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se trouve reproduit dans la décoration du portail de Berthaucourt.

On sait qu'autrefois le baptême était administré non par infusion comme aujourd'hui, mais bien par immersion. Dom Grenier, dans les manuscrits qu'il nous a laissés sur la Picardie, emprunte à un rituel de 1320, provenant de la cathédrale d'Amiens, le détail des cérémonies que l'on observait dans cette occasion. Le prêtre demandait par trois fois au sujet qui se présentait au baptême voulez-vous être baptisé, visne baptisari, et trois fois le sujet répondait, volo; alors on le plongeait à trois reprises différentes dans l'eau sainte. Il paraît, d'après le missel du diocèse d'Amiens, publié à Rouen en 1505, que le baptême par infusion était dès cette époque en usage.

Vous n'avez point oublié, Messieurs, le gracieux empressement avec lequel l'autorité épiscopale vous a autorisés à faire l'acquisition de cette cuve; quelques esprits malveillants avaient essayé d'entraver cette autorisation, mais justice en avait été faite avant même qu'on ne fût mieux renseigné sur la provenance de ce baptistère, qui n'a jamais appartenu à l'église d'Hornoy.

Toutefois nous n'en devons pas moins de reconnaissance à Mg. l'évêque d'Amiens pour le témoignage fort honorable de sympathie qu'il nous a donné dans cette circonstance. Ce digne prélat, dans sa sollicitude éclairée pour les arts et le respect dû aux objets qui ont servi au culte, ne pouvait mieux assurer la conservation d'un monument religieux qu'en le plaçant sous l'égide de la science. Combien n'en a-t-on pas détruits sous la Terreur, sur lesquels les iconoclastes n'auraient point osó porter leurs mains profanes, s'ils les avaient rencon

trés dans un musée d'archéologie. Notre collection aurait existé alors que nous n'aurions peut-être pas déplorer aujourd'hui la perte du maguifique calice, donné par l'évêque Thomas de Cantorbery à l'église St.-Martin-au-Bourg d'Amiens, et d'une foule d'autres vases sacrés, reliquaires et ornements religieux, qui ont passé au creuset de la Monnaie.

Dans une notice qu'il vient de publier sur les émaux du moyen-âge (1), M. de Longperier, notre collègue, critique la trop grande extension que l'on a faite du style byzantin en lui attribuant une foule de monuments qui n'offrent aucun trait caractéristique de cet art étranger. Cette observation nous paraît s'appliquer au sistre ou custode en cuivre émaillé, provenant d'une église des environs de Montreuil et dont notre Musée a récemment fait l'acquisition. Ce vase sacré, de forme circulaire, est assurément un produit de l'art français au XIII. siècle. Ses ornements consistent en fleurs jaunes, rouges et vertes, semblables à celles que présentent les manuscrits de cette époque.

-Par suite des réparations que l'on exécute à la cathé. drale d'Amiens, une gargouille en pierre a été enlevée à cause de sa vetusté d'un des contreforts de l'ouest et M. le préfet de la Somme l'a fait déposer dans notre collection; nous n'attendions pas moins du concours persévérant que nous a toujours prêté ce magistrat si dévoué aux intérêts du pays, et qui témoigne que les améliorations matérielles n'appellent pas seules son at

tention.

On sait combien l'imagination de nos pères se plaisait à (1) Cabinet de l'amateur et de l'antiquaire, livraison de 1842.

produire des animaux fantastiques pour décorer les édifices religieux du moyen-âge; la gargouille que possède aujourd'hui le Musée, représente un animal chimérique, dont les formes paraissent se rapprocher beaucoup de celles du crapaud. Elle a été reproduite d'une manière fort heureuse par M. Vast, adjudicataire des travaux qui s'exécutent à Notre-Dame d'Amiens, sous l'habile et intelligente direction de notre estimable collégue, M. Cheussey.

- La maison de St.-Ladre d'Amiens, celle de toutes les anciennes communautés religieuses dont l'histoire offrirait le plus d'intérêt, était autrefois très-riche en monuments funéraires. Deux seuls ont échappé aux mutilations, et M. Thuillier-Lequien, sur la demande que lui en a faite la Commission du Musée, s'est empressé de les faire déposer à la Bibliothèque.

Le premier, en pierre blanche, représente dans une voussure ogivale un prêtre, revêtu de ses ornements sacerdotaux, et agenouillé devant la Sainte-Vierge. L'inscription en caractères gothiques, tracée sur la bande inférieure de ce bas-relief, nous apprend que ce prêtre est Nicole d'Agencourt, qui fu curé de cheans XLIII ans, 5 mois et 12 jours et trespassa le 14. jour de décembre lan mil IVC LIII. Dans son testament que le P. Daire a publié, nous trouvons cette disposition : Je veul que mes executeurs facent paindre sur ung tabler grant de bos ung image de Notre-Dame et de le Madalayne qui me presentora et sera mis contre le mur au devant de me sepulture et escripre men surnom au pied du tabler (1).

nom et

Le second monument historique que nous devons à (4) Voir son histoire d'Amiens, tom. 1, p. 432.

la libéralité de M. Thuillier-Lequien, c'est l'épitaphe du capucin Blasset, mort victime de son dévoûment lors de la peste de 1668, qui fit à Amiens tant de ravages, qu'en l'espace de huit années elle enleva plus de vingt mille personnes. L'histoire locale nous apprend que pour apaiser ce châtiment de Dieu, les échevins d'Amiens firent un vœu solennel, au nom de toute la ville, et érigèrent à la cathédrale une chapelle en l'honneur de St. Jean-Baptiste. Le 18 novembre, l'évêque célébra la messe et les échevins y communièrent. A en croire le bon père Daire, cet acte de dévotion aurait diminué considérablement le mal, et le commerce se serait aussitôt rétabli (1).

- Un des plus beaux titres de l'Allemagne à la reconnaissance des peuples, c'est la découverte de l'imprimerie. Au xv. siècle, Guttemberg trouva à Mayence le moyen de rapprocher les intelligences en multipliant la pensée. Cet art sublime, qui opéra dans les esprits une révolution si subite, ne fut pas propagé dans le Nord de la France avec autant de rapidité que semblait mériter l'importance d'un si merveilleux procédé; car le premier ouvrage, publié à Lille, est de 1556; à Douai, de 1563; mais déjà Jehan Caron avait fait paraître à Amiens le Coutumier du bailliage, dans le format in-12 et en caractères gothiques. Ce petit livre, qui est sorti de ses presses en 1546 et dont les rectos seuls sont paginés suivant l'usage de cette époque, est devenu très-rare. M. Boudon-Caron, arrière-petit-neveu par alliance de celui qui ouvrit à Amiens le premier établissement d'imprimeur possédait un exemplaire qu'il a bien voulu déposer dans notre collection avec le por(4) Voir le même ouvrage, tom. II, p. 445.

trait de Jean-Baptiste-Louis-Charles Caron, imprimeur du roi en 1777. Ce portrait nous conserve non-seulement les traits du typographe amiénois dont les presses ont le plus produit, mais en outre, il a pour nous le mérite d'avoir été dessiné par d'Elvaux, notre compatriote, un des bons graveurs de l'époque.

Au mois de janvier dernier, en démolissant les anciennes fortifications de la porte St.-Pierre, les ouvriers découvrirent une certaine quantité de boulets en fer, qui ne pouvaient avoir qu'une seule et même origine, celle du siége d'Amiens en 1597. Non-seulement c'est la seule circonstance où il en ait été lancé contre nos remparts, mais aussi, les mémoires du temps et notamment ceux que nous a laissés de Gomicourt nous apprennent que sur ce point l'action fut des plus chaudes. Henri IV avait établi son camp entre Longpré et Camons, et fixé son quartier général à la Madeleine où plusieurs batteries avaient été dressées pour seconder l'artillerie, établie sur le chemin d'Arras. Des boulets avaient pénétré de plus de 25 centimètres dans la maçonnerie des remparts et cette profondeur témoigne de la charge violente avec laquelle ils ont été lancés. Votre commission aurait cru manquer au patriotisme qui l'a toujours animée, en laissant détruire ces vieux projectiles qui avaient brisé le joug espagnol, et rendu la capitale de la Picardie à son roi.

Messieurs, les richesses archéologiques que vous avez recueillies depuis votre dernière séance générale et dont je ne pouvais présenter qu'un trop faible aperçu, témoignent de la persévérance de vos efforts comme des sympathies de nos concitoyens. A une institution toute conservatrice et dont l'utilité, après tant de siècles de

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