au moins d'Amsterdamois.

Sur 11 de ces 29 crânes d'Amsterdam je remarquai en premier lieu la petite dépression, en forme de gouttière, dans la partie postérieure de la suture sagittale, que j'avais découverte dans plusieurs de mes crânes rijpiens. J'avais antérieurement déjà remarqué cette particularité chez mes crânes de Geertruidenberg et je me souviens encore du plaisir que j'eus, quelque temps après avoir reçu ces crânes, d'entendre raconter qu'une personne vivante chez laquelle j'avais observé ladite dépression sagittale, était originaire de la partie occidentale de la province de nordBrabant. Depuis je retrouvai la même particularité sur les crânes d'Amsterdam et sur quelques-uns des crànes rijpiens, ce qui est digne de remarque, si l'on se souvient que la dépression sagittale a été déjà décrite par M. Pruner-Bey sur le premier crâne du Trou-du-Frontal dans ces termes : « Une rigole profonde et large existe vers le tiers postérieur de cette suture »> [sagittale] (Mém. Acad. roy. de Belgique, t. XIX, 1867). Une dépression post-coronale a été trouvée sur 10 des crânes, dont 6 présentaient en même temps la dépression sagittale. La dépression post-coronale était si fortement accusée chez l'un de ces crânes qu'on aurait pu le nommer une tête bilobée. Qu'on me permette de remarquer que j'ai vu l'un de ces jours un enfant à tête bilobée, qui présentait cette particularité de croissance comme son père et comme les quatre fils d'un frère du dernier. On m'a assuré que deux filles, sœurs des quatre fils, n'avaient pas la tête davantage bilobée, que la sœur de l'enfant que je visitai moimême. Celle-ci en effet n'a qu'une faible dépression post-coronale.

Cinq crânes présentent une suture coronale dont une faible trace se retrouve chez un sixième près de la racine du nez.

Un seul crâne possède une légère carène le long de la suture sagittale; quatre autres en présentent une sur l'os frontal.

Il y a rétrécissement vers l'occiput dans dix cas, tandis que l'écaille occipitale sort du plan général du crâne 6 fois.

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