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que et de la Glyptique, aux différentes époques de l'art chez les anciens et chez les modernes.

Arrivé à l'époque du moyen-âge, M. Quentin a remarqué que les limites fixées, par le Dictionnaire de l'Académie française, pour la durée de cette époque, établissaient confusion avec le Bas-Empire et la Renaissance; il s'exprime en ces termes :

Les savants ne sont pas d'accord sur les limites du moyen-âge : L'Académie française a, dans son Dictionnaire, fixé les dates de cette époque aux années 475 et 1453. Ainsi cette époque commence à la chute de Rome, et finit à la chute de Constantinople. C'est une période de dix siècles. Or ce terme est bien long pour être compris dans une seule époque et sans divisions.

Un écrivain,auquel nous avons reproché un paradoxe en matière d'art, mais à qui nous n'en reconnaissons pas moins le mérite d'avoir étudié l'antiquité et de la savoir, a fait, sur la première des dates fixées par l'Académie, une réflexion judicieuse :

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Ceux, dit M. Granier de Cassagnac, qui allégueraient l'opinion » de l'Académie sur le sens du mot moyen-âge, tomberaient évidemment dans deux erreurs 10 ils confondraient le moyenâge avec le bas-empire; 20 Ils feraient tomber l'empire romain » un an trop tôt. Le dernier empereur d'Occident, Augustule, n'ayant été pris et relégué dans le château de Lucullane, par Odoacre, roi des Herules, qu'au mois de septembre 476, d'après » l'art de vérifier les dates. » (1)

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Cette critique est juste. Elle eût été plus complète et plus instructive (2) si elle eût indiqué la date qui sépare le bas-empire du moyen-âge. Car le commencement de cette dernière époque est l'objet d'une discussion sur laquelle on ne s'entend point, et la fin n'est pas moins susceptible de discussion que le commencement.

Les Bénédictins de Saint-Maur, dans leurs écrits sur la diplomatique et la paléographie, ont émis sur les bornes du moyen-âge une opinion différente de celle de l'Académie.Dom de Vaines, qui a résumé ces écrits dans son Dictionnaire raisonné de diplomatique, s'exprime ainsi : (page 16, tome 1er.) « Par la haute antiquité, il faut entendre celle qui précède l'établissement de la domination fran

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(1) Voyez le premier chapitre.

(2) Feuilleton de la Presse, du 5 février 1839.

» çaise; par moyen-âge, les siècles suivants jusqu'au XIe; par bas» temps, la durée subséquente, mais antérieure à la renaissance » des lettres. »

D'après cette définition, le moyen-âge commencerait dans l'année 420 avec Pharamond Ier, roi des français, et serait ainsi antérieur de 56 ans à la date fixée par l'Académie. La confusion du moyen-âge avec le bas-empire, subsisterait donc et serait même d'un demi-siècle plus longue. Quant à la fin du moyen-âge, elle précéderait de 4 siècles et demi la date fixée par l'Académie; et ce sont ces 4 siècles et demi auxquels dom de Vaines a donné la dénomination de bas-temps.

M. Dumersan, dans ses Éléments numismatiques, paraît avoir sur l'époque des bas-temps, une opinion toute autre que celle de dom de Vaines. En parlant du denier et du quinaire d'or, il ajoute : (page 104.) « Quelques pièces d'or de plus grands modules se trou» vent sous les empereurs ; il en existe même des bas-temps de di» mension fort grande. Il est propable que ces pièces, nommées » communément médaillons d'or latins, n'étaient pas des monnaies. »

Puisque ces médaillons d'or sont appelés latins, il y a tout lieu de penser qu'ils appartiennent aux derniers empereurs romains qui ont précédé la chute de l'empire d'Occident; car après cette époque, les empereurs ne sont plus censés romains. Ils sont grecs et byzantins. Or, à commencer de Dioclétien et de Constantin, l'on voit les médaillons d'or de grand et de petit module devenir assez fréquents dans la Numismatique, jusqu'à Constantin III. Et ces médaillons, qui peuvent être justement appelés latins, puisque les légendes en sont latines, sont antérieurs à la chute de l'empire d'Occident, par conséquent les bas-temps, bien loin d'être postérieurs au moyen-âge, lui seraient antérieurs.

Ce qui confirme cette conséquence, c'est l'assertion de M. Dumersan sur les dimensions fort grandes de quelques médaillons des bas-temps. En effet, il existe, de Justinien Ier, de très grands médaillons d'or et de bronze dont les lettres sont latines. Or, Justi– nien, né 7 ans seulement après la fin, non de la vie, mais du règne d'Augustule et qui se trouve, pour ainsi dire, son contemporain, doit ainsi, d'après l'assertion de M. Dumersan sur les médaillons, appartenir aux bas-temps.

Après Justinien, le module ordinaire revient presque toujours seul. Quelques médaillons, d'or de petit module, reparaissent à compter de Basile ler, en 866. Mais ces médaillons ne peuvent être considérés comme latins, puisque les légendes en sont grecques. Le module d'ailleurs est loin d'être grand. Ces médaillons sont

appelés bysantins, et il est évident que ce n'est pas de ces médaillons dont M. Dumersan a voulu parler.

Au milieu de ces opinions toutes contradictoires, qu'il nous soit permis d'en établir une que nous appuyerons sur la nunismatique et l'histoire. Elle sera exempte de la confusion reprochée à la limite fixée par l'Académie, et fixera avec probabilité les incertitudes sur l'époque des bas-temps.

Un grand événement nous paraît séparer le bas-empire du moyen-âge, et cet événement est la fondation de l'empire de Charlemagne. Ce prince fut couronné empereur des Romains le 25 décembre 801. Or le bas-empire avait alors cessé d'être latin, il était devenu bysantin. La numismatique vient ici au secours de l'histoire pour appuyer ces deux faits. L'un est justifié par l'introduction des lettres grecques dans les légendes des monnaies de l'empire d'Orient, introduction dont les premiers signes parurent sous les 2 Tibères dans les 20 dernières années du VIe siècle. L'autre fait est établi par un sceau frappé à Rome, à l'effigie de Charlemagne, sceau publié par Leblanc et qui est placé aujourd'hui dans la collection des médailles de la bibliothèque royale. Ce sceau porte la légende latine D. N. Karlus imp. perpetuus et au revers la porte d'une ville surmontée d'une croix, avec cette légende d'une signification importante et positive: Renovatio Romani imperii et à l'exergue, Roma. Plusieurs monnaies de Charlemagne, frappées à Rome, lui donnent le titre d'empereur Karolus imp. et portent au revers l'effigie de saint Pierre avec la légende S. C. S. Petrus. Voilà donc le renouvellement de l'empire romain constaté par des monuments numismatiques, qui nous semblent indiquer d'autant mieux le commencement du moyen-âge, qu'il l'exempte de toute confusion avec le bas-empire, et avec les bas-temps.

Mais comment désigner le temps écoulé depuis la chute de l'empire romain, jusqu'à son renouvellement par Charlemagne ? Ce temps forme une période de 325 ans, pendant laquelle s'éleva en Italie la domination des Lombards, et dans les Gaules celle des Francs et de nos Rois de la première race. Cette époque ne pourrait-elle pas être appelée celle des bas-temps? Une telle dénomination nous paraîtrait d'autant plus justement appliquée, qu'aucun des temps postérieurs ne fut, autant que celui-ci, entaché d'ignorance et de barbarie. Et d'abord le temps écoulé depuis le IIe siècle jusqu'à la renaissance, auquel dom de Vaines a donné la dénomination des bas-temps, a été supérieur en civilisation aux deux siècles qui se sont succédés depuis le règne de Justinien, jusqu'au couronnement de Charlemagne; et si, comme on doit le croire, le

moyen-âge doit être considéré comme une époque intermédiaire entre la civilisation des anciens et la civilisation des modernes, l'époque qui a précédé Charlemagne peut encore mieux que les quatre siècles qui ont précédé la renaissance, recevoir la dénomination des bas-temps. L'on ne peut contester que ce ne soit à dater de Charlemagne, que la civilisation éteinte en Italie, depuis la conquête de Rome par les barbares, commença à renaître et à s'étendre parmi les peuples de l'Occident; et si, par exemple, on compare les mœurs de notre première race,dans le VIe siècle,avec celles de la deuxième et de la troisième, dans les VIIIe et XIe siècles, l'on restera convaincu que la civilisation de la première race ne figure qu'au dernier rang dans les fastes de notre histoire.

La dénomination des bas-temps conviendrait d'autant mieux à la cinquième époque, que cette époque est celle de la chute de l'art, et coïncide ainsi avec celle de la civilisation. Au reste, il importe peu que l'on reconnaisse une époque dite des bas-temps, et nous ne reprocherons pas à l'Académie d'avoir négligé d'en faire mention dans son Dictionnaire; mais il importe d'éviter la confusion des époques, et par conséquent de séparer, par de justes limites, le moyen-âge du bas-empire.

La date fixée par l'Académie, pour la fin du moyen-âge, établit la même confusion d'époques que celle fixée pour le commencement. Cette confusion existe avec l'époque de la renaissance. La chute de l'empire grec, en 1453, est tardive. La renaissance avait précédé la prise de Constantinople par Mahomet II, de plus d'un siècle et demi. Cimabue et le Giotto, son élève, sont nés dans le XIIe siècle. Cimabue est mort l'an 1300 et le Giotto en 1336. Or ces deux peintres célèbres comptent nécessairement dans l'époque de la renaissance, puisque Cimabue même aurait le droit d'en être regardé comme le fondateur.

M. Raoul Rochette, en parlant de l'art toscan, comme du principal phénomène du génie moderne, donne un aperçu des travaux de cet art dans son Cours d'archéologie, et dit : (page 197,) « qu'ils » s'exécutèrent dans la période qu'on appelle de la Renaissance qui » s'étend du XIII au XVIe siècle. Ils sont tous, ou à peu près tous, » renfermés entre Giotto et Michel-Ange. »

Le Giotto profita des leçons de Cimabue pour imiter la nature. Il bannit, de l'art de peindre, cette manière grecque du moyen-âge, qui, pour nous servir de l'expression naïve de Vasari, était goffa, ce qui veut dire à la fois inélégante et disgracieuse. Le Giotto introduisit l'art de peindre d'après nature, qui était perdu depuis un grand nombre de siècles. (Che molti centinaia d'anni non s'era usato.}

C'est donc à juste titre que le Giotto est compris dans la Renaissance, comme le restaurateur de la peinture. Nous venons de voir que la mort de ce peintre a précédé la date de 1453 de 117 ans. La fin de Cimabue, en 1300, est d'un siècle et demi antérieure à cette même date. Nous sommes donc fondés à la considérer comme tardive.Il est évident que,dans les limites fixées par l'Académie pour la fin, comme pour le commencement du moyen-âge, il y a confusion d'époques, la première avec le bas-empire, la deuxième avec la renaissance.

Une partie des monuments les plus remarquables de la renaissance, ont été exécutés antérieurement à l'époque de 1453. Nous nous contenterons d'en citer trois pour exemple: 1o Les fameuses portes de bronze de l'église de Saint-Jean à Florence, qu'Andrea Pisano sculpta sur les dessins du Giotto, et qui, après 22 ans de travail, furent terminées en 1339; 2o Les autres portes de bronze, plus fameuses encore que Lorenzo Ghiberti sculpta pour la même église, et que Michel-Ange trouvait si belles, qu'il les jugeait dignes d'être les portes du paradis; 3o Enfin la coupole de SainteMarie del Fiore à Florence, par Brunelleschi, coupole magnifique, à huit faces, objet de l'admiration de Michel-Ange et qui lui inspira l'idée de la coupole de Saint-Pierre. Ces chef-d'œuvres et beaucoup d'autres, sont tous plus ou moins antérieurs à l'année 1453. En nous bornant à une seule date, nous remarquons que les portes du Pisan sont plus anciennes de 114 ans.

L'Académie, en choisissant la date de 1453, a voulu rattacher la fin du moyen-âge à un grand événement politique, comme elle l'a fait pour son commencement. Mais l'événement devait toujours coïncider avec l'époque qui a succédé au moyen-âge. Or, qu'a de commun la prise de Constantinople avec la renaissance? La domination ottomane a-t-elle fait renaître la civilisation et les arts dans l'Orient? Au contraire, elle les y a maintenus dans un état de barbarie-encore plus profond. L'Orient n'a participé en rien à la renaissance, pas même par le renvoi des artistes grecs qui, à l'époque de 1453, étaient très-inférieurs aux artistes italiens.

Si donc on veut rattacher la fin du moyen-âge à un événement politique, ce n'est pas dans l'Orient qu'il faut le chercher, c'est dans le pays même qui a vu finir le moyen-âge et commencer la renaissance. Or ce pays c'est l'Italie, et puisque c'est dans l'histoire de Rome que l'on a pris l'événement auquel se rapporte le commencement du moyen-âge, soit en 476 à la chute d'Augustule, comme le veut l'Académie, soit, comme nous le proposons, en 801, au couronnement de Charlemagne ; pourquoi ne pas prendre en

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