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Chenilles vivant de feuilles. Parmi celles-ci, les unes restent sur la feuille dont elles se nourrissent, ou s'en écartent peu; les autres, aussitôt après avoir mangé, vont au contraire chercher sur les troncs des arbres ou sur les branches, un endroit dont la couleur soit pareille à la livrée qu'elles portent ; d'autres enfin après avoir satisfait au même besoin, s'éloignent de la plante pour chercher un abri souvent à une assez grande distance.

Les premières ont ordinairement des teintes générales plus ou moins vertes ou jaunâtres, peu ou point de dessins, telles sont les larves des Cosmia trapezina, Halias quercana, ete.

Les couleurs des secondes ressemblent tellement aux nuances grises des écorces et des lichens, que l'observateur le plus exercé est souvent trompé par cet accord parfait; aussi, faut-il la plus grande attention aidée d'une longue expérience pour apercevoir et discerner les chenilles des Lasiocampa Betulifolia, Populifolia, Quercifolia, Pini, lineosa; Liparis monacha; Catephia alchymista; Ophiusa lunaris; Metrocampe margaritaria, et de tant d'autres espèces lichénicolores.

Enfin les dernières se rapportent aux larves qui ont pour habitude de se cacher, et offrent les mêmes caractères.

Chenilles vivant des pétales des fleurs ou des graines au milieu ou près desquelles elles se tiennent. Elles sont ordinairement monophages (1). Leurs couleurs sont vives, et semblables à celles des feuilles, des fleurs ou des graines du végétal qui les nourrit,et quelquefois à tel point que l'œil qui ne connaît pas, croit encore voir une fleur restée à sa tige long-temps après que celle-ci est dégarnie de sa parure. Comme exemple, je citerai les chenilles des Xylina Delphinii; Cucullia Asteris, Verbasci, Blattariæ, Chamomilla, Absinthii, Tanaceti.

Je ferai remarquer, en passant,que,si l'on avait cherché à désigner cette dernière, d'après quelque analogie propre à la faire reconnaître facilement, on ne lui aurait point donné la dénomination vi

(1) Presque toutes les chenilles qui ne vivent que de fleurs ou de graines encore tendres, ne se trouvent qu'une seule fois par an, passent l'hiver à l'état de chrysalide, et le Lépidoptère apparaît quelque temps avant la floraison: tandis qu'au contraire un grand nombre de celles qui se nourrissent de feuilles, sont polyphages, paraissent deux fois chaque année et passent l'hiver à l'état de larve ou n'éclosent qu'après cette saison.

cieuse de C. Tanaceti; car on lui a positivement imposé, de même qu'à tant d'autres, le nom de la plante sur laquelle on la rencontre le moins souvent, et parconséquent dont elle s'éloigne le plus quant aux couleurs. On la trouve communément sur l'Absinthe, l'Artemisia Abrotanum, l'Anthemis cotula et rarement sur le Tanacetum vulgare.

Chenilles granivores restant cachées dans les capsules. - Il est facile de juger qu'une capsule dont l'organisation intérieure est continuellement détruite par une larve qu'elle recelle,doit dépérir promptement, et, de verte qu'elle était, devenir bientôt d'un gris brun ou jaunâtre, couleur particulière aux végétaux desséchés; c'est aussi précisément la teinte de la plupart des espèces qui habitent et croissent dans cette partie de la plante. Telles sont les Hadena capsincola, carpophaga; Polia albimacula, etc.

Une couleur brillante les eût trahies au fond des capsules auxquelles, vers la fin de leur croissance, elles ont été obligées de faire un assez grand trou pour entrer ; tandis qu'au contraire, leurs nuances brunes, confondues avec celles de leurs demeures presque desséchées, leur assurent une existence tranquille dans les habitations qu'elles se sont choisies.

Elles

Chenilles qui vivent dans les péricarpes charnus ( les fruits). ne comptent que de petites espèces vermiformes, à couleurs fades, différant peu de celles des fruits qu'elles rongent. La nature ne s'est pas mise en frais pour orner leur robe; cela eût été inutile, ces larves étant destinées à vivre cachées (1).

Celles-ci exploitent

Chenilles qui vivent de substances animales. les étoffes, les fourrures, etc., font leurs ravages dans l'ombre où trop souvent leurs couleurs obscures et livides, et plus encore les fourreaux qu'elles ont l'instinct de se construire, les laissent inaperçues. (2).

M. Lacordaire (3), en traitant des larves dit, qu'en thèse générale, les couleurs d'une chenille ne peuvent faire préjuger en rien

(1) Les chenilles qui vivent dans les fruits charnus ne se métamorphosent point dans ces mêmes fruits; en cela, elles sont contraires à beaucoup d'autres chenilles endophytes, et pour une bonne raison, car elles eussent été exposées à périr lors de la maturité de leurs demeures.

(2) Les Teignes.

(3) Introduction à l'Entomologie, tome 1er page 124.

celles de l'insecte parfait, et, d'après De Geer, il ne cite que deux exceptions contraires, de telle sorte que l'on pourrait considérer comme une règle, la non ressemblance de la larve avec le Lépidoptère.

Cette observation prouve que les analogies antérieurement signalées sont des moyens de conservation, que là où elles ne présentent aucun but utile, là aussi elles cessent d'avoir lieu. En effet, à quoi bon des ressemblances entre des êtres qui ne peuvent se rencontrer et dont les mœurs n'ont rien de semblable? N'eussentelles pas été des anomalies dans un plan tel que celui présenté par la nature? toutefois, l'insecte à son état parfait quoique très-différent de sa larve, offre la continuation du même système (1) et lui est comparable à cet égard; car l'on trouve constamment le dessous des ailes d'un diurne, et le dessus de celles d'un nocturne exactement de même couleur que le lieu où ils se tiennent en repos. Telle larve était vertę, parce qu'elle devait vivre sur des feuilles jeunes et vives, tandis que le Lépidoptère sera couleur feuillemorte, parce qu'il se cachera sous des feuilles desséchées (2). Le choix, souvent opposé mais cependant parfaitement convenable, que fait l'insecte dans ses différents états, pour se mettre à couvert, est dans son instinct; il se porte sans raisonnement vers les divers endroits qui peuvent assurer sa conservation, de même que l'animal tombé dans l'eau nage pour se sauver sans savoir ce qu'il fait.

Pour démontrer cette continuation d'analogies conservatrices, quelques exemples suffiront. Je citerai des familles, des genres

entiers.

Les Piérides sont blanches ou jaunes à l'exception du dessous des secondes ailes qui est marbré de vert, seule partie apparente au moment du repos.

Les Polyommates ont le dessus de leurs ailes noir, jaune ou d'un bleu très-éclatant, et le dessous vert, brun ou parsemé de points colorés sur un fond blanc, selon que l'insecte se pose sur des feuilles ou sur des fleurs.

Le dessous des ailes des Satyres ressemble parfaitement soit aux roches grisâtres, soit aux écorces des arbres sur lesquelles ils se reposent.

(1) Également appliqué aux chrysalides.

(2) Triphana pronuba, orbona.

L'on sait que les chenilles de ces différents Lépidoptères portent des couleurs et des dessins qui n'ont rien de commun avec ceux de l'insecte parfait.

Dans les Nocturnes, combien de Noctuelles, de Phalènes viendraient témoigner d'une manière encore plus concluante. Enfin si l'on descendait aux espèces, on trouverait là des rapports d'autant plus frappants que la comparaison serait plus spéciale.

Les variétés constantes que l'on remarque chez un grand nombre d'individus de même espèce, dont les teintes générales diffèrent en raison des plantes qui les nourrissent; l'organisation qui se modifie chez certaines larves, suivant les lieux qu'elles choisissent pour leur retraite, sont une nouvelle preuve que les couleurs et les diverses conformations n'ont point été données au hasard, mais bien d'après un plan conservateur qu'il est impossible de méconnaître. Voici deux exemples de ces divers changements.

Le premier est extrait de Godart (1). Il s'agit de la chenille du Bombyx quercifolia (2) qui compte trois variétés distinctes. Voici textuellement ce que dit l'auteur :

«Elle se tient tellement collée contre les branches qu'on ne se » douterait pas de sa présence sans les excréments qui la trahissent. » Les jardins fruitiers sont les localités qu'elle aime le mieux. Des » observations suivies pendant une quinzaine d'années, et toujours » faites d'après beaucoup de sujets, m'ont appris que les individus qui habitent le poirier, le prunier, le cerisier, et l'alaterne sont or» dinairement d'un gris-brun ou noirâtre ; que ceux qui mangent les » feuilles de l'épine et du pommier sont d'un gris-blanchâtre ou rou» geâtre; que ceux enfin qui ont le dos jaspé se rencontrent presque » toujours sur le saule et sur l'osier. Ces différences, dans la cou» leur de la chenille, n'influent point sur la couleur de l'insecte » parfait.

«

Le second exemple est offert par les chenilles de la Triphana pronuba chez lesquelles on rencontre deux variétés très-tranchées : l'une se cachant dans la terre, l'autre se mettant à couvert sous les feuilles.

Les individus de la première, parvenus au terme de leur croissance, en mars, se trouvent aux pieds des arbres, dans le sol à

(1) Histoire des Lépidoptères, tome IV, page 78.

(2) Lasiocampa quercifolia Boisd. Catal.

environ un pouce de profondeur; ils sont d'une couleur vert-sale, rembrunie et livide, leur peau est lisse et comme polie. Ceux de la seconde,paraissant à la même époque, mais se developpant plus rapidement à l'approche du temps fixé pour la métamorphose, ont au contraire des couleurs assez vives et la peau veloutée (1).

La différence qui existe entre ces deux variétés est si grande que, les ayant dessinées sans les connaître, je ne pouvais croire de la même espèce, les Lépidoptères qui en étaient sortis, quoiqu'ils ne présentassent aucune dissemblance.

Les taches oblongues, moitié noires, moitié jaune-paille, que l'on voit de chaque côté dans la région dorsale, très-oblitérées chez les individus qui s'enfoncent dans la terre, et les deux petites lignes brunâtres marquées sur la tête, sont les seuls indices qu'elles aient conservés de leur commune origine.

A ces deux exemples, il serait facile d'en ajouter beaucoup d'autres, si, comme il a été dit plus haut, les limites d'un mémoire n'excluaient pas de trop nombreuses citations.

DES DESSINS.

On peut considérer les dessins qui ornent les chenilles, comme le complément des deux moyens de conservation dont on vient de parler. Composés tantôt de lignes droites, obliques, courbes ou brisées ; tantôt de cercles, de demi-cercles, de taches, de points; toujours ils sont distribués de manière à offrir des rapports avec quelque partie des tiges, des feuilles, des fleurs ou des graines. Et de même que l'on trouve dans les robes des chenilles la couleur verte plus généralement répandue, attendu qu'elle est plus commune chez les végétaux, de même aussi existe-t-il une disposition de dessin plus souvent reproduite, savoir, celle des lignes droites, par la raison que les parties linéaires sont plus nombreuses dans la composition des plantes.

La plupart des chenilles portent des lignes ou bandes longitudinales qui varient ordinairement de deux à cinq; néanmoins, plusieurs espèces en ont un plus grand nombre: mais il faut observer,

(1) En général, les chenilles qui passent l'hiver ou qui vivent dans la terre, croissent plus lentement que les espèces qui paraissent à la belle saison ou qui vivent à la surface du sol; elles peuvent aussi rester privées de nourriture beaucoup plus long-temps, sans être aucunement indisposées d'un long jeûne.

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