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chesse du développement masque aux yeux le type primitif. Entre le cerveau humain trop complexe et celui trop simplifié du singe du nouveau continent, M. Gromier choisit, pour préciser plus rigoureusement encore ses recherches, le cerveau du pithecus inuus (magot), qui lui fournit un type dont les caractères subsistent dans toute la série des singes depuis le macacus radiatus jusqu'à l'orang; et à ses yeux le type cérébral humain se réalise, bien que fruste, chez l'orang et le chimpanzé.

La constatation sur le lobe pariétal du cerveau humain de plis de passage nettement accusés, dont il fait la description très-minutieuse; le rapprochement entre les plis de passage et ceux que l'examen du cerveau du singe lui a démontrés; l'étude des rapports de similitude entre les plis de passage du cerveau du singe et ceux du cerveau humain dégradé (et il en donne de nombreux exemples), conduisent l'auteur à la conclusion générale que voici : « Vu leur variabilité d'un hémisphère à l'autre, d'individu à individu, les plis de passage supérieurs ne peuvent servir de caractère de classification. On ne peut davantage en faire un caractère morphologique suffisant pour distinguer le cerveau de l'homme de celui des singes. En considérant qu'ils apparaissent au sommet de la série des singes (atèle, gibbon, orang, chimpanzé), que chez l'homme normal ils sont tous larges, flexueux et superficiels, que dans les cerveaux humains dégradés ils redeviennent profonds, on doit considérer les plis de passage comme une marque de supériorité, de perfectionnement, sans y attacher trop d'importance au point de vue de la classification. »

Ajoutons avec M. Gromier que si les caractères des plis de passage sont impropres à fournir pour les classifications un signe différentiel absolu, ils comportent pour l'appréciation de la richesse cérébrale un élément de premier ordre.

- La topographie cranio-cérébrale, ou détermination des rapports anatomiques du crâne et du cerveau, a fait le sujet d'un mémoire publié par M. Broca dans le second numéro de la Revue en l'année 1876 (voir p.193 à 248). En prenant pour thèse l'exposé de ses Recherches sur les rapports anatomiques du cerveau avec la voûte du crâne chez les enfants, M. P. de la Foulhouze a eu la bonne fortune de pouvoir s'inspirer des documents rassemblés par le maitre sur l'historique de la question, et des conseils qu'il prodigue sur le choix des procédés d'investigation. L'idée qui préside au travail de M. de la Foulhouze a déjà reçu dans les colonnes de la Revue de trop amples développements pour qu'il ne soit pas superflu de suivre pas à pas l'auteur dans ses explorations. Disons seulement qu'en choisissant pour épigraphe ce précepte emprunté au mémoire de M. Broca : « Les observations relatives à la topographie crânio-cérébrale doivent être ramenées à des chiffres rigoureux qui permettent de les comparer entre elles, de les grouper en séries et de prendre des moyennes correctes, » M. de la Foulhouze a pris vis-à-vis du lecteur un engagement qu'il a su tenir jusqu'au bout. Les nombreux tableaux synoptiques que renferme sa thèse en font foi.

En circonscrivant d'autre part à la topographie crânio-cérébrale de l'enfance le champ de ses observations, il a assuré à ses déductions une originalité qui n'a d'égale que la précision.

C'est, à ses yeux, sur les enfants de six mois à trois ans que l'on peut

constater entre la voûte crânienne et la surface correspondante du cerveau les rapports les plus différents de ceux qu'on relève chez l'adulte. Partant de là, il démontre: 1° que le lobe frontal dépasse en arrière la suture coronale de la quantité énorme de 42 millimètres environ; 2o que le lobe temporo-sphénoïdal s'élève de 12 millimètres en moyenne au-dessus du point culminant de la suture écailleuse; 3° que le lobe occipital s'avance de 15 millimètres environ en avant de la suture lambdoïde.

« Nous avons dû, dit-il, éviter de tirer de ces recherches des conséquences trop hâtives peut-être, encore moins des interprétations et des commentaires d'un autre ordre. »

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Applaudissons à cette réserve; mais, disons-le et la remarque s'adresse à la fois à M. de la Foulhouze et à MM. Gromier et Augier — c'est grâce à des recherches entreprises dans l'ordre de celles auxquelles ces auteurs se sont livrés, et poursuivies avec la méthode, avec l'esprit scientifique dont ils ont fait preuve, que les conséquences plus on moins indirectes auxquelles il est fait allusion cesseront d'être prématurées, et que interprétations et commentaires pourront un jour se généraliser.

Signalons en outre, au point de vue pratique, l'excellente mesure que l'un comme l'autre ils se sont gardés de négliger, celle d'accompagner de schèmes et de dessins leurs descriptions. Rien, autant que les figures, n'est fait pour y porter la clarté.

· Ancien médecin de la marine, M. L. Brunet a, sous le titre de : La race polynésienne, son origine, sa disparition, mis en relief les faits suivants :

Depuis l'établissement de la race blanche, le dépeuplement des archipels polynésiens va croissant. L'abus du kawa-kawa (alcool indigène) selon les uns, la phthisie pulmonaire selon les autres, en est la cause.

«Porter aux habitants du Pacifique, avides du nouveau, imitateurs par excellence, une civilisation toute faite, nos habitudes et nos produits, sans leur montrer du doigt le choix qu'ils en doivent faire, c'est leur être plus nuisibles qu'utiles, c'est les décimer... Le vide laissé par ces populations sera bientôt comblé par des Américains, des Anglais, des Allemands et quelques rares de nos compatriotes. Ce résultat est en train de se produire pour les îles de la Société, qui ne seront bientôt plus françaises que de nom. »

La thèse de M. L. Brunet renferme des traces non équivoques d'érudition. Peut-être eût-on été en droit de compter plus largement sur ces documents de première main si précieux à enregistrer, et que, par ses fonctions dans l'armée de mer, l'auteur semble avoir dû être en mesure de recueillir.

- Notons enfin deux thèses sur des questions de pathologie proprement dite, mais qui, en raison du milieu au sein duquel les faits qui en font la base ont été observés, appartiennent, sans conteste, au domaine anthropologique.

La première est celle de M. A. Miorcec. C'est une Étude sur la dengue.

La dengue (scarlatine rhumatismale; rosalia arthrodynia, docteur Cock; fièvre articulaire éruptive; colorado, à cause de la rougeur de la peau, colonies espagnoles; broken-wing, break-bone, Etats-Unis; fièvre rouge, fièvre chinoise, île de la Réunion; fièvre rouge exotique, Sénégal; Bar

nier; etc.) est, d'après la caractéristique de M. Miorcec, une maladie fébrile éruptive, rhumatismale, à cycle régulier, éminemment contagieuse et épidémique, qui s'est montrée à différentes époques dans un grand nombre de localités tropicales et subtropicales du nouveau et de l'ancien monde, et présentant quatre périodes bien distinctes: période d'invasion fébrile (première éruption, initial rash), période de rémission, période de deuxième éruption (terminal rash), période de convalescence.

L'auteur, qui a observé une épidémie de dengue en 1870 à l'île de la Réunion, s'appuie sur les exemples dont il a été témoin et aussi sur les nombreux travaux des médecins français et étrangers pour la description détaillée qu'il en trace.

La seconde thèse est due à M. J. Breton. Elle a pour titre : Quelques considérations sur la guérison des plaies chirurgicales et traumatiques chez les Annamites.

Rien d'intéressant, au point de vue de l'anthropologie, comme la détermination des rapports entre telle influence morbide et les conditions physiologiques tenant à la race, hygiéniques tenant aux coutumes, ou météorologiques tenant au climat. Nous venons de voir M. Miorcec se consacrer à l'étude d'une affection épidémique éminemment contagieuse, fort grave en soi, et connue dans les diverses contrées où elle sévit sous les dénominations les plus variées. M. Breton analyse les circonstances favorables et défavorables à la guérison que présente et subit l'Annamite blessé.

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Préjugés l'Annamite n'accorde aucune confiance aux médecins européens dans le traitement des maladies internes. Sagacité instinctive : l'Annamite, qui n'a aucune confiance dans le médecin français, recourt à lui avec empressement dès qu'il est atteint de quelque lésion chirurgicale. Influences hygiéniques : l'habitation de l'Annamite est basse, humide, insalubre; son alimentation défectueuse, peu réparatrice; son vêtement insuffisant, sale, rarement renouvelé; les soins de propreté corporelle nuls. Constitution: il est généralement anémié, dépourvu d'embonpoint, peu nerveux. Climat : deux saisons absolument distinctes se succèdent, l'une très-sèche, l'autre très-humide, pendant laquelle les orages sont fréquents et la tension électrique considérable; tous ces points sont étudiés par M. Breton avec les détails que leur importance comporte.

Dans de telles conditions, chez l'Annamite l'élément douleur est moins développé que chez l'Européen, les phénomènes inflammatoires peu intenses, la fièvre traumatique rare ou peu marquée. Les plus grandes lésions peuvent guérir sans réaction, sans complications.

La résistance que cette race oppose au traumatisme est remarquable, et c'est à la nature physiologique de l'Annamite, et non aux autres éléments climatologiques ou physiques de l'Indo-Chine, qu'il convient d'attribuer cette résistance et cette puissance de réparation.

Ces conclusions reposent sur des observations de plaies par instrument tranchant, piquant ou contondant, par morsures, arrachement, brûlures, arme à feu, et sur celles de fractures simples ou non, qui font du travail de M. Breton un recueil précieux à consulter.

En somme, nous ne saurions trop encourager les travaux conçus dans l'esprit de ceux que nous venons d'analyser.

Que les observateurs se le persuadent bien : imprimer à leurs recherches un sens anthropologique et s'entourer de documents positifs, est conférer à leurs déductions une vraie portée philosophique et un caractère d'incontestable utilité. Dr COLLINEAU.

II

REVUE ALLEMANDE.

Observations sur la transcription exacte des noms géographiques, par L. Ewald (Mittheilungen von A. Petermann, 1876, p. 297: Ueber die Rechtschreibung der geographischen Namen).

A aucune époque, la nécessité d'instituer un système de transcription international pour les noms géographiques ne s'est fait sentir plus impérieusement que de nos jours. Quel que soit le point de vue auquel on se place, qu'il s'agisse du linguiste ou du géographe, comme de l'anthropologiste, du savant, de l'homme politique ou de l'homme du monde, à chaque moment on a l'occasion de lire dans les recueils périodiques et dans les ouvrages spéciaux les noms de peuples et de pays empruntés aux langues les moins connues, et sur lesquels les découvertes des explorateurs ou les événements politiques attirent en mainte circonstance l'attention du monde civilisé.

Dans ces dernières années principalement, par suite de l'impulsion considérable imprimée aux sciences géographiques, à l'anthropologie et à deux de ses branches, la linguistique et l'ethnologie, qui se trouvent aujourd'hui à la portée de tous, grâce aux remarquables ouvrages de vulgarisation publiés en France et à l'étranger, la langue courante et, à plus forte raison, le langage scientifique ont été peu à peu envahis par un nombre considérable de noms empruntés aux langues et aux peuples les plus différents, que chacun malheureusement écrit, transcrit et mutile à sa façon, il faut bien le dire.

Il suffira de jeter un coup d'œil sur les cartes et les ouvrages de géographie et d'ethnologie pour être convaincu de la vérité de notre assertion, et pour juger du désaccord qui règne à cet égard entre les auteurs, même pour la transcription des noms géographiques appartenant aux langues usuelles.

Pour mettre fin à ce fàcheux état de choses, on a proposé d'adopter un système de notation qui pût permettre aux savants et aux explorateurs d'écrire uniformément les noms géographiques à l'aide de caractères conventionnels ayant la même valeur dans tous les pays. Cette question de la transcription des noms géographiques n'est elle-même qu'un des côtés de la question beaucoup plus vaste de l'alphabet universel, qui n'a fait que bien peu de progrès de nos jours, malgré les travaux de Lepsius, de Max Müller, de Bleek, etc. L'alphabet de Lepsius (Lepsius, Das allgemeine linguistische Alphabet, Berlin, 1855, et Standard-Alphabet, Londres et Berlin, 1863), adopté par plusieurs auteurs allemands, présente un inconvénient grave, c'est d'exiger un grand nombre de signes diacritiques qui

font défaut dans la plupart des imprimeries; mais, en revanche, il doit être considéré, malgré ses imperfections, comme le système de notation le plus complet dont puisse se servir l'explorateur ayant à fixer sur le papier les sons et les articulations des langues parlées devant lui. C'est probablement cette considération qui a décidé Steinhal à recommander sans réserve le système de Lepsius, dans les quelques pages pleines d'enseignements qu'il a consacrées à la linguistique dans les « Instructions pour les voyages scientifiques» (Anleitung zu wissenschaftlichen Beobachtungen auf Reisen, p. 552 et suiv.).

L. Ewald, dans l'article que nous allons examiner, se propose surtout d'établir un alphabet composé des caractères romains et d'un petit nombre de signes pouvant être facilement reproduits par la plupart des imprimeries. Son système de transcription n'est pas autre chose que l'alphabet de Lepsius réduit et légèrement modifié, de façon à pouvoir être employé sans difficultés pour la transcription des noms géographiques. Bien que les vues de l'auteur n'aient pas toujours la netteté désirable, l'article qu'il a consacré à cette question mérite cependant d'être lu attentivement et présente un réel intérêt, tout en ayant été écrit principalement au point de vue allemand.

La première question que devra d'abord se poser le géographe ou le cartographe, en vue d'établir l'orthographe des noms géographiques, est de savoir si, pour un cas donné, on peut adopter l'orthographe admise par les statistiques officielles du pays auquel tel nom se rapporte. Or, dans tous les Etats de l'Europe, la Turquie exceptée, aux Etats-Unis d'Amérique, au Mexique, au Costa-Rica, dans la Bolivie, le Chili, la République Argentine et le Brésil, il existe des documents statistiques officiels qui abrégent singulièrement le travail du géographe, en lui donnant l'orthographe exacte des noms de chaque localité. En pareil cas, il ne saurait y avoir de difficulté que pour la transcription des noms russes, serbes et grecs, écrits dans des caractères autres que les caractères allemands ou latins.

En Prusse et en Autriche, dans les provinces d'origine slave, beaucoup de noms géographiques ont conservé leur orthographe slave, tandis que d'autres sont transcrits en allemand d'après la prononciation, et plus d'une fois d'une façon défectueuse. En Autriche-Hongrie, les défectuosités de l'orthographe des noms d'origine non allemande sont encore plus fréquentes qu'en Allemagne, en raison de la multiplicité des langues parlées dans les deux royaumes. Outre les noms slaves irrégulierement transcrits, on rencontre, en effet, des noms tchèques transcrits en allemand sans règles précises, d'après la prononciation, tandis que d'autres sont conservés dans leur orthographe primitive; et les mêmes irrégularités s'observent encore dans la transciption des noms polonais, slovènes et serbescroates, des noms ruthènes, serbes-illyriens et roumains.

C'est ici l'occasion de faire observer que les difficultés afférentes à la transcription des noms géographiques ne dépendent pas seulement de la dissemblance des alphabets, mais aussi de la différence de valeur que telle lettre peut avoir dans un même alphabet employé par plusieurs peuples,

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