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destruction, s'était fait si vivement sentir, le concours de tout ce qu'il y a de bon et de généreux dans cette province était aussi assuré que l'appui bienveillant, sincère et dévoué de l'autorité municipale d'Amiens. L'esprit qui anime aujourd'hui ses magistrats est bien différend de ce qu'il était en 1771. A cette époque, découvrait-on quelqu'antiquité curieuse, messieurs les officiers municipaux se réunissaient, accordaient 24 livres de gratification à l'ouvrier qui l'avait trouvée et offraient ensuite à l'Académie des inscriptions et belles-lettres les objets recueillis. La preuve de cette offrande par trop libérale est consignée à la date du 22 juillet 1771 dans le registre aux délibérations du corps de ville. Heureusement que la statuette en bronze dont je veux parler n'a point paru mériter l'attention de l'Académie et aujourd'hui elle fait partie de notre collection.

Maintenant, vous n'avez point à craindre de si malencontreuses libéralités. Bien loin de là, une subvention annuelle vous est accordée pour conserver au pays ces précieux débris du génie et de la gloire de nos pères, et dernièrement encore, sur la proposition empressée de M. le maire, le conseil municipal achetait pour la Bibliothèque un des plus précieux titres de notre histoire, trop long-temps égaré. De tels actes honorent tout à la fois ceux de qui ils émanent, et le siècle qui les voit s'accomplir.

HISTOIRE ET DESCRIPTION

DES

STALLES DE LA CATHÉDRALE D'AMIENS.

Par MM. les Abbés JOURDAIN et DUVAL, Membres résidants.

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Nous nous empresserious de raconter au lecteur l'intéressante histoire de nos stalles, s'il ne convenait de la rattacher auparavant aux faits généraux qui regardent l'introduction et l'usage de ce genre de siéges dans les églises. Pendant la célébration des offices divins, le clergé s'asseyait-il autrefois, ou son antique coutume fut-elle de prier debout? Les siéges dont il s'est servi à des époques diverses ont-ils été mobiles ou adhérents aux murs de la basilique? Quelle matière, le bois, le marbre ou la pierre était employée à leur construction? Les

stalles proprement dites dont les xv. et XVI. siècles nous ont légué les plus beaux modèles, et auxquelles leur forme toute particulière a valu de demeurer exclusivement affectées à l'usage des clercs dans le chœur des églises, remontent-elles à une haute antiquité? Ne pourrait-on pas assigner avec quelque chance de vérité la raison du caractère propre qui les distingue, celui de présenter à la fois un double siége, l'un assez bas et sur lequel on est entièrement assis, l'autre qu'on obtient en relevant le premier et qui n'offre sur une étroite planche qu'on appelle Miséricorde ou Patience qu'une sorte d'appui et un moyen de se tenir debout avec moins de fatigue? Enfin, pourquoi le nom de Stalles ou de Formes qu'elles ont reçu? D'où et de qui sontelles venues, et quelle en est la convenance dans le lieu saint?

Les faits qui répondent à la plupart de ces questions et peuvent aider à les éclaircir n'ont été jusqu'alors recherchés par personne, que nous sachions, quoiqu'ils ne soient pas sans importance ni pour l'histoire des beaux-arts, ni pour celle de la discipline ancienne de l'église dans les offices publics. Le lecteur comprend donc que nous ne pouvions, à bien des titres, échapper à cette tâche, ni le dispenser des préliminaires dans lesquels nous entrons de suite.

Il est hors de doute que dès les temps apostoliques les chrétiens se réunissaient pour la prière et la participation des sacrements; mais ce n'était qu'en secret, autour du foyer domestique ou sous les voûtes des catacombes, car le glaive des empereurs ne cessait d'être levé sur leur tête. Vers la fin du second siècle seulement ou même au commencement du troisième ils

purent, dans quelques intervalles de paix, bâtir des églises qui méritaient proprement ce nom. Livrées aux flammes et ruinées sous Maximin, elles durent à la paix de Consantin de se relever de leurs cendres avec une magnificence nouvelle (1). Or, ces premières églises de, nos ancêtres en Orient ou à Rome avaient comme les nôtres une nef ou vaisseau « navis » dont les simples fidèles occupaient l'espace, un chœur ou avant-chœur « chorus, schola cantorum » (2) spécialement destiné aux chantres et séparé de la nef par des balustres ou chancels « cancelli, » enfin un sanctuaire « sacrarium, presbiterium, tribunal,» réservé aux seuls dispensateurs des saints mystères. Entre l'avant-choeur et la nef et quelquefois dans la nef même, à droite ou à gauche de l'assemblée, rarement au milieu, s'élevait le jubé ou ambon sorte de tribune ou d'estrade du haut de laquelle on lisait l'Ancien et le Nouveau Testament, les actes des

(1) Cs. S. Justin I. Apol. pro Christ. Lact. de irá dei.

c. 20, 34.

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Id. de morte persec. n.o 12. S. Iren. lib. IV.

Tertull. de Virg. vel. c. 13., de Pudic. c. 4.

S. Aug. quæst. LVIII in Levit.

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Orig. Lamprid. vita Alex. p.

Hom. I.
119. Euseb. Hist. lib. I. c. 25. VI. 36. VIII. 1. x; 2.

(2) Plus ordinairement les églises d'Orient n'avaient point comme celles de Rome d'avant-chœur ou chœur des chantres. Il n'entre point dans notre plan d'aborder toutes les difficultés que soulève la question de la forme des anciennes églises; nous ne disons que ce qui est plus communément reçu et peut aider à l'éclaircissement de notre sujet. Consulter pour de plus grands détails Card. Bona, Lib. rerum liturg.- Lebrun, Explic. des cérém. de la Messe.- Fleury, Mœurs des premiers Chrétiens, 1.re partie. Bingham, Antiq. Ecclés.

Thiers, Dissert. sur les autels, les chœurs et les jubés, et les savants art. de M. Guénébault et de l'abbé Cahier, dans les Ann. de Phil. chrét. 1839.

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