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pierres des fondements de l'amphithéâtre afin d'aplanir le terrain. On enleva beaucoup de terres devant les marches de l'entrée du cimetière; on en retira plusieurs grands bronzes qu'on jugea dans le temps appartenir à Jules-César; on découvrit un souterrain qui allait directement au-dessous du Creux des Arènes : ce lieu servait aux exécutions criminelles. On lit dans les manuscrits de MM. Robert qu'on y pendit et brûla, en 1630, plusieurs sorciers.

L'emplacement de notre amphithéâtre était une promenade vers le milieu du xvIIe siècle : Molière en parle, avec sa causticité antilimousine, dans la comédie de M. de Pourceaugnac jouée en 1669, et l'appelle le Cimetière des Arènes.

L'intendant Boucher d'Orsay commença, en 1713, à faire disparaître les derniers vestiges de ce monument pour y établir la promenade à laquelle il a donné son nom, et qui ne fut terminée qu'en 1718. Malgré ces travaux, en 1801, mille ans après les premières dévastations de Louis-le-Débonnaire, lorsqu'on renouvela les plantations de cette place, des personnes dignes de foi affirment avoir vu les loges où l'on enfermait les bêtes féroces elles étaient de forme à peu près triangulaire, et situées au-dessous de l'allée parallèle à la terrasse. Un ciment tellement dur unissait leurs assises de petites pierres cubiques que les racines des vieux ormes n'avaient pu y pénétrer.

Les noms de Nadaud, de Devoyon et de Masbaret nous inspirent trop de reconnaissance et de vénération pour que nous ne relations pas ce qu'ils ont écrit sur nos arènes.

Le curé de Teyjac leur donne 4,416 pieds de contour et 72 pilastres. Le chanoine de St-Etienne, qui attribue, comme Nadaud, notre amphithéâtre à Trajan, parle de sa destruction en 1568 et 1713, et d'un plan relevé par un habile architecte. M. du Masbaret, curé de St-Michel à St-Léonard, est plus explicite, et semble s'adresser à ceux qui veulent douter de l'existence de ce monument. « Une chose que » je puis affirmativement énoncer est que Limoges a eu un amphi>> théâtre, son arène et ses accompagnements. Il étoit où est » aujourd'hui la place d'Orsay. J'en ai vu, dans ma jeunesse, les » traces marquées à ne pouvoir se méprendre, et il doit y avoir >> encore des milliers de témoins qui les ont vues aussi bien que moi. » C'était une grande concavité en rond de la forme et figure d'un >> amphithéâtre : c'était le champ de foire de ce temps-là. L'endroit » s'appeloit le Creux de l'Arène, en langage du pays lou Cró de » l'Oreno. En 1712, 1713, 1714, M. d'Orsay, intendant à Limoges, > fit combler de terres ce grand creux...... On découvrit les loges

» des bêtes bâties en briques; un excellent ciment les colloit, et la » bâtisse étoit dans toute sa fraîcheur je puis en parler pour les » avoir vues. Ceci est parlant le local s'appeloit la place de l'Arène; » le faubourg contigu, faubourg de l'Arène; la porte qui y conduit, » porte de l'Arène; et la rue qui mène à cette porte, rue de » l'Arène; les Grands-Carmes, qui sont tout auprès, ont pris la déno»mination de Carmes de l'Arène: toutes ces appellations équivalent » à des médailles et à des descriptions. »

La vieille carte de Limoges dite des Trésoriers de France, datée de 1597, présente, à l'emplacement indiqué pour l'amphithéâtre, un cercle elliptique avec les mots Creux de l'Arène. M. du Masbaret en avait eu sûrement connaissance. On détacha, en 1784, une partie de la place d'Orsay pour former celle qu'on appela place d'Aine du nom de cet intendant, et place de la Concorde lors de la première révolution.

Plusieurs des parties qui existent encore sous terre furent mises à jour en 1827 et 28. Lorsqu'on eut à réparer, en 1830, l'aquéduc de la fontaine d'Aigoulène, on fut obligé de faire des excavations au cimetière des Arènes et à la place d'Orsay du 15 février au 6 mars. M. Fournier, architecte, fit tourner au profit de la science et au secours d'ouvriers pauvres un peu d'argent ajouté par la bienfaisance aux frais des autres fouilles, et put reconnaître trois des loges dont nous avons parlé, des passages dont la maçonnerie indiquait les premiers rangs des gradins au second étage des galeries, et deux segments de cercle de murs parallèles séparés par un intervalle de 3 mètres 75 centimètres, espèce de chemin de ronde ou vaste corridor. Le rayon de la première courbe était d'environ 39 mètres ; celui de la seconde, de 46; une tête de pile découverte près du jardin du général Mourier et une loge plus voisine du mur de la terrasse annonçaient le second rang des pilastres. On ne put pousser les travaux plus loin; on exhuma une urne cinéraire en bronze, oxydé, remplie d'ossements humains calcinés, ornée d'une anse ciselée : elle est déposée au musée avec les médailles dont nous avons parlé, où se faisait remarquer un beau grand bronze, Antonin COS. III (3e consulat).

très

Les travaux opérés pour l'ouverture de la rue de l'Amphithéâtre, en 1831, firent connaître la coïncidence qui existait entre la courbure de l'ellipse nouvellement découverte et les parties de ce même monument reconnues en 1827. Le sol de cette nouvelle rue est à mètre 50 centimètres environ en contre-bas de l'assise de fondation

de l'amphithéâtre. Toutes les constructions qui couvraient cet emplacement furent détruites.

Sur le plan ci-joint, fait avec tout le zèle et le talent dont est capable votre collègue M. l'architecte Fayette, la restauration de notre amphithéâtre a pu être terminée d'une manière exacte par la découverte des parties cachées sous le sol de la nouvelle rue et de celles contigues sur la place d'Orsay. Le pavage d'une partie de la place des Carmes, en 1835-1836, mit encore à nu la base du mur extérieur de ce même amphithéâtre. Tous les points, reliés entre eux, déterminèrent avec exactitude la ligne qu'occupait ce monument; et, pour s'en assurer, après avoir fait la division des arcades sur tout le pourtour de l'ellipse, d'après la dimension mesurée des treize d'entre elles découvertes en ouvrant la rue de l'Amphithéâtre, la pile d'une des arcades, indiquée par la lettre A, qui avait été déterminée par la mesure de celles reconnues, fut recherchée d'après la place occupée sur le plan de restauration, et trouvée juste au point où elle devait exister. Il ne peut donc rester aucun doute, ni sur le nombre des arcades, ni sur leurs dimensions, et le diamètre comme la circonférence du monument ont pu être établis de la manière la plus certaine et la plus exacte.

Pour rendre plus intelligible l'exposé que nous venons de faire, on a indiqué les parties mises à jour par des teintes noires; les teintes moins foncées indiquent la restauration du monument tel qu'il a existé, et dont la fondation est demeurée au-dessous du so! de la place d'Orsay. Nous croyons devoir répéter ici que, le niveau de la nouvelle rue de l'Amphithéâtre ayant été abaissé au-dessous de l'assise de fondation, les constructions que couvrait le sol ont complètement disparu. Du reste, en construisant le mur de la place d'Orsay du côté de cette rue, on a établi, avec le moellon provenant de la démolition de cette partie du monument, quatre lignes de maçonnerie indiquant les points où le mur extérieur de cet amphithéâtre vient rencontrer celui qui sépare la place d'Orsay de la rue. Le mur extérieur passait à quatre mètres de l'angle nord du bâtiment du pont à bascule de la place des Carmes, et à six mètres cinquante centi– mètres de l'angle nord du jardin du général Mourier; le nouveau palais de justice s'élève à une faible distance de l'emplacement des arènes du côté de l'est. On a recueilli dans les fouilles faites pour les fondations, comme on en a trouvé dans les jardins environnants, de nombreuses médailles romaines.

Permettez-moi en terminant, Messieurs, de vous signaler l'impor

tance de la collaboration de M. Fayette, qui a donné à mon travail une valeur toute particulière, et dont je le remercie sincèrement.

28 février 1852.

MAURICE ARDANT,

De la Société des Antiquaires de France.

N. B. Les nouvelles fouilles faites pour établir un escalier sur la place d'Orsay, près la maison Mourier, ont mis à découvert une partie de l'amphithéâtre qui justifie le plan et les dimensions que nous avons donnés. Un grand bronze d'Hadrien a été trouvé au même endroit.

DÉTAILS

RELATIFS

AUX GUERRES DE RELIGION ET DE LA LIGUE EN LIMOUSIN,

extraits

du Journal manuscrit de Pierre et de Pardoux de Jarrige de 1558 à 1591.

Ce manuscrit, qui est entre les mains de M. de Laborderie de Faye, et dont M. Leymarie a donné quelques extraits au commencement de son Limousin historique, contient le détail de tout ce qui s'est passé de remarquable en Limousin, surtout à St-Yrieix, depuis l'année 4558 jusqu'en 1594. Il se divise chronologiquement en deux parties: la première, qui s'étend de 1558 à 1574, est l'œuvre de Pierre de Jarrige, viguier de la ville de St-Yrieix; l'autre a été rédigée par Pardoux de Jarrige, fils du précédent, et s'arrête à 1591. Enfin un des fils de ce dernier, Antoine de Jarrige, chanoine, a complété ce travail par des notes nombreuses, toutes locales il est vrai, mais cependant très-intéressantes, sur les évènements de sa ville natale pendant les trente-huit premières années du xvIIe siècle.

Le manuscrit de Pierre et de Pardoux de Jarrige n'est autre chose qu'un livre-journal, où les faits historiques sont mêlés aux comptes et aux affaires de famille. Il n'est pas rare de trouver, entre un récit de combat et une description stratégique, les détails d'intérieur les plus intimes, les caquets du voisinage, les recettes et les dépenses du ménage. Mais l'article qui occupe le plus de place c'est l'enregistrement des dépenses et des décès; car Pierre et Pardoux de Jarrige

eurent des épouses très-fécondes, qui les rendirent pères d'une foule d'enfants; et, non contents de noter toutes les circonstances de la venue au monde de leurs héritiers, l'état du temps, le quartier de la lune, les souffrances de la mère, de donner les noms, prénoms et qualités des parrain et marraine, ils consignaient encore dans leur registre d'état-civil tous les mariages, baptêmes et enterrements de leurs parents, amis et connaissances; et certes le nombre en était grand.

Aussi le style se ressent du sujet c'est le langage de l'officier civil, et nullement du chroniqueur. Aucune préoccupation grammaticale ou littéraire le viguier traite l'histoire comme ses procèsverbaux. Cependant cette sécheresse de style laisse deviner dans son auteur une ame honnête et sensible : on ne peut s'empêcher de le reconnaître en lisant les réflexions dont il accompagne le récit de chaque fait; et, lorsque, rapportant la mort de quelqu'un de ses enfants, au lieu de phrases et de déclamations, il se contente de cette simple prière : « Dieu me veuille préserver les autres! toutefois que » la volonté d'icelui soit faite! » on pardonne volontiers au litté– rateur en songeant au malheur et à la résignation du père.

Cette absence de forme est d'ailleurs une nouvelle garantie d'authenticité un faiseur de romans aurait employé une autre litté– rature. Ne demandons donc pas aux auteurs du journal un style qu'ils ne possèdent pas; mais sachons-leur gré des renseignements qu'ils nous ont laissés, et, en livrant au domaine de l'histoire ces précieux détails, rendons aux chroniqueurs un honneur qui leur est dû, mais auquel ils n'avaient certainement pas aspiré.

A. BOSVIEUX.

1567. Le jour St-Michel audict an 1567, ceux de la religion nouvelle s'assemblerent, et reprinrent les armes tout à un coup, sans qu'on sût auparavant leur entreprise, et qu'on leur donnât occasion de ce faire. Et ceux de la Guyenne s'assemblerent aux lieux et villes de Bergerac, Mussidan, Ste-Foi et La Linde, où étoient en nombre de combattants 12,000, et demeurerent ez ditz lieux environ trois semaines, sans qu'on pût savoir le chemin qu'ils vouloient tenir. Apres départirent et prinrent leur chemin par Ruffec, et vinrent devant St-Junien, où n'entrerent pour cause qu'il y eut composition, et de là au Dorat, ou ils entrerent par force, et tuerent 400 hommes, ensemble pillerent la ville, comme firent de Bellac et La Souterraine, et de là prinrent le chemin vers Orléans, qui avoit été auparavant pris par ceux de ladicte religion, et étoit tenu par l'amiral, un des chefs de ladicte religion. Cependant le seigneur de Montluc, lieutenant pour le roi en Guyenne, étoit pour lors à Agen craignant la ville de Lectoure estre prise et saisie par ceux de ladicte religion, se retira de nuit dans icelle, où étant manda à tous les capitaines, barons et grands-seigneurs de ladicte Guyenne d'assembler gens tant qu'ils pourroient, ce

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