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CHARTE DE PHILIPPE III EN FAVEUR DE LA VILLE DE SAINT-LÉONARD.

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(1279).

Dans cette charte, Philippe III dit le Hardi, roi de France, déboute le roi d'Angleterre Edouard III des prétentions qu'il avait sur la ville de St-Léonard en qualité de duc de Guienne, déclarant que cette ville était privilégiée et annexée à la couronne de France, et que les rois ses prédécesseurs l'avaient toujours prise sous leur protection et sauve-garde spéciale.

PH., Dei gratia Francorum rex, notum facimus universis, tam præsentibus quam futuris, quod cum gentes illustris regis Angliæ, ducis Aquitaniæ, fidelis viri, procurassent adjornari (citer?) corain nobis homines Sancti Leonardi de Nobiliaco, nitentes revocare in dubium an homines dicti loci ita privilegiati essent quod extra manum nostram poni non deberent. Tandem, quia nobis legitime constitit quod prædecessores nostri voluerunt quod homines et villa Sancti Leonardi essent in sua custodia et protectione, sicut aliæ villæ regni sui, quando ipsi homines eisdem prædecessoribus nostris jurarent et fidelitatem facerent, neque villam ipsam de manu sua removerent, communicato bonorum consilio, prædictos homines et villam ad manum nostam retinuimus, dicto regi Angliæ et ejus gentibus super hoc perpetuum silentium imponentes quod ut ratum et stabile permaneat in futurum, præsentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum. Actum Parisiis, anno Domini millesimo ducentesimo septuagesimo nono, mense januario.

(Copié par nous dans ESTIENNOT, Fragments d'histoire d'Aquitaine, t. II, p. 219. Bibl. Roy., vol. reliés, no 331.)

A.

JOURDAN.

1762-1793.

Dans le quartier de la Cité, à Limoges, vers le milieu de la rue des Petits-Carmes, nous avons tous remarqué une vieille maison en bois dont on pouvait compter les pièces d'ajustage sur sa façade noire, étroite et percée, à chaque étage, de deux longues croisées. Vous demandiez aux habitants de la rue quelle était cette maison d'apparence si décrépite; ils vous répondaient d'un ton de fierté : C'est là que Jourdan est né (1). Maintenant l'étranger, le voyageur, le touriste, n'auraient plus cette question à faire : depuis deux ans on a placé sur la façade réparée, au-dessus de la porte d'entrée, une inscription commémorative rappelant le plus grand et le plus populaire des titres de gloire de Jourdan.

Il nous a été impossible de savoir pourquoi son père, chirurgien fort habile, était venu s'établir à Limoges : cette famille, originaire du village de Mérargues en Provence, avait quelques-uns de ses membres à Lyon dans le commerce des soieries; mais le plus jeune des frères, curé de la paroisse de Beaurecueil près Aix, y tenait un pensionnat fort en renom. C'est là que Jourdan étudia le latin. A la mort de son père, on le fit venir à Lyon, dans le magasin d'un oncle qui se posait despotiquement en rude chef de famille. Le jeune commis ne souffrit pas long-temps cette domination domestique, et, soit entraînement de l'âge, indépendance de caractère, ou besoin irrésistible de se dérober aux exigences de parents trop sévères, il s'engagea, malgré eux, en 1778, et rejoignit à l'île de Ré la brigade

(1) Jean-Baptiste Jourdan, né le 29 avril 1762, fils de Roch Jourdan, maître chirurgien juré, et de Jeanne Foréau Franciquet. Le parrain est messire Jean-Baptiste Dorat, écuyer, secrétaire du roi, premier président de la cour présidiale; la marraine est Marie-Françoise-Catherine Chablard, veuve de M. Foréau Franciquet, maître chirurgien.

(Extrait des registres de la paroisse de St-Domnolet.)

d'Auxerrois. Soldat pendant six ans deux mois et vingt-quatre jours, il fit trois campagnes en Amérique dans l'armée expéditionnaire du comte d'Estaing, rentra en France pour cause de maladie, et fut réformé le 26 juin 1784. Il se présenta chez son oncle, à Lyon; mais celui-ci ne voulut pas recevoir un neveu coupable d'un excès de désobéissance.

Jourdan, abandonné de son protecteur naturel, se décida à venir à Limoges, où il espérait retrouver beaucoup des anciens amis de son père. Mais auparavant il alla faire ses adieux à un camarade, dragon au régiment de Monsieur, en garnison à Schelestadt. Jourdan ne payait pas de mine, et n'avait pour vêtement que son méchant habit de soldat réformé. En le voyant entrer au quartier, les dragons du poste se mirent à le railler, et l'un d'eux dit d'un ton goguenard, et en employant des expressions cyniques que nous traduirons de notre mieux Voilà un pauvre diable de fantassin qui ne chaussera jamais les culottes de maréchal de France. Cette vulgaire anecdote de caserne ne fut pas prophétique, contrairement à celles que les biographes et les historiens ont soin de recueillir et de rapporter à propos des hommes devenus célèbres. Jourdan se plaisait à la raconter lorsqu'il eut atteint le haut degré d'élévation militaire et de fortune politique où les plus illustres parvenus de la gloire oublient facilement, trop facilement peut-être, les misères de leurs premières années.

A Limoges, grâce aux démarches empressées des docteurs Périgord et Laboulinière, Jourdan fut placé dans la maison de commerce de M. Avanturier, dont il épousa la belle-sœur. Cette union, contractée au sein même de la famille qui l'avait accueilli, lui procura les moyens d'ouvrir un magasin de mercerie il s'établit, à l'entrée de la rue des Taules, dans les dépendances de l'abbaye de St-Martial.

D'après l'opinion de ses contemporains, Jourdan avait toutes les qualités essentielles du commerçant et même du détaillant ainsi pas de doute qu'il n'eût acquis de ce côté une position distinguée et une fortune sinon considérable, du moins honorable; et certes il ne serait pas sans intérêt d'examiner quels progrès avait faits en huit années dans la pratique d'une profession paisible celui qu'attendait tant de renommée et de gloire militaire. Qui de nous n'aimerait à comparer les entreprises d'un simple marchand-mercier avec les pas de géant de l'homme de guerre, dès que, entraîné par les évènements de notre grande révolution, il sentit s'éveiller en lui le secret de son génie et la puissance de sa véritable vocation?

Nommé, en 1790, lieutenant des chasseurs de la garde nationale.

de Limoges, et, l'année d'après, commandant du 2o bataillon des volontaires de la Haute-Vienne, Jourdan partit pour l'armée du Nord au mois de septembre 1792. Dès son début, à Jemmapes, à Nerwinden, à Famars, au camp de César, sous Dumourier, Dampierre et Custine, il se fit remarquer comme chef de corps par sa fermeté dans le service et son amour de la discipline. Jourdan, plus sage que brillant un jour d'action, plus décidé qu'audacieux, brave de cœur et brave de tête, demeurait constamment semblable à luimême, et, ne refusant jamais une tâche, quelque ingrate qu'elle fût, la remplissait toujours avec honneur, et ordinairement avec bonheur.

Général de division au mois de juillet 1793, Jourdan commandait sous Lille un corps d'observation de huit mille hommes, chargé de surveiller l'armée anglo-hanov rienne du duc d'York, qui, après les capitulations de Condé et de Valenciennes, allait entreprendre le siége régulier de Dunkerque. A la bataille d'Hondscoote, Jourdan menait les deux divisions du centre, et tomba, grièvement blessé d'un boulet de canon, au moment où, maître des bois qui couvraient la position des Anglais, il débouchait sur leur principale batterie, et donnait à nos troupes l'élan de la victoire. A peine rétabli de sa blessure, il remplaça Houchard, le 22 septembre, dans le commandement des armées du Nord et des Ardennes.

Depuis un mois le prince de Cobourg bloquait Maubeuge, et cernait les deux divisions du camp retranché avec soixante-dix mille Hollandais et impériaux: il fallait se hâter de le combattre. Dans ce dessein, Carnot avait quitté le comité de Salut-Public, et s'était rendu au quartier général de Guise pour y fortifier par sa présence l'autorité de Jourdan, l'assister de ses conseils, et présider lui-même aux mouvements des troupes. Cette dernière tâche n'effrayait pas le génie du savant conventionnel, qui apprit bientôt aux dépens de l'armée que la pratique du grand art de la guerre ne s'improvise

pas.

Clerfayt occupait, avec trois divisions formant le corps d'observation sur la rive droite de la Sambre, les positions de Watignies et de Dourlers. Le 15 octobre, Carnot, malgré l'opinion de Jourdan, fit engager l'action de front et sur toute la ligne : nos colonnes assaillirent simultanément les deux ailes des Autrichiens, en se bornant à de simples démonstrations sur le centre. Carnot persévéra toute la journée dans sa fatale obstination, et fut la cause du décousu et du malheur de nos attaques. Le soir, au conseil de guerre, il eut la grandeur d'âme de reconnaître sa faute, et laissa Jourdan libre

d'agir comme il l'entendrait celui-ci tira de sa gauche et de son centre un renfort de huit mille hommes, qu'il porta à sa droite auprès de Watignies. Par ce mouvement de concentration, que le prince de Cobourg ne chercha pas à empêcher, soit qu'il ne l'ait pas connu ou deviné, soit qu'il l'ait jugé trop imprudent et inexécutable, la gauche des Autrichiens était trop faible pour résister à nos colonnes d'attaque; elle fut enlevée, et leur position prise à revers. La cavalerie impériale s'avança au secours des bataillons refoulés jusque dans les bois de Dourlers; mais notre infanterie victorieuse avait eu le temps de se former sur le plateau de Watignies, et nos batteries déconcertèrent les charges des escadrons autrichiens par un feu de mitraille bien nourri. Pendant la soirée et la nuit, Cobourg leva le blocus de Maubeuge, repassa la Sambre, et se mit en retraite vers Mons. Ce succès eût été complet sans l'inconcevable timidité des généraux qui commandaient Maubeuge et les divisions du camp retranché ils retinrent leurs troupes sans bouger malgré le bruit du canon de Watignies, et ne surent pas profiter de la situation critique des Autrichiens pour diriger contre eux une vigoureuse attaque.

Le comité de Salut-Public avait mandé Jourdan à Paris afin d'étudier et de concerter ensemble le plan des opérations militaires en Belgique. Les principaux membres du comité, Robespierre, SaintJust, Barrère, Billaud-Varennes, Collot d'Herbois, ne songeaient à rien moins qu'à reprendre l'offensive. Mais le général leur fit observer que les troupes avaient besoin de repos; que nos jeunes soldats manquaient d'instruction, et n'étaient ni armés, ni habillés, ni suffisamment exercés pour une campagne d'hiver; qu'il valait donc mieux demeurer sur la défensive, et se mettre en mesure d'attaquer l'ennemi au commencement du printemps. Ces sages idées furent adoptées; et néanmoins le comité, les jugeant entachées d'incivisme, prononça la destitution et même l'arrestation de Jourdan; mais, plus heureux que ses prédécesseurs Custine et Houchard, il échappa à ce mortel arrêt, et, sur la proposition de Barrère, fut mis en réforme. Jourdan venait de faire pour son compte la triste expérience de l'ingratitude des gouvernements, qui étonne toujours quoique toujours prévue ; il revint à Limoges, et reprit son modeste commerce: il attacha fort en évidence, dit-on, au fond de son magasin son uniforme de général en chef et la glorieuse épée qui venait de vaincre le duc d'York, le prince de Cobourg et le feld-maréchal de Clerfayt. Cette spirituelle épigramme en action fut sa seule

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