Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

M. l'abbé Texier, qui doit publier prochainement un Dictionnaire d'orfèvrerie (in-4°, chez Migne, à Paris), a lu de ce Dictionnaire une partie de l'article Limoges, qui traite de l'école des orfèvres et des émailleurs, dont les œuvres d'art ont rendu cette ville célèbre dans toute l'Europe. Armé de textes péremptoires et jusqu'ici peu connus, il a montré que, dans l'histoire de l'orfèvrerie française, la palme devait être décernée aux artistes limousins. L'école d'orfèvrerie du vir siècle, dont saint Eloi est le représentant le plus illustre, et dont l'abbaye de Solignac était l'atelier renommé, jeta tout d'abord un éclat incontestable plus tard, depuis le xr siècle jusqu'au xve, les abbayes de Saint-Martial et de Saint-Augustin-lez-Limoges, l'abbaye de Grandmont, virent passer à l'ombre de leurs cloîtres des artistes dont l'histoire a enregistré le nom avec honneur. Hors des cloîtres, l'art sécularisé produisait d'autres merveilles. Dès le xir siècle, l'orfèvrerie émaillée était connue dans toute l'Europe sous le nom d'œuvre de Limoges. Les provinces du nord de la France et du sud de l'Italie, la Navarre et l'Angleterre s'enrichissaient des produits merveilleux de l'orfèvrerie limousine. Ses artistes ciselaient des tombeaux pour la sépulture des plus hauts personnages. La liste de nos principaux orfèvres, rapprochée de l'énumération des œuvres exécutées par eux, a justifié cette assertion, paradoxale au premier abord, que l'école d'orfèvrerie de Limoges a été, au moyen-âge, la première de l'Europe. En terminant, M. l'abbé Texier a exprimé le vœu que nos artistes en porcelaine, successeurs légitimes des orfèvres du moyen-âge et des émailleurs, s'inspirent davantage du génie chrétien de leurs devanciers, et que l'art, mieux inspiré, commande au monde, au lieu de subir les caprices de la mode et les goûts corrupteurs d'une époque de décadence.

M. Alluaud, après avoir complimenté l'auteur sur son remarquable travail, et fait de savantes considérations sur le symbolisme de l'art antique, a ajouté que, vu la diversité des croyances et des goûts des différents peuples de l'Europe et de l'Amérique, auxquels la porcelaine de Limoges envoyait ses produits, les fabricants étaient obligés, pour écouler leurs marchandises, de se conformer aux goûts de ces diverses nations.

M. Maurice Ardant a lu un mémoire sur les monnaies romaines trouvées dans notre province; il a rappelé que, depuis près de cinquante ans, il avait assisté à presque toutes les fouilles de l'ancienne cité romaine; qu'il avait vu et étudié la plupart des médailles trouvées sur notre sol; qu'il avait examiné les collections monétaires de presque tous les amateurs du pavs. et qu'il avait publié, sur ces

découvertes, de nombreux mémoires, à l'un desquels l'Académie des Inscriptions avait bien voulu décerner la grande médaille d'or. Il a signalé les divers points de la ville et du département où l'on a trouvé des médailles antiques, et il a raconté quelques anecdotes piquantes qui se rattachent à la découverte de ces monnaies. Il a expliqué par les guerres nombreuses du moyen-âge, par le concours au tombeau de saint Martial de nombreux pèlerins, la découverte faite à Limoges de monnaies de presque tous les pays de l'Europe. Il a discuté en particulier l'authenticité et la valeur historique de quelques médailles romaines que Beaumesnil a minutieusement décrites, et dont la légende du côté de l'exergue prouverait l'existence à Limoges d'un atelier monétaire, d'un sénat et de décurions. L'auteur a réservé pour la séance suivante la partie de son mémoire qui traite des monnaies du moyen-âge.

Le secrétaire général a lu un article sur le tombeau de Bernard Brun, un des plus beaux ornements de la cathédrale de Limoges, et un des types les plus intéressants de l'architecture et de la sculpture du XIVe siècle. Il a fait d'abord la biographie de ce prélat, qui fut tour à tour chanoine et doyen de Saint-Etienne, évêque du Puy et de Noyon, et qui, étant mort évêque d'Auxerre, en 1349, voulut être inhumé dans la cathédrale de Limoges, où reposait son oncle le cardinal Raynaud de La Porte. Après cette biographie, il a décrit la statue de l'évêque défunt, avec le cadre architectural qui le renferme; puis il est entré dans un examen détaillé des quatre reliefs qui se montrent au fond de la niche funéraire, et qui représentent le couronnement de la Vierge, le Christ juge suprême, sainte Valérie offrant sa tête à saint Martial, et le Christ crucifié entre Marie et saint Jean. Il a relevé les inexactitudes commises par quelques savants au sujet de ce tombeau.

M. Vanginot, inspecteur des travaux de la cathédrale, a parlé du revêtement polychrôme qui décorait autrefois ce tombeau, et dont il se propose de faire un dessin qui, en rétablissant les divers reliefs à la place naturelle que l'artiste leur destinait, restaurera les différentes couleurs dont il reste à peine aujourd'hui quelques traces.

Voici maintenant la liste des dons offerts dans cette séance à la bibliothèque ou au musée de la Société :

1o Par M. l'abbé Texier, supérieur du petit séminaire du Dorat : Manuel d'épigraphie et recueil des inscriptions du Limousin, grand in-8°, de près de 400 pages, orné de 26 gravures ou lithographies.— M. Alluaud a remercié M. l'abbé Texier de ce savant ouvrage, qui crée une nouvelle science, l'épigraphie, et qui contient près de

300 inscriptions limousines, avec des notes historiques et archéologiques du plus grand intérêt ;

2o M. Grignard, géomètre, membre de la Société son plan de la ville de Limoges et sa carte du département, mis sous verre et encadrés ;

3o M. Alluaud aîné: une scie (poisson) et trois flèches des sauvages de la Guyane;

4° MM. Duroy (d'Eymoutiers) et Bobin (de Limoges): un instrument en usage parmi les sauvages de l'Amérique (cet instrument est fort curieux de matière et de forme, et le manche en est ouvragé d'une façon remarquable); un chat à double tete; une dent de cachalot (baleine); un coquillage arraché à la quille d'un vaisseau; un coquillage nacré ;

5o M. Boulgon, professeur au lycée: une pièce d'argent doré frappée en mémoire du couronnement de l'empereur; une médaille de bronze offerte par l'armée d'Afrique au duc d'Orléans ;

6° M. Louis Texier, capitaine de marine des haricots du Sénégal ; 7° M. Bourgoing-Mélisse (de St-Junien) : une grande tuile ayant servi de loubier ou œil de toiture; une pièce d'argent de Henri III; 8o M. Batherosse, entrepreneur: une pièce d'argent de Henri IV ; 9o M. Bonnet (Gabriel) : une large médaille de cuivre contenant un calendrier de 4792;

10 M. Bourigeaud (J.-B.) : une dent fossile paraissant appartenir à l'une des espèces du mégathéride ou mylodon robustus d'Howen (perdu).

Le secrétaire général, l'abbé ARBELLOT.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 43AVRIL 1852.

Présidence de M.

Alluaud aine.

Sont présents: MM. Alluaud aîné, président de la Société; l'abbé Michon, du diocèse d'Angoulême, prédicateur du carême dans l'église de St-Michel; Navières-Laboissière, Auguste DuBoys, ArdantMasjambost, Roméo Chapoulaud, Maurice Ardant, Blondin, receveur

général, Fournier, conseiller à la cour, le docteur Bardinet, Moulnier, l'abbé Rouzier, Edouard Lamy, Chastaingt, négociant, de Burdin, Nivet-Fontaubert, (Fizot-Lavergne, l'abbé Cazaud, Gustave Duverger, Perdoux, Brisset, l'abbé Roy, de Crossas, Poncet, Defaye et Arbellot, secrétaire.

Le procès-verbal de la séance précédente (14 janvier 1852) est lu et adopté.

M. l'abbé Roy-Pierrefitte offre à la Société un ouvrage fort rare intitulé Plan pour servir à l'histoire du comté de la Marche, par Mallebay de La Mothe, procureur du roi à la vice-sénéchaussée de Bellac. M. l'abbé Roy exprime le désir que la Société Archéologique forme une bibliothèque limousine, exclusivement composée d'ouvrages sur le Limousin, ou dont les auteurs soient nés en Limousin. M. Alluaud répond que la Société, dès son origine, a arrêté ce projet ; que diverses circonstances l'ont empêchée jusqu'ici de le réaliser ; mais que, dans un avenir prochain, ce projet ne peut manquer d'être mis à exécution. Pour cela, il est à désirer qu'un grand nombre de donateurs suivent l'exemple généreux de M. l'abbé Roy.

M. le président proclame membres résidants de la Société MM. Blondin, receveur général, et de Brancion, colonel du 5 hussards.

M. le secrétaire fait hommage à la Société d'une Revue archéologique de la Haute-Vienne, dédiée à M. Alluaud, président de la Société. Cet opuscule a été composé pour l'Annuaire de 1852 sur la demande faite par le rédacteur de l'Annuaire à la Société Archéologique.

M. l'abbé Michon fait hommage à la Société d'un petit ouvrage qu'il vient de publier, et qui a pour titre Solution nouvelle de la question des Lieux-Saints, suivie d'une notice sur la véritable rose de Jéricho, avec deux plans coloriés de l'église du Saint-Sépulcre.

M. Théodore Chéron fait hommage à la Société de quelques poésies en l'honneur du maréchal Bugeaud, précédées d'un éloge historique de notre illustre compatriote.

L'Académie de Belgique adresse à la Société la première livraison trimestrielle du tome Ix de ses Annales.

M. le secrétaire lit une lettre de MM. de Kerckhove, président de l'Académie de Belgique, et de Cuyper, conseiller à la même académie, qui remercient la Société de les avoir admis dans son sein. M. de Kerckhove annonce que MM. Alluaud, Texier, GrelletDumazeau et Arbellot ont été proclamés, le premier, membre hono

raire, et les trois autres, membres correspondants de l'Académie de Belgique.

M. le président fait l'énumération d'un grand nombre de dons offerts au Musée (voir la liste à la fin du procès-verbal), et vote de remercîments aux divers donateurs.

La parole est à M. l'abbé Michon, qui, pendant une heure et demie, parle sur l'architecture hébraïque et sur les principaux monuments qui nous restent de cette architecture: la tour de David, l'enceinte du temple de Salomon, la porte dorée et les tombeaux des rois. Nous regrettons de ne pouvoir donner qu'une sèche et incomplète analyse de cette savante improvisation.

« L'architecture hébraïque, a dit M. Michon, a été jusqu'ici peu étudiée et assez mal comprise. Les quelques voyageurs qui ont pris la peine de l'examiner se sont imaginé à première vue que cette architecture était copiée sur celle des Grecs. Châteaubriand lui-même, dans son Itinéraire, n'a pas traité convenablement la question. J'étais à Jérusalem avec M. de Saulcy, membre de l'Institut après avoir passé quelques jours dans la ville sainte; après avoir jeté un coup d'œil sur ses vieux monuments, M. de Saulcy me dit : « Mais il » y a là une mine intarissable qui n'a pas été exploitée laissons le » voyage de l'Asie-Mineure examinons Jérusalem ».

:

La position de la Palestine explique l'architecture du peuple hébreu. Bornés au nord par les Tyriens, inventeurs de l'écriture ; au sud, par l'Egypte; à l'orient, par la Babylonie, les Hébreux ont dû s'inspirer des monuments des peuples voisins. En fait de monuments, un peuple pasteur n'a pas dû inventer. Il a dû être copiste.

1° Tour de David.

On trouve à Jérusalem un monument qui date du commencement de l'architecture hébraïque c'est le magnifique fragment connu sous le nom de Tour de David, que, d'après la tradition, ce prince fit construire quand il se fut emparé de la petite ville de Jérusalem. C'est un massif carré-long de quarante à soixante pieds de longueur; un massif complet, inattaquable, dont le revêtement extérieur est formé d'énormes blocs de pierre, parfaitement joints ensemble. On croit que les pierres sont scellées intérieurement par des crochets de fer. Le roi Hérode, lorsqu'il fit réparer les murailles, respecta cette tour, qu'il appela la tour de Phasaël. Au temps des croisades, les rois chrétiens de Jérusalem bâtirent sur ce massif la chapelle de leur château. C'est là le plus ancien monument connu de l'architecture hébraïque.

« PreviousContinue »