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St. Chrodegand évêque de Metz donna au clergé des cathédrales des statuts, et que le concile d'Aix-la-Chapelle de l'année 816 les confirma de son autorité, l'évêque et le concile rappelèrent-ils aux chanoines le devoir de se tenir debout pendant la psalmodie, et bien loin de supposer que cette prescription soit nouvelle, ils laissent assez entendre qu'il s'agit d'une loi ancienne dont ils veulent ressusciter la première vigueur : « Qu'ils » se tiennent debout et psalmodient avec le plus profond » respect, dit le concile (1). Il en est qui se livrent » avec ardeur aux affaires et aux soucis du siècle; »ils arrivent au chœur tellement accablés par la fatigue » que ne pouvant plus se tenir debout, ils s'asseient » lâchement et remplacent par de vains entretiens les > divines paroles..... (2) » Le concile ordonne ensuite aux chanoines « de s'abstenir de parler dans le lieu » saint, de se tenir debout avec crainte et respect et de s'occuper à prier, à chanter ou à lire (3). » Si quelqu'un vient à manquer à cette règle importante, il sera condamné « à se tenir debout séparé des autres dans un lieu désigné par les prélats (4). » D'autres passages du même concile supposent ou confirment avec non moins de clarté cette discipline (5). Si l'on con

(1) Reg. cxxxI......... Religiosissimè illis standum est et psallendum est. Conc. Aquisgran. 816 ap. Labb.

(2) Ità fatigati videntur ut nec orationi vacare nec ad psallendum stare queant sed potiùs sedentes non divinis sed vanis solent instare loquelis. Ibid.

(3) In ecclesiâ cum timore et veneratione stantes, aut orent, aut cantent, aut legant. Ibid.

(4) In loco à Prælatis constituto stet. Ibid.

(5) Voyez les Règl. cxxxiv et CXLV.

tinua dans beaucoup de cathédrales à s'en écarter en quelques points, ce qu'il faudrait attribuer autant à l'augmentation du nombre des offices qui la rendait trèspénible qu'au relâchement de la ferveur, elle ne de-meura pas moins le droit commun. Le bienheureux Pierre Damien qui écrivait vers le milieu du xi." siècle, en réclamait encore avec énergie l'observation dans un traité spécial qu'il composa contre ceux qui s'asseient au chœur. Il l'adresse à l'archevêque de Besançon dans l'église duquel il avait vu lui-même des clercs prendre la liberté de s'asseoir (1). D'anciens statuts de la cathédrale de Paris (2) ordonnent que les chanoines se tiennent debout avec modestie et se gardent de rires inconvenants et de toute espèce d'entretiens. Quand l'usage des stalles eut été accordé à la faiblesse des chanoines et des religieux, un grand nombre de monastères et d'églises demeurèrent encore attachés à l'antique coutume ou du moins en conservèrent long-temps les vestiges. Le B. Thomas à Kempis qui vivait au commencement du xv. siècle, suppose encore l'usage de prier debout, dans les instructions qu'il adresse aux moines, et c'est pour les encourager à supporter ce que cette pratique avait de laborieux et de fatigant qu'il leur fait remarquer que la psalmodie du chœur réunit pour eux les avantages de la prière, les douceurs de la lecture des saintes lettres et le mérite du travail corporel (3).

(1) Epist. contrà sedentes in choro. Biblioth. max. vet. Patrum.

(2) Cités par l'annotat. de Jean d'Avranches n.o 30: ibi simplices et erecti stent canonici et caveant à cachinno, risu, confabulatione..... (3) Ista tria, oratio, lectio, et operatio occurrunt nobis facienda in choro......... Ibi est operatio bona et perfecta, cùm corpore stamus et

A Tours les chanoines récitaient debout dans le chœur, hors des stalles, les complies du Jeudi-Saint et les petites heures des deux jours suivants. De même, à Amiens, les chanoines et chapelains qui n'étaient point dans les ordres demeuraient debout, in plano, dans le chœur pendant l'office (1).

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« En Grèce, nous écrit M. Didron qui a lui-même » observé ce fait, il n'y a pas de stalles anciennes ; on » se tenait debout. Aujourd'hui encore dans les couvents qui ont conservé les anciens usages, les vieillards » comme les autres se tiennent debout aux offices; ils » ont seulement des espèces de béquilles, une sorte de » bâton en T avec la traverse fort allongée et sur » laquelle ils s'appuient. »>

C'est encore dans la même posture qu'aujourd'hui le clergé et les fidèles de toutes les églises entendent certaines parties de l'office divin, spécialement la lecture de l'Évangile.

La première modification que la longueur des offices autant que la diminution de la ferveur introduisit dans la manière ancienne de prier ne fut pas de suite l'indulgente miséricorde des stalles. Nos aïeux n'inventèrent pas si bien du premier coup. Dans les cloîtres des chanoines ou des religieux on s'aperçut que le bâton sur lequel s'appuyaient les vieillards et dont le soulagement ne pouvait leur être refusé même au chœur, les aidait

ore cantamus......... ( Alia spirit. exercit. viri relig. cap. v. De choro. Lugd. M.DCXXI. )

(1) Observations sur les Brév., Missels, Rituels, relativement aux usages de l'église d'Amiens, par Villeman chanoine. Ms. n.o 120 de la bibl. d'Amiens. p. 55.

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singulièrement à se tenir debout; de cette remarque à la recherche d'un prétexte qui autorisât les plus jeunes à s'accorder le même secours, il n'y avait pas loin. Il arriva donc qu'en peu de temps et en plusieurs églises l'habitude fut prise de porter des bâtons à l'office. Ici elle fut proscrite, là tolérée, ailleurs consentie, selon la diversité des lieux, des temps et des personnes. Par la requête qu'en 812 les moines de Fulde adressèrent à Charlemagne pour se plaindre de leur abbé Ratgaire, nous apprenons que ce rigide supérieur maintenait son monastère dans la sévérité de l'antique discipline: >> ne nous est pas permis, disent les moines, ni de porun bâton, ni de demeurer un instant appuyés » sur le prie-dieu auquel nous donnons le nom de forme (1). » Dans la règle des chanoines déjà citée, St. Chrodegand de Metz leur défend d'entrer au chœur avec des bâtons de quelque forme qu'ils soient (2). Le concile d'Aix-la-Chapelle dont nous avons également fait mention plus haut, ne se montre plus facile qu'à l'égard des infirmes; il veut que les chanoines se tiennent debout, sans bátons, à moins qu'ils ne soient trop faibles (3). Bien plus tard encore, d'un style animé par une ironie mordante, St. Bernard poursuit la lâcheté de certains religieux dont le bâton qu'ils portent accuse seul une faiblesse de santé que dément leur

(1)

Ut nec baculum eis ferre liceat, nec ad inclinatorium quod nos formulam dicimus morando hærere.... Ap. Brower. Lib. 3. Antiq. Fuld. cap. xII.

(2) Canonici non ingrediantur ecclesiam cum baculis aut camputis (crosses) aut fustibus. Reg. can. ap. Spicileg. d'Achery.

(3) Non cum baculis in choro, exceptis debilibus. Reg. cxxxi.

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bonne mine (1). D'un autre côté, Amalaire qui prit une grande part à l'organisation régulière des chapitres des cathédrales, ne paraît pas réprouver cette coutume; il observe seulement que pendant le chant de l'évangile on dépose les bâtons pour se tenir humblement debout sans appui (2). Le deuxième Ordo romain cité par Mabillon (3) dit aussi qu'on les quitte à l'Evangile et n'en blâme pas l'usage. Dans plusieurs monastères, ce léger adoucissement n'était accordé qu'en des circonstances extraordinaires et déterminées par la règle; ainsi le coutumier d'un couvent de l'ordre de St.-Benoît ordonne qu'aux processions des Rogations, lorsque les religieux se mettent en marche, deux serviteurs se tiendront à l'entrée de l'église et distribueront à tous, sans exception des plus jeunes, pour l'aller et le retour de la procession, les bâtons ou baguettes (virgas) qu'ils auront dû préparer à cette fin (4). L'Ordo de Cluny rédigé par Uldaric, au XI. siècle, atteste dans cette maison un usage tout semblable (5). On voit également dans ce coutumier que ceux auxquels il était permis de manger de la viande, c'est-à-dire les infirmes, avaient en même temps le droit de s'aider habituellement d'un appui (6).

Les simples fidèles qui n'avaient pas sans doute la même liberté de s'asseoir à l'église qu'aujourd'hui se

(1) Apol. de vitâ et moribus religios. cap. vm. versus finem.

(2) Lib. 3. cap. xvm. de offic. eccles.

(3) Comment. in ord. rom.

(4) Disciplina Farfens. monast. cap. vui in Rogation.

(5) Pars 1. cap. xxxi.

(6) Portat baculum si carnem comedit. Ibid. c. xxvII.

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