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avait mis à la fortifier: c'était partout un roc uni; c'étaient des foffés profonds de vingt pieds, LV. & en quelques endroits de trente, taillés dans ce roc; c'étaient quatre-vingt mines fous des ouvrages devant lefquels il était impoffible d'ouvrir la tranchée: tout était impénétrable au canon, & la citadelle était entourée partout de ces fortifications extérieures taillées dans le roc vif.

Le maréchal de Richelieu tenta une entreprife plus hardie que n'avait été celle de Bergopfom; ce fut de donner à la fois un affaut à tous ces ouvrages qui défendaient le corps de la place.

On defcendit dans les foffés malgré le feu de l'artillerie anglaife; on planta des échelles hautes de treize pieds: les officiers & les foldats parvenus au dernier échellon s'élançaient fur le roc en montant fur les épaules les uns des autres: c'est par cette audace difficile à comprendre qu'ils fe rendirent maitres de tous les ouvrages extérieurs. Les troupes s'y portèrent avec d'autant plus de courage, qu'elles avaient à faire à près de trois mille anglais fecondés de tout ce que la nature & l'art avaient fait pour les défendre.

Le lendemain la place fe rendit. Les anglais 29. Juin ne pouvaient comprendre comment les foldats 1756 français avaient efcaladé ces foffés, dans lesquels il n'était pas poffible à un homme de fang froid de defcendre. Cette action donna une grande gloire au général & à la nation, mais ce fut le dernier de fes fuccès contre l'Angleterre.

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CHAP. CINQUANTE-SIXIEME.

GUERRE EN ALLEMAGNE.

Un électeur de Brandebourg refifte à la maifon d'Autriche, à l'empire allemand, à celui de Ruffie, à la France.

EVENEMENS MÉMORABLES.

N avait admiré Louis XIV. d'avoir feul

Orale à l'Allemagne, à l'Angleterre, à

Pltalie, à la Hollande, réunis contre lui. Nous avons vû un événement plus extraordinaire, un électeur de Brandebourg tenir feul contre les forces de la maifon d'Autriche, de la France, de la Ruffie, de la Suéde, & de la moitié de l'empire.

C'eft un prodige qu'on ne peut attribuer qu'à la difcipline de fes troupes, & à la fupériorité du capitaine. Le hazard peut faire gagner une bataille, mais quand le faible réfifte aux forts fept années dans un pays tout ouvert, ce ne peut être l'ouvrage de la fortune. C'est en quoi cette guerre difére de toutes celles qui ont jamais défolé le monde.

On a déja vu que le fecond roi de Pruffe étant le feul prince de l'Europe qui eût un tréfor, & le feul qui eût mis dans fes armées une vraie difcipline, avait établi une puiffance nou

velle en Allemagne. On a vu combien les pré- C. paratifs du père avaient enhardi le fils à braver LVL feul la puiffance autrichienne, & à s'emparer de la Siléfie.

L'impératrice reine attendait que les conjonctures lui fourniffent les moyens de rentrer dans cette province. C'eût été autrefois un objet indiférent pour l'Europe, qu'un petit pays,annexé à la Bohême, apartint à une maison ou à une autre mais la politique s'étant rafinée, plus que perfectionnée en Europe, ainfi que tous les autres objets de l'efprit humain, cette petite querelle a mis fous les armes plus de cinq cent mille hommes. Il n'y eut jamais tant de combattans effectifs, ni dans les croifades, ni dans les irruptions des conquérans de l'Afie. Voici comment cette nouvelle fcène s'ouvrit.

Elifabeth, impératrice de Ruffie, était liée avec l'impératrice Marie-Thérèse par d'anciens traités, par l'intérêt commun qui les uniffait contre l'empire ottoman, & par une inclination réciproque. Augufte III. roi de Pologne, & électeur de Saxe, réconcilié avec l'impératrice reine, & attaché à la Ruffie, à laquelle il devait le titre de roi de Pologne, était intimément uni avec ces deux fouveraines. Ces trois puiffances avaient chacune leurs griefs contre le roi Féderic. Marie Thérèse voyait la Siléfie arrachée à fa maison; Augufte & fon confeil fouhaitaient un dédommagement pour la Saxe ruinée par le roi de Pruffe dans la guerre de 1741. & il y avait entre Elifabeth & Féderic

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LVI.

16. Janv. 1756.

deric des fujets de plainte perfonnels.

Ces trois puiffances animées contre le roi de Pruffe, avaient entre elles une étroite corrcfpondance, dont ce prince craignait les effets. L'Autriche augmentait fes troupes, celles d'Elifabeth étaient prêtes; mais le roi de Pologne électeur de Saxe était hors d'état de rien entreprendre; les finances de fon électorat étaient épuifées; nulle place confidérable ne pouvait empêcher les pruffiens de marcher à Drefde. Autant l'ordre & l'œconomie rendaient le Brandebourg formidable, autant la diffipation avait affaibli la Saxe. Le confeil faxon du roi de Pologne héfitait beaucoup d'entrer dans des mefures qui pouvaient lui être funestes.

Le roi de Pruffe n'hésita pas, & dès l'année 1755. il prit feul, & fans confulter perfonne la réfolution de prévenir les puiffances dont il avait de fi grands ombrages. Il fe ligua d'abord avec le roi d'Angleterre électeur de Hanovre, s'affura du landgrave de Heffe, & de la maison de Brunfvik, & renonça ainfi à l'alliance de la France.

Ce fut alors, comme on l'a déja dit, que l'ancienne inimitié entre les maifons de France & d'Autriche, fomentée depuis Charles-Quint & François I., fit place à une amitié qui parut fincérement établie, & qui étonna toutes les nations. On apella cette union dans le parlement d'Angleterre, union monftrueufe; mais quand les anglais voulaient dominer, cette alliance était très naturelle; elle ne dérogeait point à

la

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la paix de Veftphalie. Il était à croire que ces deux maisons puiffantes réunies, fecondées de LVL la Ruffie, de la Suéde, & de plufieurs états de l'empire, pourraient contenir le reste de l'Eu

rope.

Le traité fut figné à Versailles entre Louis May XV. & Marie-Thérèse. L'abbé de Bernis, de- 1756. puis cardinal, eut feul l'honneur de ce fameux traité, qui détruifait tout l'édifice du cardinal de Richelieu, & qui femblait en élever un autre plus haut & plus vafte. Il fut bientôt après miniftre d'état, & prefqu'auffi - tôt disgracié.

Le roi de Pruffe n'en fut que plus promt à fe mettre en campagne. Il fait marcher fes troupes dans la Saxe qui était prefque fans défenfe, comptant fe faire de cette province un rempart contre la puiffance autrichienne, & un chemin pour aller jufqu'à elle. Il s'empara d'abord de 29 Août Leipfik; une partie de fon armée fe préfente 1756. devant Dresde; le roi Augufte fe retire comme fon père devant Charles XII. Il quitte fa capitale & va occuper le camp de Pirna près de Koenigftein, fur le chemin de la Bohème, & fur la rive de l'Elbe, où il fe croit en fureté.

Féderic entre dans Drefde en maître, fous le nom de protecteur. La reine de Pologne fille de l'empereur Jofeph n'avait point voulu fuir; on lui demanda les clefs des archives. Sur le refus qu'elle fit de les donner, on fe mit en devoir d'ouvrir les portes; la reine fe plaça au-devant, fe flattant qu'on refpectera fa perfonne & fa fermeté; on ne refpecta ni l'une ni l'autre ;

elle

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