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Après avoir rendu un légitime hommage à ceux des devanciers qui ont accordé à l'ostéogénie du pariétal l'attention que son évolution mérite, et avoir cité en particulier Albinus (Icones ossium fœtus humani, chap. De osse verticis), ainsi que Breschet (Recherches anatomiques, physiologiques et pathologiques sur le système nerveux et spécialement sur les canaux veineux des os), M. Augier entre de plain-pied dans son sujet et prend pour point de départ les considérations dans lesquelles est entré M. Broca en 1875 à la Société d'anthropologie dans ses communications du 18 mars et du 20 mai.

Quel jour nouveau ont-elles projeté sur le mode de développement affecté par le pariétal?

Du centre d'ossification unique de l'os pariétal, a fait remarquer M. Broca, partent deux couches, l'une profonde, l'autre superficielle, de fibres osseuses rayonnantes, qui, très-serrées à leur extrémité centrale, s'écartent entre elles à la manière des dents d'un peigne vers leur extrémité périphérique et interceptent des espaces interfibrillaires que la juxtaposition progressive des fibres correspondantes des deux couches est destinée ultérieurement à combler.

Or, il est deux points mis en relief par les recherches anatomiques de M. Broca, ceux-ci : 1° l'évolution des couches superficielle et profonde de fibres osseuses n'est ni simultanée ni connexe. Celle de la couche profonde est la plus tardive des deux. Il s'ensuit que les espaces interfibrillaires subsistent sur certains points de la péripherie de l'os pendant assez longtemps; 2o la rencontre des deux couches à l'extrémité périphérique des tibres détermine la formation d'un bourrelet marginal qui gagne peu à peu tout le pourtour de l'os. Mais il est un troisième point complémentaire des deux autres, c'est que la région du pariétal où les fibres osseuses restent le plus écartées et le plus ténues est celle qui avoisine la région du point sagittal, et que c'est aussi cette région du point sagittal que gagne, en dernier lieu, le bourrelet marginal dont il vient d'être fait mention. De l'examen d'une série de foetus échelonnés de mois en mois, il résulte que « c'est seulement dans les deux ou trois mois qui suivent la naissance, quelquefois plus tard, que cette région est envahie à son tour par le bourrelet ».

De cet ensemble de considérations se déduit l'explication donnée par M. Broca de ce fait signalé de prime abord par Albinus, savoir: la faiblesse et la raréfaction du tissu osseux dans la région déterminée dont il s'agit.

Les recherches auxquelles s'est livré M. Augier sur l'évolution qui suit l'ossification du pariétal viennent corroborer la description de M. Broca. Son étude porte sur l'ostéogénie de la partie de l'os pariétal avoisinant le point sagittal, en particulier.

La description de la fontanelle et de la fente sagittales l'occupe en premier lieu.

Cet espace, incisure pariétale (Broca), est, au moment de la naissance, tantôt en voie de disparition, tantôt (et selon M. Augier le cas est plus fréquent qu'on ne croit) ouvert et de forme soit triangulaire, soit losangique, soit quadrangulaire, soit étoilée plus ou moins irrégulièrement. Son existence, sous la désignation de fissure, sillon, fausse suture, n'avait

échappé ni à Eisson ni à Albinus sous celle d'hiatus très-apparents; mais, selon la judicieuse remarque de M. Hamy, c'est à V. Gerdy qu'appartient. l'honneur d'avoir donné de la fente et fontanelle sagittales une description complète. « Dès le principe, dit en effet Gerdy (Recherches et propositions d'anatomie, de pathologie et de tocologie, 1837, thèse de Paris), les pièces du crâne se forment avec la figure et les rapports qu'elles présentent à la naissance. Dans les mois qui suivent, l'accroissement du fœtus marchant très-vite, l'ossification ne fait guère que suivre ce mouvement général, sans presque sortir de ses limites primitives. Puis, quand l'enfant est détaché de la mère et vit d'une vie propre, le mouvement de croissance générale se ralentit, l'ossification se trouve avoir, pour ainsi dire, des forces et de la matière de reste et comble les vides qu'elle avait laissés jusque-là ; cependant, durant les trois premiers quarts de la vie foetale, il y a encore ordinairement sur la circonférence des os du crâne un faible progrès d'excentricité ou de rapprochement entre eux, et c'est de ce travail surtout que résultent, suivant qu'il est régulier ou irrégulier, les formes normales de la tête du fœtus parfait, ou les anomalies signalées. »

L'attention de M. Barkow (Comparative Morphology, 1862) fut aussi, mais incidemment, arrêtée sur ce point. Il considère la fontanelle sagittale comme un arrêt de développement, et note, non sans justesse, que les trous pariétaux apparaissent d'abord, ainsi que des incisures, sur les bords sagittaux des pariétaux. Le développement de l'os est-il intégral, les incisures se transforment en trous par interposition de la substance osseuse: reste-t-il incomplet, la fontanelle sagittale en est la conséquence. Mais, si bien observés que soient les cas signalés par M. Barkow - ils sont au nombre de cinq l'auteur anglais n'a pas accordé à la disposition anatomique l'importance qu'elle comporte. Elle a été, de la part de M. Hamy (Journal de l'anatomie et de la physiologie, publié par M. Ch. Robin, novembre 1870), l'objet d'une plus sérieuse préoccupation.

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M. Hamy se demande à quel mode d'évolution le développement et la formation définitive de cette fontanelle, qu'il appelle la fontanelle de Gerdy, obéissent. Le travail d'ossification, fait-il remarquer, tend à combler peu à peu la lacune, en procédant par ses bords. Or, la fontanelle, qui, en moyenne, mesure 1 centimètre de long sur 12 ou 13 millimètres de large, mais qui dépasse, dans certains cas, 2 centimètres dans sa plus grande largeur, se réduit en dimensions selon le degré d'imperfection du travail d'ossification, et, lorsque celui-ci parvient à son terme extrême, ne laisse d'autre trace que la présence de deux petites fissures perpendiculaires à la suture.

Des sept cas, maintenant, de fontanelle sagittale présentés par M. Broca à la Société d'anthropologie dans la séance du 20 mai 1875, il résulte que cette anomalie, plus fréquente qu'on ne le suppose, s'observe une fois sur quatre environ chez les enfants nouveau-nés, et s'efface d'ordinaire dans les deux ou trois mois qui suivent la naissance.

Quant à M. Augier, les 45 cas qu'il a rassemblés, et dont il fait la description dans sa thèse, lui ont permis d'établir que 23 des calottes crâniennes qu'il a observées présentaient une fontanelle sagittale nettement déterminée, que les 22 autres présentaient des fentes plus ou moins étendues,

des scissures pariétales, vestige de la disposition ci-dessus énoncée; et d'enrichir la science de 23 exemples nouveaux de l'anomalie, distinguée par Eisson et par Albinus, décrite par Gerdy, reconnue par Barkow, interprétée par M. Hamy, et définitivement expliquée grâce aux recherches de M. Broca.

Passant à la question de la scissure pariétale et de l'os sagittal, M. Augier rapporte les rares exemples que possède la science de la persistance de cette scissure à l'âge adulte. Barkow en cite deux. M. Broca en a présenté un à la Société d'anthropologie. Simplicité extrême de la suture sagittale, presque linéaire à ce niveau; sur le point sagittal même, existence d'une grande suture transversale et bilatérale coupant perpendiculairement la suture sagittale et mesurant à droite et à gauche une longueur de 5 à 6 centimètres; absence de trous pariétaux, qu'il faut considérer comme confondus avec la scissure: telle en est la caractéristique.

Uu autre mode d'obturation de la fontanelle, dont l'àge adulte peut offrir la trace, consiste dans l'interposition d'un os wormien os sagittal de M. Hamy, fonticulaire de M. Barkow. M.JAugier en consigne six cas, dont cinq relatifs à des adultes et un à un enfant de deux ans ; puis il conclut que la constatation de cet os sagittal est encore plus fréquente que celle de la scissure pariétale, et qu'invariablement on les rencontre au même niveau, c'est-à-dire au point sagittal proprement dit. Mais, ajoute-t-il, qu'est-ce que ce point sagittal, à proprement parler?

L'étude du point sagittal et de la suture sagittale fait l'objet du troisième chapitre de cet intéressant mémoire. « Si nous prenons, dit alors l'auteur, une série de crânes d'adultes, et que nous examinions la partie de la voûte crânienne formée par les pariétaux, deux choses nous frappent : la disposition particulière que prend la suture sagittale quand elle arrive à un certain point et la symétrie qu'affectent le plus souvent, quand ils existent, deux trous presque toujours situés au même point par rapport à cette distance qui les sépare du lambda et par rapport à cette disposition particu lière de la suture sagittale. » Celle-ci se divise en trois parties: une partie antérieure, compliquée; une partie moyenne, l'obélion, qui se distingue par sa simplicité extrême; une partie postérieure, qui redevient compliquée. La partie moyenne -obélion est le résultat du développement normal des deux pariétaux.

La simplicité extrême de la suture sagittale en cette région s'explique par cette circonstance que c'est sur cette partie de la périphérie du pariétal que le développement osseux est le plus tardif.

Si actif que puisse être encore l'accroissement général des os du crâne, il subit déjà, lorsqu'il envahit ce point, un certain ralentissement. De la faiblesse des poussées réciproques résulte l'absence de dentelures, et l'absence de dentelures détermine la disposition quasi rectiligne, constante et très-manifeste, de la portion correspondante de la suture sagittale désignée en craniométrie sous le nom d'obélion (¿Exós, trait). Or une ligne horizontale menée d'un trou pariétal à l'autre coupe l'obélion par le milieu. C'est ce point d'intersection qui constitue le point sagittal; c'est le point sagittal qu'il faut prendre pour centre de la région du même nom; et c'est en raison des particularités suivantes que cette région du point sagittal

est remarquable: simplicité de la suture, trous pariétaux, fontanelle sagittale chez l'enfant, scissure pariétale, os sagittal. Un dernier point enfin, mis en relief par Meckel, reconnu par Gratiolet, confirmé par les recherches de MM. Pommerol et Sauvage, et noté, avec raison, par M. Augier, c'est que, chez les races blanches, la soudure des sutures crâniennes (et par conséquent l'arrêt du développement du cerveau) commence toujours ou presque toujours par l'obélion; et c'est à juste titre que M. Broca a appelé l'attention sur la région du point sagittal, en raison de l'importance et du nombre des faits descriptifs qui s'y rattachent.

L'étude des trous pariétaux complète et termine le travail de M. Augier. Albinus, Bertin, Breschet, Sabatier, frappés surtout de la présence des vaisseaux artériels et veineux auxquels ils livrent passage, les ont regardés comme des trous vasculaires. Gavard, le premier (Paris, an XIV), a signalé leur inconstance. Boyer, Cruveilhier, M. Sappey ont reproduit sur ce chapitre les assertions de leurs devanciers.

Dans sa Comparative Morphology, M. Barkow, par le soin qu'il a accordé à leur examen, a montré l'intuition qu'il avait de leur importance. Mais c'est à la double communication faite en mars et en mai 1875 par M. Broca à la Société d'anthropologie que sont dues les notions positives que possède aujourd'hui la science sur le mode de formation et la portée anatomique des trous pariétaux.

S'appuyant à son tour sur les trois observations de M. Broca, M. Augier s'est personnellement livré à l'examen d'un millier de crânes, tant au point de vue de l'existence ou de l'absence, qu'à ceux des dimensions, de l'unicité, de la multiplicité, du siége à droite ou à gauche, des trous pariétaux, et à ceux de l'âge, du sexe, de la race des sujets sur lesquels a porté l'observation. Or il est parvenu aux conclusions générales suivantes, confirmatives de celles de M. Broca:

« Sur 628 crânes, appartenant aux séries Esquirol (Bas-Bretons, Bretons-Gallots, Auvergnats), dit-il (p. 77 de sa thèse), 210 crânes ont les deux trous pariétaux; 185 crânes n'ont pas de trou pariétal; 121 crânes ont un seul trou à droite; 57 crânes ont un seul trou à gauche; 50 crânes ont des vestiges de trous; 5 crânes ont trois trous pariétaux. »

Envisagé en lui-même, le trou pariétal n'est donc pas à proprement parler normal, ni, par conséquent, un trou vasculaire.

Le mode de développement du pariétal donne la raison anatomique de son existence; et il peut, à bon droit, être considéré comme le vestige de la scissure horizontale qui elle-même succède à l'évolution de la fontanelle existant, dans les premiers temps de la vie, à la très-curieuse région de l'obélion.

-L'étude des circonstances accompagnant le développement de la calotte crânienne avait fixé l'attention de M. Augier. M. J. Gromier a accordé la sienne à l'examen de diverses particularités dépendant du développement du cerveau.

La thèse de M. Gromier, intitulée : Etude sur les circonvolutions cérébrales chez l'homme et chez les singes, est divisée en trois parties. La première comprend le développement des circonvolutions pendant la période fœtale. La seconde est consacrée à l'examen des principaux types de la série des REVUE D'ANTHROPOLOGIE. -T. VI. 1877.

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singes, constituant, en procédant, comme le dit l'auteur, «< du simple au composé, une sorte de carte topographique du cerveau humain. » Dans la troisième il étudie le lobe pariétal et ses connexions chez l'homme.

La plupart des pièces qui ont servi de base aux investigations de M. Gromier sont celles que M. Chudzinski a moulées, et que le Musée d'anthropologie met avec tant d'empressement à la disposition des observateurs.

Les mouvements volontaires ou réflexes, les sensations, les manifestations automatiques de l'entendement proviennent de l'excitation des fibres nerveuses qui, par leur ensemble, constituent la substance blanche centrale des hémisphères cérébraux.

Les manifestations spontanées de l'intelligence procèdent au contraire de la substance grise périphérique, qui constitue l'écorce des hémisphères. Plus la surface sur laquelle la substance grise se puisse développer en couche continue est vaste, plus les actes d'initiative intellectuelle acquièrent de facilité, d'énergie et d'amplitude.

Plus la surface cérébrale sur laquelle la substance grise s'étale est riche de contours, de renflements, de replis, d'anfractuosités, plus la substance grise rencontre de conditions favorables à son développement. D'abord absolument lisse, le cerveau du foetus est dépourvu de circonvolutions. Les plus importantes y apparaissent les premières, des flexuosités s'y ajoutent et la complexité s'accroît avec l'âge en proportion du degré d'activité de l'organe.

En suivant le développement des circonvolutions sur une série composée de dix cerveaux de fœtus échelonnés du troisième mois et demi au huitième et demi de la vie intra-utérine, M. Gromier est parvenu, sans peine, à se convaincre de ce fait d'une importance capitale, c'est que l'ordre le plus constant préside à la distribution des plis cérébraux, et que les circonvolutions fondamentales dégagées de leurs plis secondaires, et caractérisées par leurs connexions, par leurs rapports, se comportent comme des organes parfaitement distincts.

Tiedemann avait avancé que « les hémisphères du cerveau s'arrêtent pendant toute la vie, dans les différentes espèces, aux divers degrés de développement que ceux des fœtus parcourent dans leur évolution successive. >>

Il avait même établi la même assimilation en ce qui touche les autres parties de l'encéphale : bulbe, cervelet, tubercules quadrijumeaux; de sorte que le cerveau du foetus humain serait tour à tour un cerveau de poisson, de reptile, de mammifère. S'appuyant sur les belles recherches de Gratiolet, d'Owen, de Turner, de Longet, de Broca, de Luys, de Leuret, et aussi sur ses observations personnelles, M. Gromier n'a pas eu de peine à réfuter l'anatomiste allemand.

A partir de la dix-huitième semaine de la vie fœtale, la scissure de Sylvius, béante, renferme un lobule central; les lobes frontaux sont largement développés, les lobes sphénoïdaux commencent à s'arrondir: le caractère typique est acquis.

Dans l'étude des circonvolutions, fait ensuite remarquer M. Gromier, le cerveau de l'homme ne peut servir de point de départ, parce que la ri

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