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N° 3.

3 TRIMESTRE.

SOCIÉTÉ FLORIMONTANE D'ANNECY

Séance du 1er juillet 1903.

PRÉSIDENCE DE M. DUNANT, PRÉSIDENT.

En ouvrant la séance à 5 heures, le Président adresse quelques mots de bienvenue à notre nouveau collègue dom MACKEY qui assiste à la réunion et le félicite du labeur énorme auquel il se livre dans la publication des œuvres de saint François de Sales, travail qu'il continue avec une persistance digne des plus grands éloges. Dom Mackey remercie la Société de l'honneur qu'elle lui a fait en le nommant au nombre de ses membres correspondants et il offre à la Bibliothèque florimontane deux volumes des lettres de saint François, en exprimant le désir d'ajouter prochainement à ce don toute la série des tomes parus. Le Président félicite notre collègue M. BOUCHET, un des plus anciens membres de la Société (1876) et qui fut pendant trois ans son trésorier, de son élection à la Mairie d'Annecy. La présence de notre sympathique collègue à la tête de la municipalité atténuera les regrets causés par la démission de M. BOCH, qui compte lui aussi parmi les membres de la Florimontane et qui s'était toujours montré bienveillant pour elle.

Le procès-verbal de la dernière séance est ensuite lu et adopté. Le Bibliothécaire dépose sur le bureau les ouvrages récemment entrés à la Bibliothèque :

Notes et Souvenirs sur Aimé Vingtrinier, Lyon, 1903, in-8°. (Don de la famille.)

BOIRET Vingt-huit brochures sur l'agriculture en Haute-Savoie réunies en un volume relié. (Don de l'auteur.)

Compte-Rendu de la Fête des Amis des Arbres du 14 juin 1903. (Don de M. Guinier.)

FRANCHI-VERNEY: Armerista delle Famiglie nobili e titolate della Monarchia di Savoia, Roma, 1874, in-4°. (Achat.)

M. Bruchet fait le récit de la promenade effectuée à Annecy par les membres de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève. Arrivés samedi soir 6 juin, nos hôtes ont été salués à la gare par une délégation de la Société Florimontane. Notre vieille Société annécienne était heureuse de témoigner sa sympathie à nos voisins, qui avaient reçu dans leur Compagnie quelques-uns de nos meilleurs Florimontans: Eloi Se

(Rev. sav., 1903)

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rand, dès 1856, puis Lecoy de la Marche, Jules Philippe, l'abbé Ducis et Louis Revon, pour ne parler que des disparus, avaient été encouragés dans leur œuvre laborieuse en recevant le titre de correspondants. La Florimontane, reconnaissante de l'honneur fait à ses travaux, avait de son côté nommé membres d'honneur quelques-uns des collaborateurs de la savante Société suisse. Précisément l'un de ces derniers, M. Eugène Ritter, ancien doyen de la Faculté de Genève, faisait partie de la phalange qui entourait, à son arrivée, le président de la Société d'histoire et d'archéologie, M. Charles Seitz, professeur d'histoire moderne à l'Université de Genève. A leurs côtés se trouvaient notamment : M. Albert Næff, chef du service des Monuments historiques du canton de Vaud et architecte du château de Chillon; M. Emile Rivoire et M. Victor Berchem, qui ont publié soit sur Genève, soit sur le Valais, des ouvrages bien précieux pour notre région; M. Auguste Blondel, depuis longtemps un admirateur de Talloires; M. Tobie Chapperon, M. Camille Martin, M. Jean-Jacques Monnier, qui poursuit avec tant de courage son livre sur les Allobroges; M. Paul Schazmann, M. François Turretini, M. Frédéric Barbey, archiviste-paléographe, et M. Léopold Micheli, élève de l'Ecole des Chartes.

ment

Le soir même, tandis que s'éloignaient les fanfares du 11° alpin, nos hôtes, quittant l'hôtel Verdun, sont allés spontanéautres temps, autres mœurs rendre hommage à leurs anciens souverains et ont été longtemps retenus aux pieds des rocs de la Rampe du Château par la fière silhouette des Tours du Miroir et du Pommier, comme on disait il y a quelque cinq cents ans. Mais il fallait s'arracher à ce spectacle pour voir le clair de lune lacustre inscrit au programme de l'excursion. Et, lentement, faisant parler ces maisons du vieil Annecy, s'arrêtant devant l'escalier où Jean-Jacques attendait plein d'émoi le passage de Mlle Gallay allant faire ses dévotions, la petite caravane a terminé cette première journée par une promenade au Jardin public.

La matinée du lendemain a été consacrée à une excursion à Talloires en bateau à vapeur suivie d'une promenade aux Gorges du Fier et à Montrottier. MM. Marteaux, Nanche, Désormaux, Serand et Bruchet accompagnaient nos visiteurs.

Bientôt ceux-ci reviennent à Annecy. Un banquet servi à l'hôtel Beau-Rivage réunit dans une aimable intimité les membres de la Société d'histoire et la délégation florimontane. Au

champagne, M. Marteaux, en portant la santé de nos hôtes, les a remerciés d'avoir choisi Annecy parmi tant de villes qui pouvaient solliciter leur curiosité; il était heureux d'exprimer la reconnaissance éprouvée par ses collègues pour ce témoignage de sympathie envers les collaborateurs de la Revue savoisienne et l'œuvre déjà longue de la Société. M. Seitz, président de la Société d'histoire, a traduit ses regrets et ceux de ses collègues de ne pouvoir rester à Annecy aussi longtemps qu'ils l'auraient désiré; il a dit son espoir de voir se resserrer les liens qui unissent les deux Sociétés sœurs; si le 7 juin était un jour mémorable dans les fastes de la Florimontane, il figurerait aussi, a-t-il dit en terminant, dans les annales de la Société d'histoire et éveillerait longtemps chez tous ceux qui avaient pris part à cette excursion le souvenir d'une journée radieuse.

Bientôt le bateau Beau-Rivage vient prendre les excursionnistes pour les conduire au pied du Château. Nos hôtes ont consacré les dernières heures de leur séjour dans nos murs à étudier les anciens logis des comtes de Genève, munis de la bienveillante autorisation de M. le Colonel du 30°. Ils ont quitté Annecy à 5 heures du soir, après avoir longuement admiré l'œuvre de restauration entreprise par le service des Monuments historiques.

M. Marteaux présente une liste de noms de cours d'eau sur l'origine desquels il demande l'avis des membres présents. Certains ont une origine des plus simples et des moins anciennes ; c'est ainsi que le nant de Barlottier (Manigod) tire la sienne du nom patois de l'aubépine et la Froulâ (chalet du Nantet) de ce qu'en coulant elle agite les feuilles des trembles qui y inclinent leurs branches. Le Marmeton (Vovray-en-B.) doit être apparenté au verbe marmotter, tandis que le Bruissant (les Gets), qui correspond au Nant-Bruyant (Savoie), et la Bruizette, se rattachent au v. bruire, de même que la Crossaz (les Villards) paraît relever de l'ital. crosciare, bouillonner.

M. Désormaux entretient la Société d'une chanson anonyme en patois savoyard, de 1793, rédigée par un adversaire de la Révolution paraissant originaire du Faucigny .

M. V. Robert confirme cette opinion en la lisant et en la

commentant.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 6 h.1/2. Le Secrétaire, Marc Le Roux.

1. Suivant des renseignements très obligeamment communiqués par M. le Sénateur Duval, <<< il est probable que le patois de cette chanson est celui de la basse vallée de l'Arve ». Eile sera prochainement publiée dans la Revue de Philologie fr. et de Littérature.

LES

ANNEAUX-DISQUES PRÉHISTORIQUES

ET LES TCHAKRAS DE L'INDE

AVANT-PROPOS

<< Molte arme usavano gli antichi, le << quali hoggi di non s'usano piu, ne << quanto a la forma, ne quanto a la << materia.... Si vede ogni giorno fabri<< carsi arme nuove, alterate, e imbas<< tardite. »

(Fausto DA LONGIANO: Quali sieno arme da cavalliere, p. 6, Venise, 1559.)

Les armes étranges.

Dans l'étude des armes anciennes, à côté des types franchement accusés, comme l'épée et la dague pour les armes blanches, la hache et la masse pour les armes de coup, la pique et ses dérivés pour les armes d'hast, l'arc et l'arbalète pour les armes de jet, et enfin le fusil et le pistolet pour les armes à feu, on rencontre toute une série d'armes qui ne se rattachent que par des points imprécis à ces classes nettement déterminées. Souvent bizarres dans leur forme, et plus déconcertantes encore dans leur emploi, elles ont parfois dérouté l'archéologue qui a entrepris de les décrire ou de les expliquer.

Ce qui est vrai pour les armes offensives ne l'est pas moins pour les défensives, et, à côté des types classiques du bouclier et des diverses parties de l'armure, on trouve de nombreuses pièces qui s'écartent des règles habituelles non seulement par leur forme, mais aussi par leur destination.

Offensives ou défensives, c'est là ce que nous appelons LES ARMES ÉTRANGES, dont nous essayerons, dans une suite d'études, d'analyser les plus importantes et les moins connues.

En tête de ces armes, les anneaux-disques méritaient certes d'occuper le premier rang et nous tenions à le leur conserver ; mais l'article que nous leur avions consacré était terminé depuis longtemps que nous hésitions encore à le livrer à l'impression, faute de pouvoir combler une lacune qui le rendait très incomplet. Nous avions étudié les anneaux-disques de l'âge de pierre et les avions rapprochés des tchakras de l'Inde que nous connaissions par les ouvrages anglais d'Egerton et de Burton, et par les deux types de cette arme conservés à

l'Armeria de Turin; de la similitude de forme nous avions conclu à la similitude d'usage; mais nous manquions de documents pour relier l'époque préhistorique à l'époque moderne. Nous tenions les deux extrémités de la chaîne et les sentions soudées l'une à l'autre; les anneaux intermédiaires persistaient à demeurer invisibles et nous ne pouvions les présenter aux lecteurs.

Le Musée Guimet, minutieusement étudié, ne nous avait pas livré ce que nous cherchions, malgré sa richesse extraordinaire en objets asiatiques de toute nature. Les tchakras qu'on y rencontre ont la forme donnée à la représentation de cette arme par la liturgie indoue, et ressemblent plutôt au flabellum du moyen âge qu'à l'anneau-disque à bords tranchants de l'époque préhistorique, ou à celui des Akalis du nord de l'Inde.

C'est dans les anciens poèmes sanscrits, ces monuments d'une littérature remontant aux temps légendaires, que, pensions-nous, devaient se rencontrer les preuves qui nous manquaient et que nous étions impuissant à trouver. L'idée nous vint de nous adresser à M. Holstein, de Lyon; nous connaissions sa merveilleuse collection d'armes indiennes et persanes dont on peut admirer en ce moment vingt-quatre pièces choisies à l'Exposition des Arts musulmans, au Musée des Arts décoratifs, et nous le savions mieux renseigné que personne sur l'histoire de ces armes. Le résultat dépassa notre attente.

Avec une complaisance dont nous ne saurions trop le remercier, M. Holstein nous permit de puiser dans ses notes où nous avons trouvé en abondance les documents que nous cherchions, et l'indication des sources où nous avons pu les compléter. Qu'il reçoive ici l'expression de notre reconnaissance.

Nous ne prétendons pas d'ailleurs avoir découvert quelque chose de nouveau, et les orientalistes qui connaissent le tchakra d'après les anciens poèmes de l'Inde trouveront peut-être que nous enfonçons une porte ouverte. Mais ceux-là même auxquels les textes sont le plus familiers ne sont pas toujours ceux qui connaissent le mieux les objets qui s'y rapportent ; d'autre part, il est rare que les paléoethnologistes s'occupent d'armes orientales, et plus rare encore que les collectionneurs d'armes orientales étudient les questions préhistoriques; des deux côtés le rapprochement ne sera peut-être pas inutile.

Enfin, il nous a paru intéressant d'esquisser, avant son entière disparition, l'histoire d'une arme qui, après avoir été connue dans le monde entier et y avoir joué un rôle capital, a été depuis des siècles réduite à l'Inde d'abord, puis à une peuplade de l'Inde, et qui ne sera, demain peut-être, plus qu'un souvenir.

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