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martyrs, l'épître et l'évangile de la messe. A l'entrée du sanctuaire élevé de quelques degrés au-dessus du sol de la basilique, la table d'autel était assise sur les tombeaux ou reliques des martyrs, et couronnée d'un dôme « ciborium » soutenu par quatre grandes colonnes. Au delà de l'autel les prêtres et les autres ministres se tenaient sur des siéges adossés contre la muraille qui terminait en hémicycle ou en pans polygones la partie orientale de l'édifice au milieu d'eux, l'évêque s'asseyait dans une chaire plus élevée « cathedra » comme le président et le père de l'assemblée sainte; de sorte que le clergé avait devant lui l'autel, à quelque distance l'ambon, et plus loin également en face la réunion des fidèles.

Les monuments de l'histoire les plus anciens nous apprennent que les siéges dont nous venons d'indiquer la position dans les basiliques étaient de marbre ou de pierre, adhérents à la muraille, et qu'on les recouvrait à l'heure des offices de riches tapisseries; c'est pourquoi les écrivains des premiers siècles leur donnaient souvent le nom de chaires voilées, de siéges drapés de précieux linges, « cathedræ velatæ, linteata sedes» (1). Cependant St. Athanase nous fournit un témoignage évident de l'existence, dans son église d'Alexandrie, d'un trône épiscopal et de bancs façonnés en bois et même portatifs et mobiles, lorsque racontant de quelle manière les Ariens poussés par l'empereur Constance et acceptant les payens pour complices profanèrent le lieu saint, il ajoute qu'ayant traîné dehors les siéges, le » trône, la crédence, les tables de l'église et tout ce

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(1) Voir les auteurs cités plus haut.

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qu'ils purent transporter, ils les brûlèrent sur la grande place devant le portique du temple et firent » fumer ce feu sacrilége du pur encens destiné au vrai » Dieu. (1) L'emploi du marbre et de la pierre pour les chaires du clergé n'était donc pas exclusif, mais seulement plus ordinaire, et peut-être ne serait-ce pas donner de ce choix une raison trop hasardée que de l'attribuer à l'idée qu'auraient eue nos pères de figurer par la solidité de la pierre la perpétuité de l'église dont Jésus-Christ et après lui les pontifes ses successeurs sont la pierre angulaire.

Les églises bâties dans les Gaules et particulièrement à Amiens (2), lorsque le christianisme eut commencé à s'y répandre, ne s'écartèrent guères de la disposition intérieure adoptée par celles de Rome et de l'Orient (3). L'usage des siéges en pierre s'est même perpétué fort long-temps dans nos temples, quoiqu'avec d'importantes modifications et des destinations diverses. La cathédrale

(1) Subsellia, tronum, mensam ligneam, tabulas Ecclesiæ et cætera quæ poterant foris elata combusserunt antè vestibulum in magnâ plateå et thure asperserunt. (S. Ath. Epist. ad solitar. vit. agentes ). · Nous apprenons du même saint que le trône dont il parle était richement orné et que le peuple en déplora la perte: Gravè qui troni episcopalis modò ornati vicem lamentantur, episcopum in illo sedentem interficere conantur. (Id. tom. I. p. 133. )

(2) S. Firmin-le-Confesseur fit bâtir la première cathédrale d'Amiens sur le tombeau de S. Firmin-le-Martyr, vers le milieu du Iv. siècle, sous le titre de N.-D. des Martyrs. Cette église a été depuis plusieurs fois reconstruite sous le vocable de S. Acheul qu'elle conserve aujourd'hui.

(3) Grég. de Tours. liv. 2. ch. 14 et 16. Vit. S. Cæsar. liv. 1. n.o 14 publ. par Mabill. sæcul. 1. Bened. t. 1. p. 659. Conc. de Tours en 567. Labb. t. v. p. 853.

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d'Amiens, comme une infinité d'autres églises du même temps et plus anciennes, était ornée dans le pourtour de sa vaste enceinte d'une suite non interrompue de bancs de ce genre. On en voit encore les restes inhérents au pied des murs partout où l'on n'a pas entaillé pour percer des portes ou ériger des tombeaux, des autels et des chapelles. Ils se retrouvent presque sains et saufs derrière les boiseries des chapelles du rond-point qui ont été élevées en même temps que la masse de l'édifice. Des documents historiques attestent que les siéges même des prêtres-officians existaient encore vers le milieu du siècle dernier à droite du sanctuaire. Ils étaient de marbre et scellés dans le mur de clôture contre lequel s'élevait de l'autre côté le cénotaphe de l'évêque François de Halluin (1). Ils ne furent détruits qu'en 1751, lorsqu'on eut la fâcheuse idée d'abattre clôture et monuments pour y substituer des grilles en fer. A Reims on a religieusement conservé jusqu'à la révolution de 1793, dans l'arrièrechœur de la métropole, le siége sculpté d'une seule

(1) Entr'autres preuves, nous citerons l'extrait suivant d'un procèsverbal inédit de l'installation de M. Lefebvre de Caumartin, évêque d'Amiens, qui eut lieu par procuration le 23 mai 1618.

Et illicò juramento præstito, prædicti Domini Decanus et Capitulum eumdem Dominum de Blairie in superiori et principali sede dicti loci capitularis intronisaverunt et sedere fecerunt. Consequenter, præfati D.D. Decanus et Capitulum unà cum dicto Domino procuratore ad chorum Ecclesiæ Ambianensis accedentes, prædictum D. de Blairie modo quo suprà in cathedrâ LAPIDEA juxtà majus altare et deindè in alterâ sedium superiorum scamnorum chori de latere sinistro versùs thesaurariam in sede thesaurarii...... intronisari et installari fecerunt. (Archiv. départ. Titres du Chapitre d'Amiens. Arm, 1. liasse 4.)

pierre de St. Rigobert, évêque de cette église en 696. C'était dans cette chaire vénérable, haute de cinq pieds et large de deux, que se faisaient installer les archevêques de Reims (2).

Il est presqu'inutile d'observer, tant la chose est évidente, qu'aucun monument de l'histoire ne permet d'attribuer aux chaires épiscopales et cléricales la figure et le caractère de ce que nous appellons aujourd'hui stalles ou formes: Elles n'en avaient pas même le nom mais étaient constamment désignées par les expressions plus genérales de trône, tribunal, siége, banc ou banquette, thronus, tribunal, sedes, sedilia, subsellia, scamna. >> Comme nous le dirons bientôt, il faut pour rencontrer le nom de formes remonter jusqu'au Ix. ou x. siècle; celui de stalles ne se trouve qu'à la fin du xie.

La présence des siéges ou bancs dans les églises aux époques reculées que nous venons de signaler ne doit pas faire conclure qu'il fut permis aux clercs de s'asseoir aussi long-temps qu'aujourd'hui durant la prière publique. Il paraît constant que l'ancienne coutume était de se tenir debout pendant la partie la plus considérable des saints offices, et il ne faut pas chercher d'autre raison de cette discipline assez sévère d'ailleurs, que la pensée du respect dû à la majesté de Dieu, l'humilité dans la prière si fortement recommandée par le Sauveur et la ferveur des prêtres et des fidèles dans les beaux temps de l'église. Cette règle était observée rigoureusement surtout pendant la lecture de l'évangile et le chant des psaumes. Dans la belle épître

(1) Descript. de la Cathéd. de Reims. p. 182.

qu'il adresse à une vierge chrétienne, St. Athanase nous fait assez entendre que telle était la pratique de son église. En retraçant avec des expressions pleines de douceur les devoirs du saint état de virginité il insiste sur l'obligation sacrée de la prière et dit à sa pieuse fille en J.-C.: Levez-vous au milieu de la nuit et récitez des psaumes DEBOUT, autant que vous le pourrez (1). Plus bas, pour modérer son zèle, il lui recommande d'envelopper ses pieds d'une chaussure pendant qu'elle se tient debout dans la prière (2). Nous apprenons de St. Jean-Chrysostome que la même discipline était en vigueur parmi les moines de son temps. Ce saint docteur raconte qu'avant la naissance de l'aurore, aussitôt que le coq a fait entendre sa voix, tous les religieux éveillés par leur prélat ou supérieur s'arrachent au sommeil, se lèvent avec modestie et se rendent dans l'enceinte sacrée du chœur où « ils se tiennent debout et chan» tent, les mains étendues, de saints cantiques (3). » Bientôt les constitutions de St. Benoît achevèrent de consacrer cet usage (4). Cassien reconnaît également le principe, quoiqu'il use de quelqu'indulgence, assurant que ses religieux exténués par le jeûne peuvent à peine réciter debout douze psaumes (5). Aussi lorsque

(1) Mediâ nocte surgito et psalmos dicito, quantùm potes stans. Epist. ad Virg.

(2) Cùm steteris in oratione, pedes calceamentis obductos habeto. Ibid.

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(3) adstantque sacro choro, protinùs expansis manibus sanctos concinnunt hymnos. Hom. 14. in I. ad Tim.

(4) Reg. S. Bened. cap. IX. LX. LXII.

(5) Lib. 2. cap. xп.

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