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des commentaires les plus piquants une petite note extraite du registre 47. de l'échevinage, 6 juin 1586. La tenue de cette assemblée a lieu au sujet d'un mémorable esturgeon pêché dans la Somme et que réclamaient le doyen, les chanoines et le chapitre de l'église N.-D., l'évêque et le bailly. Qui mangea le célèbre poisson? les registres n'en disent rien. Le bailliage seul pourrait en dire quelque chose, dit M. Lavernier, car peutêtre l'esturgeon eût-il le sort de cette huître si fameuse dans les fastes judiciaires, et qu'immortalisa notre bon La Fontaine.

M. Lavernier a appelé ensuite votre attention sur la maison hospitalière des filles repenties dans la ville d'Amiens et vous en a retracé l'histoire.

Il existait autre fois en France, dit-il, non-seulement des maisons de force pour enfermer les femmes de mauvaise vie condamnées pour débauche scandaleuse, mais encore des maisons hospitalières ouvertes au repentir. La ville d'Amiens eut une de ces maisons. Elle était située rue des Capucins dans la maison qui porte aujourd'hui le n.o 85. La création de cet hospice, qui subsista jusqu'à la fin du siècle dernier, ne remonte pas à une époque fort éloignée, mais il avait succédé à un autre de même espèce qui dura jusqu'au commencement du XVII. siècle. M. Lavernier divise donc son mémoire en deux parties; l'établissement le plus ancien et le plus récent.

L'ancien s'appelait maison de la Magdelaine ou des Sœurs-Blanches, il recevait les filles repenties qui s'y retiraient volontairement, et celle que les magistrats y faisaient enfermer.

S'il est permis de douter que cet hospice, situé rue

St.-Leu, paroisse St.-Sulpice, vis-à-vis l'ancien hôpital St.-Jacques, ait existé avant le xv. siècle, on sait du moins qu'en octobre 1455 l'hôtel-de-ville se chargeait des reconstructions et réparations, que la maison était sous l'autorité immédiate de l'hôtel-de-ville qui y entretenait un chapelain directeur spirituel, et confiait le temporel à un ou plusieurs échevins ou à de notables bourgeois.

Comment naquit cette institution? Quels furent les biens de première fondation? Comment diminuèrent-ils au point d'avoir disparu au commencement du xvI.* siècle, c'est ce qu'il est impossible de déterminer. On sait seulement que les filles repenties furent chassées de leur hospice vers 1606 à cause de leurs désordres et qu'à cette époque, outre la maison et le mobilier, l'hospice avait sur la ville un revenu annuel de 60 livres environ.

Durant cette expulsion, les carmélites, qui venaient se fixer à Amiens, rue St.-Jacques, demandèrent à la ville de mettre l'hospice à leur disposition en attendant que leur cloître fût construit. Le 17 avril elles occupèrent la Magdelaine.

Cependant les jésuites, secondés par la ligue et l'évêque de la Martonie, avaient dès 1583 demandé que la ville les mît à la tête du collége. La maison des Sœurs Blanches leur fut offerte, après le départ des carmélites. En 1608 ils y ouvrirent leurs classes et s'enrichirent des biens de l'hospice, car ils en vendirent le mobilier et ne conservèrent que la rente constituée au principal de 60 livres que la maison avait fournies à la ville, pour l'aider à payer les 3,000 livres formant sa part de contribution pour la rançon de François Ier. Passant à la deuxième partie de son mémoire, on ne

tarda point, dit M. Lavernier, à sentir la nécessité de rétablir l'hospice supprimé. Le fondateur de l'hôpital général, Antoine Louvel avait désiré que cette maison fût aussi ouverte aux filles de mauvaise vie, mais cette pensée ne put être réalisée. En 1650 Anne Gamain proposa au corps de ville de louer une maison pour cet usage. Une somme de 100 livres fut accordée dans ce but, et des citoyens notables chargés de l'administration. Le roi sanctionna l'institution et le 4 juillet 1654, les filles repenties furent installées rue des Capucins.

L'évêque Faure, sous prétexte qu'il s'agissait de la conversion des pécheresses, réclama la tutelle épiscopale, mais sa prétention échoua devant le titre de fondation. Des legs nombreux furent faits à la maison, et les registres prouvent les heureux résultats obtenus.

Malheureusement la surveillance ne fut point toujours la même, l'institution s'affaiblit, et, le 9 janvier 1783 le corps municipal s'adressa au roi pour obtenir la suppression de cette maison qui n'avait plus de revenus suffisants et que pouvait d'ailleurs remplacer la maison de force qui venait d'être établie. La requête fut elle octroyée? M. Lavernier l'ignore; mais il fait remarquer que la maison ne fut point comprise dans la vente des biens communaux en 1793, et qu'elle fut vendue plus tard par le gouvernement suivant la loi du 20 mars 1813.

L'esprit de l'institution, dit en terminant l'auteur, ne pouvait périr. Aujourd'hui, Amiens possède une retraite ouverte aux filles repenties sous la direction de femmes pieuses dont le dévoûment et le bon exemple sont la meilleure exhortation à la vertu.

Le conseil municipal, sur la proposition de M. le

Maire, qui toujours à si noblement pourvu aux besoing des beaux arts et de la science, vient d'accroître le trésor de nos chartes d'un monument d'une haute importance. M. Lavernier a présenté l'analyse de ce manuscrit ou rotulus dont la longucur est de 4,40, la largeur de 0,22 en beau vélin écrit des deux côtés.

Ce dénombrement, donné par Guillaume de Macon, évêque d'Amiens, à la chambre des comptes de Paris en 1301, a été cité par Du Cange dans son histoire des Comtes d'Amiens. Il donne l'énumération des tonlieux appartenant à l'évêque, des redevances qui lui étaient dues par le corps de métiers, la liste des hommes féodaux, le répit de St.-Firmin et les hommes de catel de l'évêque d'Amiens; autant de chapitres qui ont fourn1 à M. Lavernier le texte de notes et de commentaires sur ce précieux document que tout porte à considérer comme le seul exemplaire qui existe, depuis l'incendie qui détruisit le dépôt de la chambre des comptes.

Je devrais ici vous parler d'un mémoire de M. Rigollot sur une monnaie du XIIe siècle, frappée par l'autorité municipale de la ville d'Amiens. Mais vous avez inséré ce travail dans vos mémoires et l'intérêt qu'il a excité chez le numismates vous est connu par les articles de la Revue numismatique et les procedings de la Société de Londres. Cette découverte jette en effet une lumière nouvelle sur la numismatique amiénoise et sur quelques points obscurs de nos institutions. La légende moneta civium tranche d'une manière définitive la question jusqu'ici discutée de savoir si l'autorité municipale avait eu le droit de frapper une monnaie qui lui fût propre. Il en résulte que, sous l'empire de la commune d'Amiens, le comte et les citoyens avaient chacun leurs

monnaies particulières, ce dont les chartes et le peu d'actes qui nous sont restés de cette époque ne font

aucune mention.

Telle est l'importance que l'on attache aujourd'hui aux études historiques, qu'il ne suffit plus d'indiquer sommairement les faits, mais qu'il faut connaître la source des matériaux dont on s'est servi et que l'on veut pouvoir même apprécier le mérite et l'authenticité des preuves, pour se préserver à la fois des erreurs et des anachronismes que la légèreté des historiens avait rendus si communs.

Tel est le but des recherches auxquelles s'est livré M. Dufour sur le prétendu concile de Nesle. Il fait voir que tous les annalistes qui ont invoqué l'autorité de Roger de Howeden ne l'ont point compris, car si le concile se tint apud Sanctum Leodegarium in Nivele, ce ne saurait être à Nesle-en-Vermandois qui n'a jamais eu d'église sous le vocable de St.-Léger. Maintenant l'histoire nous apprend qu'Ingelburge était présente au concile, et qu'elle était prisonnière au château d'Etampes. Or, non loin d'Etampes est la forêt d'Ivelines, et dans la forêt une commune du nom de St.-Léger, où existait un château fort ancien. Apud Sanctum Leodegarium in Nivele signifie donc St.-Léger dans la forêt d'Ivelines ou, comme l'on dit, St.-Léger en Ivelines. Telles sont les raisons qui font rejeter le concile de Nesle, qui n'a dû son existence qu'à un contre-sens. M. Dufour n'ignore pas qu'il dépossède le diocèse d'Amiens du seul concile qu'on lui attribuait. Mais il a cru d'autant plus intéressant de signaler cette erreur et de la rectifier, que les auteurs de deux ouvrages récents sur le département de Somme, négligeant la rec

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