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inférieur à celui que donnent les chimpanzés nouveau-nés. Après la naissance, et pendant toute la première année, l'enfant ne marche pas encore, il apprend seulement peu à peu à dresser la tête, et il en résulte une modification légère qui ramène l'angle à zéro. Mais à un an, la scène change tout à coup. L'enfant commence à marcher; il prend rang parmi les bipèdes. A partir de ce moment l'angle est toujours négatif, et il parvient très-promptement à son état définitif. Pour savoir à quel âge précis cet état définitif est acquis, il faudrait des matériaux plus nombreux que ceux dont j'ai pu disposer; mais j'ai lieu de croire qu'après quatre ans, l'angle orbito-occipital ne change plus. Quoi qu'il en soit, cet angle qui, chez les Parisiens adultes, est de 18°,20, est de 18°,00 chez nos 11 enfants de dix à quinze ans, de · 19°,13 chez nos enfants d'un à huit ans, et comme des différences de 1 degré n'ont aucune signification dans des statistiques aussi courtes, on peut dire que l'âge, en soi, n'exerce aucune influence sur l'angle w. Il y a un certain type fœtal, à angle positif, et un type de bipède à angle négatif, -et ce second type, qui diffère d'environ 21 degrés du type foetal, le remplace rapidement au moment où l'enfant prend l'attitude bipède.

Il ne faut pas toutefois se hâter d'en conclure que l'angle orbitooccipital n'obéisse qu'à cette seule influence de l'attitude. L'étude des microcéphales va nous montrer qu'il peut être modifié en outre par les conditions qui nuisent à la croissance du crâne.

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2° L'angle orbito-occipital chez les microcéphales. J'ai décrit sous le nom de demi-microcéphales certains individus plus ou moins idiots, ou plutôt imbéciles, dont le crâne, assez bien conformé, ne diffère d'un crâne normal que par sa petitesse. J'ai donné ailleurs (1) les caractères craniométriques de ces crânes. Le musée de l'Institut anthropologique en possède dix qui proviennent de la grande collection Esquirol; tous ont été recueillis à Paris; c'est donc avec les crânes des Parisiens modernes qu'il convient de les comparer.

La série étant très-courte, il n'est pas étonnant que le minimum de 26 degrés reste à 3 degrés au-dessous du minimum observé chez les Parisiens, mais il est digne de remarque que deux de ces crânes, sur dix, donnent les chiffres de 3 et 6,

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(1) Broca, Instructions craniologiques et craniométriques. Dans Mém, de la Soc. d'anthrop., 2o série, t. II, p. 148.

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et dépassent par conséquent dans ce sens la limite reconnue sur les 55 crânes de la série normale. (Voir, à la fin du mémoire, le tableau no 3.) En outre, la moyenne de -13°,58 reste à près de 5 degrés au-dessous de la moyenne parisienne. Ainsi, lorsque l'accroissement du crâne est insuffisant, l'angle reste un peu plus rapproché de l'état foetal qu'il ne l'est ordinairement. Chez les vrais microcéphales, l'accroissement du crâne n'est pas seulement entravé, il est surtout altéré; le cerveau n'est pas seulement plus petit, il est tératologique, et toutes les proportions du crâne et de la face sont perturbées. Mais, quoique cette dysharmonie soit déjà quelquefois apparente au moment de la naissance (1), elle ne s'aggrave que plus tard, et ne cesse de faire des progrès qu'après l'époque de la soudure basilaire.

Les enfants microcéphales, comme les autres enfants, subissent les effets de la station bipède lorsqu'ils commencent à marcher. Sur trois de ces crânes que j'ai étudiés, la moyenne de l'angle a été de- 15°,5 avec un maximum de- 5°,5, et un minimum de- 21. L'un des sujets est une négresse âgée de seize ans, mais encore tout enfantine par les formes (2); c'est elle qui a donné le maximum de -5°,5, peu différent de la moyenne normale des nègres. Les deux autres sont âgés de deux ans et demi et de huit ans; leur angle est de 20 degrés et de 21 degrés, et peu différent de la moyenne normale des Parisiens. L'angle w de ces enfants microcéphales peut donc être considéré comme normal.

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Mais sur nos microcéphales adultes qui sont tous Européens et qui sont au nombre de cinq, les résultats ont été bien différents (tableau no 3). Voici les chiffres par ordre de décroissance : 10 degrés, +4 degrés, 2o,5, +1 degré, 4°,5. La moyenne est donc de 2o,6. C'est la seule moyenne humaine qui soit positive. Or, il est extrêmement probable que ces microcéphales, dans leur enfance, avaient, comme les précédents, un angle négatif et à peu près normal; ce n'est donc pas par la persistance de l'état foetal, ce n'est pas par arrêt de déve

(1) Voyez, Bull. de la Soc. d'anthrop., 1875, p. 541, et 1876, p. 85, l'observation d'un cas de microcéphalie que j'ai constaté sur une fille de trois mois et demi.

(2) Nous possédons le squelette entier, qui nous a été donné par M. Baillarger.

loppement, qu'ils se sont séparés du type humain, et ce caractère en quelque sorte régressif ne peut être attribué qu'à l'irrégularité du développement de la tête et à la prédominance de la face sur le crâne, qui s'est produite à l'approche de l'âge adulte.

Il sera intéressant de rapprocher ces faits de ceux que nous signalerons plus loin, en parlant de l'angle orbito-occipital des singes.

3o Influence du sexe. - Cette influence m'a paru sans aucune signification. Elle est loin d'être nulle, car j'ai constaté, dans certaines séries, même nombreuses, des différences sexuelles de 3 et de 4 degrés; mais la différence est tantôt en faveur des hommes, tantôt en faveur des femmes, et elle est quelquefois à peu près nulle.

4° Influence de la race. Le tableau no 3, à la fin du mémoire, renferme tous les faits qui se rattachent à cette question. Je n'aurai donc à présenter ici qu'un assez petit nombre de remarques.

On trouvera dans ce tableau, pour chaque série, deux maxima, deux minima, et la moyenne. L'ordination des séries n'a pas été faite exclusivement d'après les chiffres des moyennes. J'ai ramené les séries aux trois grands types caucasique, mongolique et éthiopique, et je n'ai suivi l'ordre des chiffres de l'angle que dans le classement de chaque groupe en particulier. J'ai cru devoir séparer du groupe mongolique les Esquimaux, qui me paraissent constituer dans l'humanité un type spécial. Ce n'est pas ici le lieu de justifier cette appréciation, qui reposait déjà sur l'étude d'un grand nombre de caractères, et qui se trouve confirmée aujourd'hui par celle de l'angle orbito-occipital. On verra en effet sur ce tableau que la série des Esquimaux est celle qui a donné la moyenne la plus rapprochée de zéro.

Entre la moyenne de 20°,2, donnée par la trop courte série des Croates, et celle-3°,0, donnée par les Esquimaux, il existe un écart de 17 degrés, et ce caractère est par conséquent un de ceux qui peuvent être utilisés dans la description des races humaines, sinon dans leur classification. Sous le rapport hiérarchique, l'angle w n'a qu'une valeur assez limitée. Ne parlant ici que des moyennes, qui sont toutes négatives, je pourrai ne considérer que l'ouverture de l'angle, et qualifier de grands les angles exprimés par les chiffres les plus forts. D'une manière

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générale, l'angle est plus grand dans les races caucasiques que dans les races mongoliques et éthiopiques; mais ces deux derniers groupes forment deux échelles à peu près parallèles, allant de 15 à-5 degrés pour les races du type mongolique, de-14 à 6 degrés pour les races du type éthiopique. Les Tasmaniens et les Australiens passent avant les nègres d'Afrique, ce qui est peu conforme aux autres données; les Polynésiens se trouvent au-dessous des nègres; enfin les quatre séries du rameau araméen des races caucasiques (Arabes, Egyptiens, Kabyles, Guanches) se trouvent au-dessous des Mexicains, et même des Tasmaniens. Ce caractère n'est donc pas hiérarchique. Mais il établit certains rapprochements qui ne sont pas sans intérêt, et par exemple le groupe araméen dont je viens de parler, donne des moyennes comprises entre - 10°,1 et -12°,8, tandis que dans toutes les séries caucasiques de l'Europe moderne, les moyennes sont comprises entre - 14o,1 et -20°,2. Les deux rameaux du groupe caucasique se trouvent par là nettement séparés. Un autre fait digne de remarque, c'est que, sur 316 crânes modernes de l'Europe, il n'y en a pas un seul où l'angle soit moindre que - 5 degrés, tandis que dans la série cinq fois moins nombreuse des crânes du rameau araméen il y a quatre cas où il descend au-dessous de 2 degrés, et même une fois jusqu'à zéro.

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Somme toute, ce caractère n'a qu'une portée ethnologique assez restreinte. Il établit une différence entre les races modernes de l'Europe et les autres races humaines, mais voilà tout, et cette différence s'atténue même beaucoup si l'on considère nos races préhistoriques. J'ai inscrit sur le tableau n 3°, dans le cinquième groupe, quatre séries françaises préhistoriques. Les trois premières, relatives à l'époque paléolithique et à l'époque néolithique, donnent un angle compris entre 13°,9 et 17°,9 et à peine différent de celui de nos races modernes. Mais la série des Gaulois du premier âge du fer ne donnent plus qu'un angle moyen de-9 degrés, et la valeur ethnologique de l'angle orbito-occipital est trop peu certaine pour qu'il y ait lieu de chercher la cause de cette particularité.

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5° Etendue des variations de l'angle orbito-occipital chez l'homme. Le plus grand chiffre négatif, c'est-à-dire le vrai minimum de l'angle orbito-occipital, s'est présenté chez une femme, n° 36 de la série des Basques espagnols; ce chiffre s'est élevé chez elle à

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-39 degrés; viennent ensuite un Auvergnat à-35 degrés, une femme basque à-34 degrés, et enfin six autres crânes d'Europe entre 30 et 34 degrés; en tout huit cas où le chiffre a atteint ou dépassé 30 degrés. Dans trois de ces cas, le crâne était platybasique, et quoique cette déformation coïncide fréquemment avec une inclinaison moyenne du trou occipital, elle est évidemment de nature à relever le basion et à exagérer l'angle dans le sens négatif; mais dans les cinq autres cas, qui se sont présentés indistinctement chez les deux sexes, la conformation du crâne paraissait normale; je dois ajouter toutefois que ces huit crânes exceptionnels appartenaient tous à des individus assez âgés, et j'ai lieu de croire que l'exagération de l'angle dans le sens négatif est un effet de la vieillesse. On sait que chez certains vieillards la résistance des os du crâne diminue, et l'on conçoit que le poids de la tête puisse alors amener la dépression de la région basilaire.

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Ces chiffres négatifs de 30 degrés et au delà ne s'observent que dans les races d'Europe. Dans toutes les autres races, limite de 25 degrés n'a jamais été dépassée.

L'autre extrémité de la série des variations empiète sur les chiffres positifs, et s'étend même jusqu'à + 5o,5 et + 7o,5. Mais ces deux cas se sont présentés dans la série des crânes artificielment déformés d'Ancon (Pérou), et me paraissent imputables à la pratique de la déformation. Nos 44 crânes d'Ancon nous ont été expédiés par M. Ber, de Lima; 19 sont déformés (déformation relevée), 25 ne le sont pas; tous d'ailleurs étaient confondus dans le même cimetière et tous appartenaient à une même race. Néanmoins l'angle moyen des crânes non déformés est de

8°,8, tandis que celui des crânes déformés n'est que de ― 6o,9. La pratique de la déformation tendait donc à modifier l'angle w dans le sens positif, en relevant la région occipitale, et c'est pour cela sans doute que les plus grands angles positifs se sont montrés dans la série des crânes déformés d'Ancon.

Si nous faisons abstraction de ces deux cas anormaux, nous voyons que le plus grand angle positif a été de +5 chez une négresse de l'Afrique occidentale. Le second, +4, s'est rencontré chez un Hottentot (1). J'ai lieu de croire que la limite normale ne dépassera pas ce chiffre de + 5.

(1) Ce Hottentot est précisément celui dont l'angle de Daubenton s'élève à 19°. (Voy, plus haut, p. 394.)

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