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quatre médaillons encadrés par des guirlandes de feuillage. L'intérieur de ces médaillons est doré à plat; les portraits d'Hercule, Hector, Hélène et Lucrèce y sont enlevés à la pointe. Les héritiers de mon grand-père, M. Peyroche du Reynou, possédaient un saint Michel en camaïeu, sur le fond noir duquel se voit le mont St-Michel, daté de 1537.

Au Louvre, nos 265 à 284, sont placées les diverses parties d'un tabularium et d'un échiquier, sorte de table avec des rebords. Les cases en sont vertes et blanches, ornées de camées et d'arabesques dorés ces deux petits meubles sont composés de quatre plaques principales et de seize petites pour les entourages des grandes. Leurs compartiments sont marqués par de petites flèches alternativement blanches et de couleur d'émeraude. Quatre bustes d'hommes et de femmes se regardant décorent le milieu; ils sont peints en camaïeu, encadrés dans des losanges que supportent des arabesques d'or. Les initiales LL et la date 1537 sont inscrites sur un cartouche de la sixième division. Ce meuble, qu'on a appelé plus tard trictrac, est orné de trophées d'armes, d'instruments de musique, de Termes, d'enfants, de têtes barbues et de figures empruntées aux camées antiques ses frises sont peintes en grisaille rehaussée d'or.

M. Didier Petit, de Lyon, donne, dans son catalogue no 96, la description d'un émail carré long de sa collection: c'est un Calvaire, peint en couleurs et avec paillon, où le Christ est placé sur la croix entre deux larrons; il est signé L. L., et daté de 1539. Cette même année, Léonard fit le portrait de Martin Luther.

Il nous reste, de ses travaux de 1540, une Annonciation en couleurs avec paillon.

Le contrat cité au commencement de cette notice fait preuve que Léonard Limosin vint à Limoges en 1544 pour recueillir la succession de son père; d'autres actes du commencement de cette année sont consignés dans les terriers que j'ai eus sous les yeux, des notaires Deschamps et Fournier, portant reconnaissance de Léonard et de Martin Limosin sur leurs maisons. J'en citerai encore un autre du 21 mars 1544 relativement à la maison de Grandes-Pousses, par lequel les deux frères reconnaissent devoir sept sous six deniers de cens et d'accapt sur la maison provenant des Simonet, confrontant par les derrières à leur autre maison. Le notaire ajoute : « Successivement habitée par C......d dit Tindareau, Lombardie, balancier, Betoulas et Nicolas frères ». Elle payait, en 1758, cinq sous de

rente à St-Gérald et quarante de cens à la communauté des prêtres de St-Michel-des-Lions.

Nous devons croire, d'après le peu d'émaux que nous avons de lui pour cette époque, ou qu'il ne les signa pas, ou que, son atelier ayant redoublé d'activité, et son talent de fécondité et de perfection, ses œuvres furent enlevées par les étrangers, ou données en présent par le roi. C'est au château de Warwick, en Angleterre, qu'ont été transportés son plat du banquet des Dieux et des plaques représentant des sujets mythologiques. On voit dans la collection A. Fountaine une coupe où sont peints Astyanax, des anges admirablement beaux, des satyres soutenant un cartel vert portant les initiales LL et la date 4543.

Il fit pour le roi les Amours de Psyché en grisaille, qu'on regarde comme un de ses plus parfaits ouvrages. Le Louvre possède un de ces tableaux c'est le n° 240, le Père de Psyché consultant l'oracle d'Apollon, d'après Raphaël : grisaille fond noir, carnations animées, détails dorés, autel enflammé, statue du Dieu, sacrificateurs, taureaux, béliers, le roi debout; L. L. 1543, en lettres noires sur le piédestal de la statue.

En 4544 Léonard tenta de propager sa renommée par la gravure de ses tableaux émaillés. « On ne connaît que quatre estampes signées de lui et datées de cette année, dit M. Robert Dumesnil; elles sont de la plus insigne rareté » ; ce qui donne à penser qu'il se rebuta bien vite de ce travail, tout de patience, qui ne permettait pas de reproduire l'éclat de son coloris, principal charme de ses émaux.

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Léonard reçut à Limoges, en 1545, douze cartons ou patrons dessinés par le peintre Michel Rochetet, pour exécuter en émail sur cuivre autant d'images d'apôtres. Ceci serait une preuve de l'établissement d'une manufacture royale d'émaux à Limoges, et doit expliquer la fleur-de-lis de la signature de Léonard autant que sa qualité de peintre du roi. Ce travail ne fut terminé qu'en 1547. Après la mort de François Ier, Henri II donna ces douze tableaux à Diane de Poitiers pour décorer la chapelle de son château d'Anet, la tribune et la sacristie: ils sont peints en couleurs sur fond blanc; les auréoles, les broderies sont dorées; les apôtres sont debout, et les premières lettres de leurs noms sont écrites en noir sur un cartouche placé entre deux vases dans le haut du cadre; une salamandre est figurée dans le bas; l'encadrement des côtés est orné d'arabesques en couleur sur fond bleu, avec la lettre F en or; la date de 1547, en chiffres dorés, se lit sur le cadre vertical de saint Simon, et les initiales L. L. sont

inscrites sur le pommeau de l'épée de St Paul. M. le baron Chassiron, conseiller de préfecture de Chartres, prépare la description de ces beaux émaux, dont le premier préfet du département d'Eure-etLoir fit présent à l'église de St-Père de Chartres en 1802.

M. Préaux, avec qui j'ai été également en correspondance pour la formation de sa collection d'émaux, me montra, lors de ma visite chez lui, une des pièces de l'Histoire de Psyché, refaite, en 4545, par Léonard. M. Jules Labarte dit aussi que Léonard envoya de ces peintures émaillées à Rome pour la décoration du palais de la Farnesina.

On connaît un excellent portrait en buste d'un homme à longue barbe fait par Léonard en 4546 ce personnage porte une toque rouge et un manteau fourré. Le fond de cet émail est bleu.

M. Alexandre Lenoir nous a appris que Léonard peignit, l'an 1547, le roi François Ier en saint Thomas, et ses principaux courtisans sous les traits des autres apôtres, d'après les dessins de l'Italien Solario. On lit sur une plaque d'émail en couleurs sur fond blanc et ornements dorés, no 236 du Louvre, S. THO. dans un cartouche, le chiffre en lettres argentées d'Henri II, et l'emblème choisi par ce roi, deux croissants enlacés. On voit aussi le même chiffre au no 37 du même musée, où saint Paul est représenté sous les traits de l'amiral Chabot avec les mêmes couleurs, et les mots S. PAV. en lettres noires.

François Ier mourut le 31 mars de cette année, et notre Léonard dut s'attacher à conquérir les bonnes grâces et la protection de son fils et successeur le roi Henri II i peignit sur camaïeu bleu rehaussé d'or ce prince à cheval, avec sa maîtresse en croupe, la belle Diane de Valentinois, allant ensemble à la chasse on voit des saints en prière dans le fond du tableau.

M. Lenoir, qui a fait connaître certains chefs-d'œuvre de Léonard par des gravures au trait, dit à leur sujet que cet émailleur « eut l'art d'unir à une conception vraiment, sentimentale un dessin gracieux et expressif, un travail correct et soigné; qu'il se surpassa dans leur exécution, et qu'ils sont les plus beaux qui soient sortis de la fabrique de Limoges ».

Les efforts de notre artiste furent couronnés de succès: son talent atteignit presque la perfection du genre; il obtint, ce qu'il désirait sans doute, d'être maintenu sur l'état des officiers de la maison du roi Henri II il y figura en effet, comme varlet de chambre,

l'an 1548.

Le 26 avril de cette année, il dut assister au mariage de son frère

Martin avec Jeanne Duboys. Il était en communauté de biens avec ce frère, puisque plusieurs contrats portent leurs noms réunis. Martin était aussi probablement son associé dans ses travaux.

Quant au nom de la femme de Léonard, nous n'avons pu le découvrir malgré toutes nos. recherches dans les registres des mariages de la ville de Limoges. Se maria-t-il à Paris ? Nous n'avons pu le constater.

L'histoire d'Actéon, qu'il peignit en grisaille, fond bleu sur une coupe émaillée, ajouta encore à sa réputation. I en fit une autre, décorée d'un écusson, où on lit sur une banderole: Ut prosit sibi, non parcit suis. (Collection d'Andrew Fountaine.)

Ses fréquentes inscriptions latines, sa signature Leonardus Lemovicus, inventor, démontrent que la langue latine n'était pas plus étrangère à notre habile émailleur que la connaissance de l'histoire sainte et profane.

Je viens de découvrir, aux archives de l'Hôtel-Dieu de cette ville, un acte de l'an 1550 par lequel Léonard Limosin, maître émailleur, fait subhaster (vendre en justice, sub hasta) les biens des héritiers de François Yvert et de Léonarde Charaveys, sa femme; parmi lesquels une maison, rue Pennevayre ou de Péruze, près la Mottedes-Vigiers de Limoges. Il fut obligé de plaider contre la baylie des pauvres à vétir, en janvier, février et mars, pour défendre sa saisie, et perdit sa cause; le 20 mars, une sentence déclara l'opposition des bayles valable ainsi que leur hypothèque pour les arrérages d'une rente.

Il ne dut pas passer toute cette année dans son pays : il est à croire que ce fut à Paris qu'il peignit divers portraits de seigneurs et d'hommes en renom dans la magistrature, les lettres et les charges de la cour. Le portrait de Claude de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, première femme de François Ier, no 704 du musée de Cluny, est daté de 4550; il est en émail de couleurs sur fond bleu, revers incolore, comme son pendant le portrait du roi son époux, peint de la même manière, no 700. Il dut faire à cette époque (no 702) celui de Louis Ier de Bourbon, duc de Montpensier, prince de La Roche-sur-Yon; celui d'Eléonore d'Autriche, sœur de Charles-Quint, reine de France, seconde femme de François Ier, qui était aussi venue à Limoges l'an 1542. Ceux de Calvin, de Scaliger et de La Trémouille, n'ayant pas de date, furent sans doute faits en 1556 avec d'autres.

La négligence que Léonard Limosin porta dans ses ouvrages, comme on peut le remarquer dans quelques-unes de ses productions

de cette époque, ou toute autre cause, le fit rayer, l'an 1551, de l'état des officiers de la maison du roi Henri II; mais il y était rétabli huit ans plus tard.

Il employa cette année de disgrâce à élever un monument de sa reconnaissance à son bienfaiteur. Cette marque posthume de gratitude fait honneur à notre artiste: je veux parler du tableau, peint à l'huile sur bois, qu'on voyait, en 1765, à l'église de St-Pierre-duQueyroix, dans un rétable fermé. Léonard y représenta un sujet déjà traité par lui sur émail, l'Apparition de N.-S. J.-C. à saint Thomas et aux apôtres. Le roi François Ier, qui aimait à prêter ses traits aux images de saint Thomas, y tient la place la plus en évidence on le reconnaît au profil de sa tête; il est agenouillé devant Jésus ressuscité. Un des onze apôtres présents à cette scène tient un livre sur lequel se lit cette inscription: LEONARD. LIMOSIN. ESMAILLEVR. PEINCTRE. VALET. DE CHAMBRE. DV. ROY. 1554. Ce tableau, large de 4 mètre 40 centimètres, et haut de 4 mètre 85 centimètres, offre un groupe de personnages bien disposés en cet étroit espace; l'or brille dans les auréoles et dans les ornements; les apôtres sont vêtus de costumes variés, et doivent rappeler, comme cela eut lieu lorsqu'il peignit ce même sujet sur émail, les traits des courtisans.

M. Desmarets, qui cite ce tableau (Ephémérides de 1765), lui reproche de la sècheresse dans la touche, défaut commun, dit-il, aux anciennes peintures, tout en lui reconnaissant un dessin plein de vérité.

Ce tableau se fermait, et ses panneaux mobiles, à la manière de ceux des tryptiques, étaient peints aussi. On y voyait quatre médaillons, qui méritaient attention, dit toujours M. Desmarets: c'étaient l'Ascension et la Pentecôte d'après le Poussin; les Disciples d'Emmaüs, et un Noli me tangere, à la partie inférieure. Les personnages de ce dernier médaillon avaient du mouvement. Il est à croire que ces peintures étaient aussi l'œuvre de Léonard Limosin:1 M. Desmarets semble le donner à entendre.

Son génie, s'il fut un moment engourdi, se réveilla en 1552, année où parut son chef-d'œuvre, important monument de l'émaillerie de Limoges suivant M. le comte de Laborde. C'est une fontaine d'un demi-mètre de hauteur, s'élevant avec grâce sur une base triangulaire en forme de tige de fleur, du calice de laquelle s'épanchent les eaux. Apollon et les Muses y sont entourés de devises et des chiffres galants de la cour. Cette fontaine, décorée en

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