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figure fréquemment à la suite d'une date plus ou moins exacte de l'époque à laquelle cette épidémie se rapporte; mais on ne mentionne aucunes circonstances propres à donner une idée claire et précise de son caractère distinctif. En l'absence de toute détermination nosographique, j'ai dû, pour faire cesser autant que possible les incertitudes et les doutes qui jusqu'ici sont venus se heurter à cette question, m'attacher à rechercher avec soin les traces des épidémies de peste proprement dite, à les distinguer de celles qu'ont pu laisser certaines maladies populaires auxquelles cette dénomination a été fréquemment appliquéc, telles que la coqueluche, la suette, le trousse-galant, la caquesangne ou dysscnterie, la fièvre pétéchiale ou le typhus, la variole et la rougeole.

Quelques livres poudreux, quelques fragments inédits échappés à la plume d'anciens médecins dont l'esprit d'observation, que nous affectons de dédaigner, était au moins égal au nôtre, plusieurs manuscrits sauvés de la dilapidation de nos archives, les collections de l'Hôtel de Ville et du département, les études de notaires, telles sont les sources qui m'ont fourni les éléments de ce travail qu'il n'a pas dépendu de moi de rendre plus fructueux et plus complet sous le double rapport de la médecine et de l'histoire. Puissent les laborieuses investigations auxquelles je me suis livré, faire jaillir quelques traits de lumière sur plusieurs points encore obscurs des annales de notre pays, et ajouter d'utiles matériaux à la science de l'homme.

Dans un premier chapitre, je déterminerai la position géographique de Tours, sa température moyenne, la

composition minéralogique du sol sur lequel la ville est assise, les cours d'eau qui l'arrosent; sa description au XV et au XVIe siècle; la nourriture des habitants, leurs mœurs, leurs habitudes, leurs principales occupations ; les aliments et les boissons qui servaient à la subsistance de chacun ; sa population approximative, etc. Puis j'examinerai d'une manière générale les causes principales qui pouvaient avoir une influence marquée sur la salubrité de la ville. Après avoir présenté ces notions préliminaires dans le but de rendre plus facile l'étude des grandes questions qui se rattachent à toutes les grandes épidémies, au calcul général de leurs causes et aux conditions de leur manifestation. J'exposerai dans un second chapitre l'ordre chronologique de leurs apparitions successives, leur durée, leurs symptômes caractéristiques, leur marche, leur mode de propagation, les méthodes de traitement qui ont été le plus constamment suivies et enfin les mesures prises par les autorités locales pour prévenir leur développement, en arrêter les progrès et secourir les individus atteints.

CHAPITRE PREMIER.

Tours est situé à 1° 38' 36" de longitude O, et au 47° 23' 46" de latitude N. Sa hauteur moyenne audessus du niveau de la mer est de 55 m. 4. La moyenne annuelle de sa température est de 14 +0, celle des étés de 22° +0: celle des hivers de 3° 0.

La hauteur moyenne du baromètre donne 74, 86; celle de l'échelle hygrométrique marque 98° en hiver, 96° au printemps, 88° en automne, 80° en été ; les vents qui

règnent le plus habituellement dans le cours d'une année sont le sud-ouest et le nord-est.

Le nombre annuel des jours sereins atteint a peine 90, celui des jours nuageux ou variables est égal à 120; celui des jours de pluie à 94. Le printemps est la saison dans laquelle on remarque un plus grand nombre de jours pluvieux, puis vient l'automne; l'été et l'hiver sont, à une petite différence près, aussi chargés l'un que l'autre. La neige est rare et séjourne peu de temps sur le sol; la gelée compte 21 jours; le nombre moyen des jours de brouillards et d'orages est peu élevé.

Rien n'établit que le temps ait apporté la plus légère modification dans la constitution climatologique dont je viens de faire connaître les principaux éléments. Soumis à des lois générales, immuables dans leurs effets comme dans leurs causes, le climat de la Touraine est aujourd'hui ce qu'il était aux xv et xvi° siècles, époques auxquelles appartient la plus grande partie des faits qui forment la substance de ce mémoire.

Le sol sur lequel la ville est assise se compose de remblais, d'alluvions modernes, de cailloux roulés dont une partie a une origine assez ancienne ainsi que j'ai pu m'en assurer par les forages artésiens et les travaux du chemin de fer. Ces diverses couches atteignent parfois jusqu'à dix mètres de puissance avant d'arriver à la craie qui constitue le fond du bassin dans lequel elles ont été déposées. Elles sont remplacées, à une certaine profondeur, par une formation d'argile plastique qui recouvre les cailloux roulés et le lit de sable superposé à la craie. Les eaux ménagères et pluviales, les infiltrations des

fosses d'aisance courcnt sur le sol d'argile et alimentent les puits dont le forage n'a pas traversé cette couche. Audessous de celle-ci une nappe d'eau très-abondante, fraîche, limpide et agréable à boire, baigne les cailloux roulés et le sable supérieur à la craie.

Tours occupait aux xve et xvi siècles, sur la rive gauche de la Loire, un emplacement formé par un terrain plat dont la surface était de cinquante hectares. Son plus grand développement était de l'est à l'ouest, et sa largeur moyenne quatre fois moins étendue que sa longueur. On peut se faire une idée assez exacte de l'enceinte irrégulière qui l'enveloppait à cette époque, en traçant sur le plan actuel de la ville, une ligne qui, partant de la tour feu Hugon, ou, pour mieux dire, de l'angle nord-ouest de la rue de la Bretonnerie, se prolongerait parallèlement à la Loire jusqu'à la place Foirele-Roi, de là continuerait son trajet à l'ouest, en suivant les contours du Port-Bretagne et tournerait brusquement au sud au moment d'atteindre la rue de l'Egoût-des-Tanneurs. Dans cette nouvelle direction; elle parcourrait, dans son plus grand diamètre, l'espace compris entre la rue Bonaparte et celle des QuatreVents, et après avoir traversé une portion de la Place Victoire, la rue de la Grosse-Tour, la place St-Clément, quelques mètres au nord de la place d'Aumont, elle se briserait de nouveau pour se diriger entre la rue Néricault-Destouches et la rue Rabelais, atteindrait le mail du Chardonnet et la rue de la Guerche. Là, formant un angle rentrant dont le sommet serait placé à quelque distance de l'alignement de la rue Boucicaut, elle continuerait

de se prolonger dans cette direction, mais en inclinant légèrement au nord-est, gagnerait la place de l'Archevèché et irait, à travers la cour et le jardin du palais, aboutir à la rue du Petit-Cupidon; arrivée à cette hauteur, elle marcherait à l'est jusqu'à l'angle nord-ouest de la rue de la Bretonnerie qui nous a servi de point de départ.

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Cette enceinte dont le mur avait une hauteur moyenne de 21 pieds sur 8 de largeur, était entourée de fossés et défendue par des tours carrées placées à certaines distances, garnies de créneaux, de machicoulis, de galeries en saillie, etc. N. de Nancel, ce médecin du xvi° siècle, dont j'aurai plus d'une fois occasion de parler, comptait, en 1579, dix-sept grosses tours très-élevées, « qui, dit-il, sont un empeschement à la santé du peuple. La ville ayait alors treize portes, sans comprendre dans ce nombre celles qui fermaient le cloître St-Martin dans lequel se trouvait enclavé celui de St-Venant, le cloître de St-Pierre-le-Puellier. le cloître de St-Gatien. Chacune de ces portes avait pont-levis, herse, barrières au devant, corps de garde au bas et au-dessus de la porte qui était crénelée. Tours se divisait en quatre parties: 1 La Cité; 2o la Ville-Neuve, espace compris entre la Cité et Château-Neuf; 5° la Martinopole ou le Château-Neuf; 4° les faubourgs au nombre de cinq, la Riche, St-Eloi, S-Etienne, St-Pierre-des-Corps, St-Symphorien. On comptait six places publiques, six fontaines, 138 rues, 4,500 maisons.

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Sur la rive droite de la Loire, qui se divisait en deux bras pour former l'ile Auquart, puis se réunissait pour se diviser de nouveau et former l'île St-Jacques, se trou

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