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pendant les temps quaternaires dans la Péninsule des trois types ethnogéniques suivants :

1° Type dolichocéphale rattaché à celui de Canstadt, représenté par le crâne de Forbes Quarry (Gibraltar), par le frontal de la Cueva de la Mujer (Alhama de Grenade) et par certains débris du Cabeço d'Arruda ;

2o Type aussi dolichocéphale, semblable à celui de Cro-Magnon. Peuvent le représenter quelques crânes basques et surtout les Guanches. Je dois faire remarquer, parce que cela m'intéresse au point de vue de la théorie de l'immigration berbère péninsulaire par moi soutenue, que ce même type abonde dans les populations indigènes du Maroc septentrional et occidental, ce qui présuppose une très-significative communauté ethnogénique entre certaines populations du midi de la France et celles du nord de l'Afrique à travers l'Espagne pendant la préhistoire ;

3° Type hybride, se rapprochant de ceux de Furfooz, résultat du mélange des différentes races. Il est représenté par quelques échantillons humains ramassés à Cabeço d'Arruda et à Gibraltar.

Vous savez, messieurs, que ces mêmes types se découvrent aujourd'hui chez les Espagnols, avec caractère sporadique et comme cas d'atavisme; mais, laissant de côté la paléo-ethnologie et l'anthropologie craniométrique, pour me limiter à un ordre de renseignements plus nombreux et positifs, il est avéré que dans la période la plus archaïque de l'histoire de la Péninsule, celle-ci a été habitée par diverses souches humaines, ou variétés, qui à l'heure qu'il est ont encore une remarquable représentation.

Voici la classification des peuples de la Péninsule sous ce point de vue:

1° Région basco-navarraise, qui comprend les provinces de Guipuscoa, Alava, Viscaya et de Pampelune;

2o Région cantabro-asturienne, qui comprend les provinces de Santander, Oviédo, Léon et partie de celle de Zamore;

3o Région galico-lusitanienne, avec les provinces de la Galice, le Portugal et quelques districts de l'Estramadoure;

4° Région bétique : les huit provinces andalouses avec les Canaries;

5° Région catalano-valencienne, qui comprend les provinces de Murcie, Castellon, Tarragone, Barcelone, Gérone, Lérida et les îles Baléares;

6° Région aragonaise : l'ancien royaume d'Aragon;

7° Région castillane, avec le territoire des deux Castilles. Considération faite qu'il n'existe pas aujourd'hui, nous ne disons pas de peuple, mais bien de races pures, les caractères anthropologiques qui déterminent un certain nombre de nuances et de différences entre les habitants des régions susmentionnées ne manqueront pas de se présenter à nos yeux avec leur importance légitime. Ce serait une grave erreur que de confondre un Basco-Navarrais avec un Galicien ou un Andalous. Sans recourir à la mensuration du corps, sans enregistrer les tonalités de la couleur de la peau, des cheveux ou des yeux, oubliant la taille et l'expression particulière de la physionomie, l'observateur attentif découvre dès le premier moment qu'il n'existe aucune unité d'origine ou de complexion entre les principales subdivisions de la famille péninsulaire.

Le profil caractéristique de la majorité des Basco-Navarrais, leur structure ostéologique, l'air de leur marche, la forme de leurs épaules rehaussées et de leurs jambes quelque peu courbées en arc, forment un contraste visible avec les formes légères de l'Andalous, qui paraît comme le type opposé sous tous les rapports.

Si nous étudions la population asturienne, galicienne et portugaise, pour bien saisir ses caractères physiques et toute sa manière d'être, la ressemblance avec les Catalans et Valenciens devient frappante. En général, on peut assurer que les formes trapues et robustes prédominent entre les hautes Pyrénées et le Tage, pendant que les formes sveltes et grêles apparaissent surtout sur le littoral andalous, pour se continuer parmi les habitants des côtes de la Méditerranée.

Dans la partie centrale tous les types abondent, bien que, si l'on avance du centre géographique et politique vers le sud et l'est, les formes se rapprochent de l'Andalous, tandis que si l'on marche dans une direction inverse, elles penchent vers le type septentrional. Les tableaux synoptiques que j'espère pouvoir présenter dans une autre session feront ressortir ces dissemblances avec plus de justesse et de force; mais je me crois, pour le moment, autorisé à affirmer que la moyenne des tailles plus élevées se trouve vers le nord, tandis qu'en général elle s'abaisse dans la direction sud, sans que ce mouvement des tailles soit uniforme et constant, puisque dans l'Andalousie, par exemple, les districts montagneux renferment plus de tailles élevées que les plaines.

La forme de la tête, en ce que permet de juger la simple vue, est plus volumineuse, et avec une tendance positive à la mésaticéphalie, dans le Nord et l'Ouest, tout le contraire de ce qui arrive dans le Midi, l'Orient et le Centre, où les têtes sont moins volumineuses et la dolichocéphalie plus prononcée.

Le visage des Basco-Navarrais, et aussi celui des Asturiens et Galiciens (quoique dans une moindre proportion), incline à l'orthognathisme. En Aragon et dans la haute Catalogne existent comme des tendances orthognathes, qui disparaissent totalement parmi les méridionaux. Le prognathisme domine entre l'Ebre et le Guadalquivir.

Quant à la couleur de la peau, les types les plus blancs sont dans le Nord, entre la Navarre et la Galice, et aussi dans la Vieille-Castille. Dans le Portugal ce caractère s'altère par le mélange avec les Africains et Asiatiques dans les colonies. Prédo. mine dans l'Andalousie le teint bien clair; mais je dois remarquer, d'après des recherches personnelles, que dans les districts plus abrupts de la Serranie de Ronda, tout près du détroit de Gibraltar, on voit très-souvent des hommes très-blancs, avec les yeux bleus ou clairs et la chevelure blonde. Je ne peux éviter de rapprocher ces individus des Guanches des Canaries, que je fais descendre non des Germains Vandales, comme le prétend M. von Loher, de Munich, mais plutôt d'une souche berbère mêlée aux premiers immigrants phéniciens. Ainsi je partage sous certain point de vue les idées du Wiener Slavisch-Germanisches Blatt, quand il soutient que les hommes blancs et blonds des Canaries, de la Galice et des Iles-Britanniques, comme du littoral océanique de la France, procèdent de la Phénicie, ayant poussé jusqu'à l'Europe centrale à travers la Méditerranée, la Péninsule, la France et l'Irlande.

On ne peut établir une classification géographique de cheveux blonds dans la Péninsule: dans la région navarro-basque on voit des têtes blondes avec le visage de couleur plus ou moins basanée, à côté de chevelures châtain obscur ou simplement noires et le teint brun. Plus nombreux sont les blonds dans les Asturies et la Galice, rares dans les autres régions, mais les cheveux d'un châtain très-clair abondent partout.

En général les yeux sont d'une couleur foncée, mais les bleus ou clairs abondent depuis les Pyrénées jusqu'à la Galice, et en partie dans l'Aragon, la Catalogne et la Vieille-Castille, tandis

qu'on les voit s'obscurcir, communément, vers le sud et l'est, sauf l'exception signalée dans les districts montagneux de Ronda.

Physiologiquement considérées, les populations péninsulaires offrent une certaine lenteur des fonctions dans le littoral cantabrique, une certaine morosité qui s'élève au maximum parmi les Asturiens et Galiciens. Au contraire, les fonctions sont plus actives dans le Midi; mais où le tempérament physiologique montre son activité supérieure, c'est sur le littoral de la Méditerranée, entre Murcie et Tarragone.

Le Portugais participe de l'esprit morose et mélancolique du Galicien, et comme celui-ci il aime plutôt la vie chez soi, simple, monotone et sans contrastes, que la vie expansive, pleine de couleur et de mouvement, de l'Andalous et du Valencien. Le BascoNavarrais, l'Aragonais et le Catalan montagnard se ressemblent assez; ils sont énergiques, quoique ne se décidant pas à l'œuvre subitement; mais, une fois lancés, l'impétuosité et la persistance les distinguent. L'enthousiasme de l'Andalous s'échauffe facilement; il est capable des plus grands transports passionnels, mais son rapide épuisement moral nous démontre la singulière disposition de sa sensibilité émotive.

Parcourez le Nord, vous trouverez la force et l'énergie physique; marchez vers le Midi, la grâce, l'adresse seront l'apanage des individus, dont la complexion fine et délicate vous parlera d'éléments ethnogéniques juxtaposés assez dissemblables de ceux du Nord. Et ces caractères d'opposition acquièrent une considérable importance, devant l'homme de science, quand il se souvient des événements historiques arrivés dans la Péninsule; événements contraires à la délimitation ethnique des populations. Je crois pouvoir ranger dans cette ligne :

L'invasion des peuples asiatiques, par les Pyrénées, dans le cinquième siècle de notre ère;

L'invasion sémitique depuis le septième siècle : les musulmans, Arabes, Berbers ou Maures, dominent sur les indigènes, se mélangent avec eux et produisent la Mozarabie, véritable souche d'où sort la race qui reconquiert le territoire;

La reconquête, qui après chaque campagne confond chrétiens et islamites, grâce au repeuplement des villes conquises, donnant lieu au mudejarisme, produit des musulmans devenus sujets des princes chrétiens, comme les mozarabes étaient des chrétiens restés dans les domaines des envahisseurs :

La monarchie hispano-autrichienne, avec son despotisme unitaire, avec ses attaques aux caractères privés des peuples péninsulaires;

La religion catholique, puissant élément d'unification;

En dernier lieu, les armées permanentes et les guerres civiles.

Malgré la réunion de toutes ces causes dirigées contre l'autonomie et les traits particuliers des habitants de chaque région, malgré les effets des alliances matrimoniales occasionnelles entre toutes les familles péninsulaires, les dissemblances physiques et psychologiques persistent.

II

Dans la Péninsule il n'existe aucun genre d'unité morale solidement établie en permanence et selon les temps.

Pendant la domination romaine les peuples péninsulaires obéissent à diverses idées, montrent une profonde variété de tendances et se distinguent entre eux par les lois, les mœurs et la façon d'agir.

Après la crise de la période visigothe, qui ne réussit ni à centraliser le pouvoir social, ni à unifier les forces morales du territoire, s'ouvre le cercle de la reconquête, pendant lequel les peuples chrétiens furent assez éloignés d'une parfaite communauté de désirs, d'intérêts et d'action. C'est seulement sous le joug des sentiments religieux que les volontés réfractaires sont accoutumées à se plier pour réunir leur énergie contre l'ennemi commun. Les intérêts dynastiques eux-mêmes ne purent maîtriser les oppositions intestines, filles, moins de la politique, que de la complexion ethnologique distincte. Les hommes de guerre chrétiens luttent entre eux, favorisant la prolongation de l'occupation islamite; souvent la croix s'allie au croissant pour combattre le pouvoir chrétien, et il est avéré que s'il avait existé en Espagne cette parfaite unité de pensées que présuppose une commune origine, l'expulsion des musulmans n'aurait pas demandé un nombre si considérable de siècles et tant de sacrifices.

Si la patriotique rébellion des comuneros, nobles, bourgeois et plébéiens, contre la tyrannie tudesque flamande échoua, comme jadis avait échoué la tentative des Gernunias, l'une et l'autre in

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