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tout, excepté chez les petites gens. Il sait tout, même un peu de médecine. Du reste il est charmant; son activité est prodigieuse, sa complaisance infinie. Le matin il va d'abord à l'Hôtel-Dieu pour pouvoir le soir parler des opérations qu'on y a faites; puis il court chez les personnages les plus éminents de la capitale, s'informe s'ils ont bien dormi, bien digéré, et laisse au suisse sa carte de visite; passe chez son pharmacien pour recevoir la remise des drogues qu'il y a fait prendre la veille; il se rend ensuite aux cours de la Sorbonne, à ceux de l'Observatoire, à la séance de l'Institut pour causer avec son ami Arago qui ne l'écoute pas, s'en revient par les Tuileries; va de là chez un banquier de la Chaussée-d'Antin pour lui demander à dîner; et, après y avoir fait briller son esprit, son érudition et ses cures étonnantes, un domestique en grande livrée vient le demander de la part de madame la marquise *** qui l'attend... pour le conduire aux Italiens, d'où il compte partir au milieu du second acte, parce qu'il a ses visites du soir à faire, et qu'il doit paraître à la réception du Ministre, ainsi qu'au bal de l'ambassadrice... Êtes-vous fières et heureuses, Mesdames, d'avoir un tel homme pour médecin, la coqueluche de Paris élégant! Il prolonge vos migraines, au besoin, vous crée des maladies pour vous envoyer à Bade ou aux Pyrénées, transforme vos vapeurs en fièvres nerveuses afin de vous rendre plus intéressantes, et vous fait dix visites pour une... Mais c'est tout gain pour vous et pour lui; vous le voyez plus souvent... et quel plaisir ne vous procure-t-il pas

avec ses jolies petites phrases germaniques, ses conso lations pleines de romantisme, ses marques du tendre intérêt qu'il vous porte!!! Il vous a fait hommage de son mémoire sur le magnétisme, fruit de son génie, récit fidèle de ses succès... vos moindres désirs sont pour lui des lois, des ordres ! Il devine et favorise vos plus secrètes pensées; et pour vous prouver son éternel dévouement, il vient d'obtenir du roi de Prusse la permission de prolonger indéfiniment son séjour à Paris. -Vous l'avez lu dans tous les journaux.- N'en croyez donc pas les mauvaises langues qui traitent votre cher Kroff de charlatan: ce sont des jaloux qui voudraient le renvoyer à Berlin... Qui sait ce qu'il deviendrait? garde du commerce, peut-être... car ces mêmes mauvaises langues ajoutent qu'il joint ici l'office secret d'espion à son industrialisme médical. Calomnie! calomnie! Ce cher Esculape des Juifs! Ce moderne Hippocrate du somnambulisme et de la mode! que de droits n'a-t-il pas à votre confiance, à votre affectueuse gratitude? Sans parler de sa science qui est universelle... Eh! qui oserait, sinon les mauvaises langues, — l'accuser d'ignorance? ses confrères? on on ne les croirait pas; ses auditeurs? il parle de chimie aux diplomates, et de diplomatie aux chimistes; ses lecteurs? on ne lui connaît qu'un ci-devant doctrinaire, amateur-né de galimatias; ses malades? il les fascine... ou les expédie pour un monde meilleur.

IV.

Le charlatan compilateur.

Tu viens, Plagis, de publier encore un gros livre; comme tes autres in-8° il est plein d'érudition, de recherches laborieuses, de citations savantes... Mais combien y a-t-il de pages de ton propre fonds? J'y vois bien tes efforts de style, ton artifice pour rajeunir des choses plus vieilles que toi, pour t'approprier ce qui ne n'appartient pas, ou pour donner de l'importance à des riens; mais de bonne foi, je n'y trouve pas une idée nouvelle, pas même un fait curieux, un récit amusant, des formes de langage qui puissent me dédommager du temps que j'ai mis à te lire... Plagis, crois-moi, pense un peu plus et écris un peu moins. Ne crains pas que la science y perde, ni que les bons lecteurs s'en plaignent... Veux-tu mème t'attirer leur reconnaissance, laisse-là, si tu peux, ton métier d'auteur, ou plutôt de compilateur sans génie, sans goût et sans esprit. Mais pardon, je me trompe sans doute; je calomnie tes intentions, n'est-ce pas? Tu n'écris ni pour la science, ni pour les gens instruits!... que t'importe une vaine gloire! Tu vises au solide, à la célébrité productive, à celle qui résulte de l'admiration du vulgaire quasi savant; et c'est à lui que tu t'adresses, rusé Plagis! Que tu le connais bien !... honneur donc à ton savoir-faire; continue ta lourde tâche qui veut la fin veut les moyens. Mais trouve bon que dans mes

insomnies je préfère l'opium à ton livre: en m'endormant l'un me procurera des rèves agréables; l'autre me donnerait le cauchemar.

RAPPORT

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION D'EXAMEN

POUR LES PRIMES DE 1853

Par M. Minangoin, Rapporteur.

§ 1. - Mise en valeur des terres incultes par la culture des céréales.

La question de la mise en valeur des terres incultes acquiert une nouvelle importance par les circonstances actuelles. La guerre enlevant à la consommation de l'Europe des quantités considérables de céréales qu'il faut impérieusement remplacer, c'est vers l'agriculture que se tournent tous les regards, toutes les espérances pour combler le déficit. L'importante découverte de l'effet du noir animal sur les landes défrichées est venue, il y a déjà quelques années, offrir au pays un moyen prompt et économique d'augmenter dans des proportions notables la production des céréales, et l'on comprend difficilement que la surface de la France renferme encore d'aussi vastes étendues de landes, alors qu'il suffit d'un bon labour, suivi de hersages énergiques, et de 3 à 4 hectolitres de noir animal pour obtenir des récoltes de froment et de colza dignes de nos plaines les plus fertiles.

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