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surveillance. La somme émise en circulation serait,

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d'après M. Boutard, divisée en billets-hypothèque<à-rente, et ces billets auraient cours forcé, »

J'avoue franchement que cette mesure du cours forcé attribué aux billets-hypothèque-à-rente a pendant longtemps éveillé mes scrupules. Je me suis demandé si elle était bien juste, si elle ne pouvait, dans un moment donné, présenter des embarras sérieux? Mais, en rapprochant cette disposition des prescriptions semblables auxquelles nous sommes soumis tous les jours, je me suis promptement convaincu que mes scrupules n'étaient pas fondés; en effet, peut-il y avoir injustice pour quelqu'un à mettre en circulation une valeur garantie pour deux ou trois fois sa valeur en immeubles? Est-ce que nous ne sommes pas tous obligés à recevoir, au cours légal, la monnaie d'or qui représente partout un peu moins que sa valeur circulante et qui, selon toute apparence, subira prochainement une dépréciation sensible, dépréciation qui pourrait devenir telle que les conséquences en fussent désastreuses, si an nouvel équivalent de l'unité monétaire qui est l'argent, équivalent fondé sur une valeur double et presque invariable, le sol, ne venait permettre à temps la démonétisation de l'or.

Autre exemple: Est-ce que, il y a quelques années à peine, nous n'avons pas été obligés d'accepter les billets de la Banque de France comme argent comptant? Or, si la mise en circulation obligée d'une valeur garantie seulement par le tiers de son chiffre en espèces a été sans inconvénient, quel mal voulez-vous attribuer à la

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mise en circulation d'une valeur garantie par deux et trois fois son chiffre d'émission?

Les mots cours force dont se sert l'auteur seraient donc bien plus convenablement remplacés par ceux de cours légal, puisqu'il s'agit d'un signe en papier représentant deux ou trois fois son équivalent en monnaie d'argent, et non de la valeur fictive et sans base, connue jusqu'ici sous le nom de papier-monnaie. Les gouvernements, en reconnaissant à ce papier le caractère d'équi valent à la monnaie d'argent jouissant du cours légal, ne feraient pas une chose moins juste ou moins honnête qu'en mettant leur empreinte sur la monnaie d'argent qu'ils fabriquent tous les jours, puisque cette monnaie-papier, sous sa forme nouvelle, offrirait toute garantie de sa valeur réelle en argent.

Il n'y a donc pas à hésiter à affirmer ceci: Les billetshypothèque-à-rente sont l'équivalent incontestable de la monnaie réelle en argent, le seul que l'on puisse appeler invariable, grâce à sa garantie de double valeur ; et å ce titre ils doivent être dotés du cours légal. Sans cette assimilation, rien n'est possible, et mieux vaudrait renoncer à tous les avantages résultant de la mobilisation du sol, si l'on devait contester les droits au signe représentatif de sa valeur.

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Quels sont donc les grands avantages résultant de la faculté nouvelle donnée à la propriété ? J'en vois deux principaux, Messieurs: 1° C'est de fixer d'une manière presque invariable entre 3 et 5 p. 010, le taux de l'intérêt; 2° de former une réserve inépuisable pour le crédit public et privé en temps de crise quelconque. En

effet, M. Boutard fixe l'intérêt de ses billets à rente à 3 213 ou 1 centime par jour pour cent francs. Ajoutez à cela pour droits d'émission à l'État, frais et honoraires variables, de 0=85° à 1=35° 010. Vous arrivez ainsi au taux de 4 112 à 5 p. 010 au maximum. Si la prospé rité publique est grande, si le numéraire est abondant et le taux d'intérêt modéré, bien certainement on usera peu de la faculté de création des billets-hypothèque-àrente; l'institution se ralentira d'elle-même. Pourquoi créer des valeurs nouvelles quand l'argent numéraire est suffisant et à un taux convenable? Mais vienne une crise commerciale ou autre, l'argent est insuffisant ou, faute de confiance, se retire. Oh! c'est alors que le fonctionnement des billets-hypothèque-à-rente rendra d'immenses services, non-seulement en venant en aide aux propriétaires obérés; mais protégée par le cours légal dont nous voulons doter son signe monétaire, la propriété non-obérée, chaque jour mieux convaincue de la solidarité de ses intérêts avec ceux de la richesse mobilière et commerciale, pourra dans certains moments se prêter à la création de billets-hypothèque-à-rente lorsque la différence entre leur taux d'émission et le taux réel de l'intérêt commercial lui assurera un bénéfice suffisant.

La conséquence logique et certaine de cette apparition d'une valeur incontestée ayant cours légal, venant, moyennant prime pour État, se substituer aux simples valeurs mobilières et commerciales sur le marché, arrêtera ou même préviendra les catastrophes qu'a subies à plusieurs reprises la fortune publique mobilière. Tels

sont, Messieurs, les avantages principaux qui m'ont paru résulter de l'étude attentive du système formulé dans le livre de notre honorable collègue. Ce système, élaboré surtout en vue de la propriété obérée, peut aussi bien s'appliquer à la propriété libre, active, agissante, désireuse de se mêler au mouvement général : c'est à ce double point de vue que je l'envisage, et c'est en l'organisant pour ce double objet que la richesse nationale et l'État y trouveront également leur compte.

Vous me permettrez de passer légèrement sur les chapitres qui ont trait au mode et aux conditions de l'emprunt, ainsi qu'au mécanisme des opérations, toute cette partie peut être modifiée selon les leçons que donnera l'expérience. J'insiste seulement sur le fait que le capital créé et mis en circulation n'aura rien coûté à personne puisqu'il n'est qu'une forme plus parfaite donnée à une valeur déjà existante. J'ajoute qu'il aura l'avantage de produire intérêt à tous les détenteurs des titres, en même temps qu'il bénéficiera à l'État, à l'aide d'un droit d'émission dont il est difficile d'évaluer le chiffre approximatif; mais laissons à l'auteur la responsabilité de ses calculs sur ce point, en faisant observer que ce revenu bien équitable, sur une base trèsmodérée, pourra devenir d'autant plus important pour l'État, qu'il servira nécessairement de prélude à l'établissement d'impôts semblables sur toutes les autres valeurs mobilières non commerciales qui en ont été si injustement dispensées jusqu'à ce jour.

Je n'ai rien trouvé à vous signaler de nouveau dans l'étude que l'auteur nous trace des fonctions du numé

raire et de la fixation d'un intérêt légal sinon que je les admets, mais pour l'argent seulement, à l'exclusion de toute espèce de denrée ou produit du sol. Il faut aussi lire et approuver l'article consacré aux valeurs fictives, et le chapitre qui traite des papiers-monnaie d'État ou assignats, pour être convaincu de la différence radicale que ces valeurs diverses présentent avec les billets-hypothèque-à-rente. Les premiers ont péri parce qu'ils manquaient de garantie réelle; les seconds par l'abus d'un usage sans contrôle. Or, les billets-hypothèque-à-rente sont préservés de ces deux écueils, ils ont une double garantie réelle dans l'immeuble affecté, et l'abus par l'État n'est plus à craindre, puisqu'ils ne sont pas crées par l'État, mais le produit de la libre volonté des particuliers.

J'ai anticipé dans mes réflexions sur l'ordre des chapitres. Je recommande de nouveau à votre attention celui qui a trait au cours forcé que j'ai appelé cours légal, puisqu'il s'agit d'un équivalent à la monnaie. Cette assimilation est sans danger, et peut seule assurer les conséquences bienfaisantes du système. Enfin, notre honorable collègue nous fait un tableau des frais d'administration, et nous présente un modèle d'organisation complète pour le personnel chargé du service des emprunts hypothécaires. Il me semble qu'il n'y a pas à innover sur ce point. S'il n'est pas possible de déterminer par avance les formes de ce service, je suis toutefois convaincu que le mouvement des affaires concernant la propriété territoriale en serait, en peu de temps, considérablement accru. Cela étant, il ne me

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