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Сн. Il faut toujours faire ce que l'ennemi craint. XLVIII. C'était un de ces coups décififs, une de ces oc

Maréchal de Saxe.

cafions que la fortune préfente une fois & qu'on ne retrouve plus. L'électeur de Bavière avait ofé concevoir l'efpérance de prendre Vienne; mais il ne s'était point préparé à ce fiége; il n'avait ni gros canons ni munitions. Le cardinal de Fleury n'avait point porté fes vûes jufqu'à lui donner cette capitale : les partis mitoyens lui plaifaient: il aurait voulu divifer les dépouilles avant de les avoir, & il ne prétendait pas que l'empereur qu'il faifait eût toute la fucceffion.

L'armée de France aux ordres de l'électeur de Bavière marcha donc vers Prague, aidée de vingt mille Saxons, au mois de novembre 1741. Le comte Maurice de Saxe frère naturel du roi de Pologne la prit par efcalade. Ce général qui avait la force du corps fingulière du roi fon père, avec la douceur de fon efprit & la même valeur, poffédait de plus grands talens pour la guerre. Sa réputation l'avait fait élire d'une en 1726. commune voix duc de Courlande; mais la Ruf le 28. fie lui avait enlevé ce que le fuffrage de tout un peuple lui avait donné: il s'en confolait dans le fervice des Français & dans les agrémens de la fociété de cette nation qui ne le connaiífait pas encor affez.

Juin.

Il falait ou prendre Prague en peu de jours ou abandonner l'entreprife. On manquait de vivres, on était dans une faifon avancée ; cette grande ville quoique mal fortifiée, pouvait ai

fément

XLVIII.

fément foutenir les premiéres attaques. Le gé-CH. néral Ogilvi irlandais de naiffance qui commandait dans la place, avait trois mille hommes de garnison, & le grand duc marchait au fecours avec une armée de trente mille hommes; il était déja arrivé à cinq lieues de Prague le 25. novembre, mais la nuit même les français & les faxons donnèrent l'affaut.

Ils firent deux attaques avec un grand fra- Prague cas d'artillerie qui attira toute la garnifon de leur prise par côté pendant ce tems le comte de Saxe en fi- efcalade, lence fait préparer une feule échelle vers les remparts de la ville neuve à un endroit très éloigné de l'attaque. L'échelle ne fe trouva pas affez longue, on y ajouta des civiéres. Monfieur de Chevert alors lieutenant-colonel du régiment de Beauffe monte le prémier. Le fils ainé du maréchal de Broglie le fuit: on arrive au rempart, on ne trouve à quelques pas qu'une fentinelle; on monte en foule, & on fe rend maitre de la ville; toute la garnifon met bas lest armes. Ogilvi fe rend prifonnier de guerre avec fes trois mille hommes. Le comte de Saxe préferva la ville du pillage; & ce qu'il y eut d'étrange, c'est que les conquérans & le peuple conquis furent pêle-mêle enfemble pendant trois jours, Français, Saxons, Bavarois, Bohémiens étaient confondus, ne pouvant fe reconnaitre, fans qu'il y eût une goute de fang répandu. On prit Prague par efcalade.

L'électeur de Bavière qui venait d'arriver au camp, rendit compte au roi de ce fuccès, com

me

CH.

mejor général qui écrit à celui dont il comman XLVIII. de les armées : il fit fon entrée dans la capitale de la Bohéme le jour même de la prife, & s'y fit couronner au mois de décembre. Cependant le grand duc qui n'avait pû fauver cette capitale, & qui ne pouvait fubfifter dans les environs, se retira au fudeft de la province, & laiffa à fon frère le prince Charles de Lorraine le comman dement de fon armée.

Maric

Dans le même tems le roi de Pruffe fe renThérèse dait maitre de la Moravie, province fituée entre près de la Bohéme & la Siléfie: ainfi Marie-Thérèse fa ruine. femblait accablée de tous cotés. Déja fon com

pétiteur avait été couronné archiduc d'Autriche à Lintz; il venait de prendre la couronne de Bohéme à Prague, & de là il alla à Francfort recevoir celle d'Empereur fous le nom de Charles VII. Tous les électeurs avaient fufpendu la voix de Bohéme, tandis que la reine de Hongrie poffédait encor cette province, prétendant qu'une femme ne pouvait donner un fuffrage. Le Bavarois maitre de Prague au moment de l'élection pouvait faire valoir en fa faveur la voix de Bohéme; mais n'en ayant pas befoin, il foufrit qu'elle reftat fans activité.

Le maréchal de Belle-Isle qui l'avait fuivi de Prague à Francfort, femblait ètre plutôt un des premiers électeurs qu'un ambaffadeur de France. Il avait ménagé toutes les voix, & dirigé toutes les négociations; il recevait les honneurs dûs au représentant d'un roi qui donnait la couronne impériale. L'électeur de Mayence qui

préfide

CH.

empe

reur.

préfide à l'élection lui donnait la main dans fon palais, & l'ambaffadeur ne donnait la main chez XLVIII. lui qu'aux feuls électeurs, & prenait le pas fur tous les autres princes. Ses pleins-pouvoirs fu- Charles rent remis en langue française, la chancelle- Albert rie allemande, jufques-là avait toujours exigé que de telles piéces furent prefentées en latin, comme étant la langue d'un gouvernement qui prend le titre d'empire romain. Charles-Albert fut élu le 4. janvier 1741. de la maniére la plus tranquile & la plus folemnelle: on l'aurait cru au comble de la gloire & du bonheur, mais la fortune changeait, & il devint un des plus infortunés princes de la terre par fon élévation même.

H.G.Tom. VIII. Suite Tom.III. P CHAP

CHAP. QUARANTE- NEUVIEME.

DESASTRES RAPIDES

QUI SUIVENT LES SUCCES

DE L'EMPEREUR CHARLES - ALBERT DE BAVIERE.

Tout rétabli par Louis XV. & le maréchal de Saxe.

ON commençait à fentir la faute qu'on avait

faite de n'avoir pas affez de cavalerie. Le maréchal de Belle-Isle était malade à Francfort, & voulait à la fois conduire des négociations & commander de loin une armée. La mefintelligence fe gliffait entre les puiffances alliées; les Saxons fe plaignaient beaucoup des Pruffiens, & ceux-ci des Français, qui à leur tour les acculaient. Marie Thérèfe était foutenue de fa fermeté, de l'argent de l'Angleterre, de celui de la Hollande & de Venile, d'emprunts en Flandre, mais furtout de l'ardeur défefpérée de fes troupes raffemblées enfin de toutes parts. L'armée frança:fe fous des chefs peu accrédités fe détruifait par les fatigues, la maladie & la défertion : les recrues venaient dificilement: il n'en était pas comme des armées de

Guftave

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