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même manière? Les glumes uniflores ont-elles leur fleur latérale ou terminale au pédoncule? Les épillets multiflores ont-ils toujours leurs fleurs placées sur les côtés d'un axe indéfini ?

Supposons, pour un instant, que toutes les fleurs soient latérales, alors l'inflorescence aura un type unique, centripète dans la spicule isolée, centrifuge dans l'ensemble des spicules. Mais s'il existe des genres à fleurs terminales, pour eux l'inflorescence sera centrifuge sous tous les rapports.

L'examen de cette dernière question nous obligerait à passer en revue tous les genres de Graminées, et autant que possible à l'état frais. Ce travail est trop au-dessus de nos forces pour que nous osions l'entreprendre. Heureusement la solution de ce problème n'influe en rien sur la connaissance de la succession des rameaux. D'après nos recherches, quelle que soit la structure d'un épillet uniflore ou multiflore, les valves extérieures ont toujours la même position symétrique sur l'axe du pédoncule. La panicule des Agrostis, Anthoxanthum, Alopecurus, ne diffère pas de celle des Avena, Poa, Bromus. Ainsi, sans savoir comment se terminent les axes, nous pourrions encore étudier la manière dont ils se ramifient.

Ne nous flattons pas d'arriver à des résultats applicables à toute la famille des Graminées, quoi qu'elle soit très-naturelle. Nous avons examiné moins de 200 espèces soit vivantes, soit desséchées, l'éloignement des bibliothèques publiques et des grandes collections nous interdit une étude complète. Privés des Graminées exotiques, nous avons redoublé de patience pour observer les plus vulgaires et pour généraliser ce qu'elles offrent de commun entr'elles.

La route que nous suivons est à la vérité semée d'écueils, mais le brin d'herbe qui se trouve partout, est évidemment symétrique dans ses rapports d'ensemble. Chaque rameau est organisé comme sa tige, le ramuscule comme une sommité de rameau; l'épi le plus simple en se combinant avec d'autres épis, constitue les panicules les plus composées. Ainsi l'unité d'organisation se retrouve dans les détails de l'ensemble, et tous les fragments d'une tige sont homogènes entr'eux. La partie inférieure du chaume toujours distique perd quelquefois ce caractère dans l'axe central de l'inflorescence; mais le caractère distique est tellement fixe, qu'après avoir varié un instant, il ne tarde pas à reparaître dans les rameaux latéraux.

Notre Mémoire sera divisé en deux parties dans la première, nous donnerons les preuves de l'existence des fleurs terminales parmi les Graminées ; dans la seconde, nous étudierons l'inflores

cence de toutes les espèces que nous avons pu analyser. Exprimons ici nos regrets de ne pouvoir citer toujours l'opinion des savants botanistes qui ont examiné, avant nous, plusieurs de ces questions. Il nous serait agréable de fonder notre opinion sur leurs découvertes, en rendant à leurs travaux toute la justice qu'ils méritent.

PREMIÈRE PARTIE.

DISTINCTION DES FLEURS TERMINALES ET DES FLEURS

LATÉRALES.

Une fleur est terminale toutes les fois que l'axe de ses parties foliacées est la continuation de celui de la tige; elle est latérale aucontraire, lorsque l'axe du pédicelle provient d'un nœud de la tige. Le premier cas est-il avéré dans la vaste famille des Graminées ?

Quoique cette question ait été, je crois, peu étudiée, l'opinion des botanistes est plutôt affirmative que négative.M. de Candolle,en classant l'inflorescence de ces plantes parmi les épis (Org. Vig. 1. p. 404), semblerait reconnaître que les fleurs sont toujours latérales à l'axe de leurs épillets; mais il n'est pas probable qu'il ait étendu sa manière de voir à toutes les spicules uniflores.

Un botaniste qui a prétendu réformer l'Agrostographie admet l'existence des fleurs terminales. On doit du moins tirer cette conséquence du travail de M. Raspail, dans l'examen des dix genres placés en tête de sa classification. Chez eux, la paillette supérieure des fleurs serait imparinerviée, ce qui prouve, dans son système, que l'axe de l'inflorescence ne peut ni se détacher de la fleur, ni se prolonger au-delà. Mais les idées qu'il cherche à démontrer sont, en général, tellement éloignées des opinions reçues, qu'elles ont eu jusqu'à ce jour peu de partisans. (Voyez Ann. des Sc. Nat. t. Iv et v.)

Commençons par examiner ce qu'on sait de positif sur l'organisation d'un épillet dont les fleurs sont latérales, de l'aveu de tous les botanistes.

§. I. ORGANISATIon de l'épillet pourvu de fleurs latérales.

Les botanistes s'accordent à donner un nom particulier aux deux valves stériles de chaque épillet, et un autre nom à celles qui entourent immédiatement la fleur. Toutes les bractées étant des feuilles modifiées, doivent se distinguer, avant toute autre considération, par l'axe qui les porte. Ainsi on en remarquera de trois supports différents: 1o Celles qui existent sur l'axe primaire de l'inflorescence sont visibles aux nœuds inférieurs des Anthoxanthum odoratum, Bromus mollis; le plus souvent leur place est marquée par une callosité ou bien elles avortent complètement. La feuille turbinée qui entoure la fleur fémelle du Coix lacryma n'est pas un involucre, mais un pétiole endurci que termine un limbe plus ou moins long. 20 Les bractées qui naissent de l'axe des épillets sont les unes situées au-dessous, comme la glume externe ou lépicène ; comme la valve inférieure de la corolle (Linné) qui porte le pédicelle floral à son aisselle. Les autres sont au sommet de l'épillet, et forment les bractées stériles ou abortives qui terminent les glumes multiflores des Bromus, Festuca. Quelques-unes ont à leur aisselle une bractée membraneuse, une fleur unipaléacée ( Panicum altissimum); ou bien des fleurs mâles, (Holcus, Pennisetum typhoideum). 3o La valve la plus intérieure, ordinairement bicarénée, adossée à l'axe de l'épillet, mériterait d'être distinguée par un nom particulier, parce qu'elle appartient au pédicelle de la fleur et non à l'axe de l'épillet. L'enveloppe, appelée corolle par Linné, calice par de Jussieu, valvules (Gaudin), glume interne, glumelle, périgone (Duby), n'est pas homogène ; elle provient de feuilles fournies par deux axes différents.

M. de Candolle penche en faveur de l'opinion des auteurs qui regardent les lodicules comme les rudimens du périgone des Graminées. Il regarde avec M. R. Brown la valvule interne comme formée de deux pièces, est celle qui précède, comme complétant le nombre ternaire. ( Org. 1. p. 447 ). Les lodicules sont au nombre de trois dans les genres Bambusa, Glyceria; quelquefois la troisième est plus petite et son absence, dans plusieurs cas, peut tenir à un avortement ou à une soudure intime. (id. p. 504). Voici les réflexions que je me permettrai d'opposer à cette manière de voir.

Si la valve bicarénée était formée de deux pièces soudées, on devrait avoir la même opinion sur la première feuille des bourgeons distiques, nés à l'aisselle des feuilles inférieures des Panicum, Digi

taria, Festuca, Brachypodium. Cette première feuille adossée à l'axe de la tige est en effet bicarénée; les suivantes perdent ce caractère. Or l'admission d'un verticille ternaire dans ce point n'est d'aucune utilité à la science et ne présente aucune probabilité en sa faveur. Pourquoi la valvule supérieure d'une fleur de Graminée, qui est aussi la première feuille d'un axe nouveau, serait-elle considérée d'une manière différente?

L'analogie avec quelques graminées à trois lodicules ne nous paraît pas suffisante pour faire admettre une soudure ou un avortement dans les deux lodicules ordinaires. D'après toutes nos observations, lorsque le système ternaire succède au distique, la dernière feuille distique est placée à 60o de deux feuilles du verticille terné. Rappelons-nous que, dans toute fleur latérale des graminées, les deux lodicules sont en avant avec une étamine entr'elles, et deux étamines sont en arrière. La troisième lodicule, si elle était nécessaire, devrait donc se placer en arrière, afin d'alterner avec les trois étamines dont la place est déjà fixée. Mais la valvule supérieure occupe ce même lieu et remplace une lodicule. Supposons maintenant que cette première valvule ne soit pas partie intégrante du premier verticille terné, elle sera sans contredit la bractée unique d'un pédicelle floral appartenant à l'ordre distique. Dans cette hypothèse, pour conserver l'alternance de deux systèmes différents, les deux lodicules devraient être en arrière et la troisième abortive en avant; puis les étamines seraient deux en avant, une en arrière. Or l'observation est contraire à cette hypothèse. Dans un Iris, par exemple, la bractée sous-florale répond toujours à l'écartement de deux des trois pétales extérieurs.

La position des étamines étant fixe dans les Graminées, nous sommes donc obligés d'adopter l'opinion dans laquelle la valvule supérieure occupe la place et remplit les fonctions d'une troisième lodicule. Pour expliquer cette symétrie nous n'avons besoin d'admettre ni soudure, ni avortement quelconque réservons cette supposition pour les cas où elle est nécessaire. Ainsi dans le Bromus madritensis, l'étamine antérieure manque évidemment; dans le Nardus stricta au contraire, les deux lodicules manquent, mais leur présence dans cette espèce, comme dans les graminées ordinaires n'est pas indispensable à la conservation des lois de l'alternance. Leur soustraction ne changerait pas la symétrie accoutumée.

Nous en avons un exemple dans la fleur femelle du Coix: audedans des quatre valvules du pédicelle floral est une cinquième valvule qui alterne avec deux étamines abortives, la troisième éta

mine restant opposée. Cette valve intérieure située en avant est, ou bien une cinquième valve de la glume, les lodicules avortant complètement, ou bien une lodicule unique, dont la position fixe celle des trois étamines. Observons que,dans la fleur mâle,on trouve deux lodicules à l'ordinaire.

Le Sorgho a été décrit par M. Persoon comme ayant à sa corolle une troisième valve plus intérieure, embrassant les nectaires villeux (lodicules); cette troisième partie forme un verticille avec les deux lodicules, qui alterne avec les trois étamines : on peut la considérer indifféremment comme une troisième lodicule, ou comme une cinquième valve de la glume. (Synopsis Pl. p. 101).

Si j'ai bien compris les observations de M. de Laharpe ( Ann. des sc. ant. t. v. p. 339) dans le Bambusa arundinacea, la paillette supérieure est placée dans l'écartement de deux lodicules, et la troisième lodicule lui est opposée. Ensuite viennent trois étamines alternes, puis trois étamines correspondantes aux lodicules. Ici la valve supérieure ne fait pas partie du premier verticille ternaire ; c'est une feuille inférieure à ce système et appartenant à l'ordre distique. Mais dans les graminées ordinaires, les lodicules sont autrement placées et doivent appartenir au même verticille que la valvule supérieure. (1)

J'ai trouvé deux lodicules seulement sur les fleurs des Stipa tenacissima, Arundo festucoides, où divers auteurs ont cru en apercevoir trois. Nous n'hésitons pas à croire que, dans les faits bien constatés de trois lodicules, leur position est entièrement changée par rapport à la valve supérieure, adossée à l'axe de l'épillet. Dans les autres cas,nous trouvons toujours les pédicelles des fleurs latérales, munis d'une valve bicarénée en arrière, de deux lodicules en avant, une étamine en avant et deux en arrière, un ovaire médian dont le sillon regarde en arrière. Si d'ailleurs la valve bicarénée était formée de deux pièces, où serait la troisième partie du ver

(1) L'auteur qui désire perfectionner l'étude des Graminées, ne doit pas détourner le sens d'un mot technique de celui adopté par son inventeur. M. de Candolle ayant donné une signification précise au mot Périgone en l'appliquant aux Lodicules des Graminées, il n'est pas permis de dire: « Singulo flori perigonium ( Glumella ) glumæ analogum, plerumque » bivalve. » Bot. Gall. 1. page 499. La Valve inférieure de la Glumelle ne peut, dans aucune supposition, appartenir à un Périgone. L'inexactitude qui s'est glissée dans l'ouvrage d'ailleurs si précis de M. Duby, est corrigée par ce que dit le même auteur en parlant des Cypéracées, pag. 483: « Gluma aut squama univalvis, perigonium nullum. »

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