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DISCOURS

DE

M. LE GÉNÉRAL D'OUTREMONT, PRESIDENT.

Messieurs,

L'année passée, à pareille époque, je vous ai entretenus des nouveaux progrès de l'agriculture dans ce département, et de ceux que vous étiez encore en droit d'attendre. Ces espérances se sont réalisées, et vous en trouverez la preuve dans le nombreux concours des agriculteurs, qui, cette année, ont réclamé l'examen de votre commission d'enquête. L'exposé qui va être mis sous vos yeux, développera les améliorations que la commission a constatées. Si la modicité de vos ressources ne vous a pas permis de décerner des prix à tous les genres de mérite qui vous ont été présentés, vous aviez du moins réservé, pour ceux qui ne sont pas couronnés, d'honorables mentions qui les font connaître et les classent au rang des plus habiles cultivateurs.

Vous avez, pour la continuation de vos utiles travaux, tout à espérer encore du concours bienveillant du gouvernement, de celui de l'administration supérieure du département, et de la sollicitude éclairée du conseil général.

Parmi les récompenses qui vont être proclamées, il en est une sur laquelle je vous prie, Messieurs, de me permettre une courte digression. Je veux parler de la

prime accordée aux serviteurs à gages qui restent le plus de temps chez leurs maîtres. Je connais peu de sujets qui, dans les circonstances actuelles, méritent, à un plus haut degré, d'appeler l'attention des hommes qui s'occupent essentiellement de l'agriculture.

En effet, Messieurs, un cri général s'élève de tous côtés contre cette funeste tendance qui pousse hors de chez eux les habitants des campagnes. Partout on réclame des bras que l'on ne trouve plus, et de vastes terrains restent incultes, qui seraient aujourd'hui fertilisés, sans cette privation de la première de toutes les res

sources.

Nous n'avons pas la prétention de réformer notre siècle, qui paraît s'être voué au mouvement perpétuel : Le genre humain est en marche, écrivait, il y a trente ans, l'abbé de Pradt, dans son style paradoxal. Jamais, assurément, prédiction ne s'est accomplie avec plus d'exactitude. Loin de nous la pensée de chercher, en rendant prédiction pour prédiction sur cette fusion future de toutes les nationalités, à assombrir le brillant horizon qui se déroule devant nous !

Nous n'avons pas non plus l'intention de discuter ici la prééminence de l'agriculture ou du commerce, L'un produit, l'autre exploite la production. Selon nous, ces deux principaux éléments de l'existence de toute société humaine doivent marcher de pair, se prêter un mutuel appui; car l'un sans l'autre ne saurait subsister.

Mais ce que nous devons dire et répéter, c'est que de tous les travaux auxquels l'homme en naissant est condamné, le plus antipathique au déplacement de la population est, sans contredit, l'agriculture. La terre

ne se transporte pas, et, pour en retirer les fruits, il faut rester sur elle. C'est cette nécessité, ce sont les difficultés qui la suivent, ce sont les espérances et les craintes tour à tour conçues, tour à tour dissipées, qui attachent l'homme au sol et le lui font chérir, et l'amour du sol est inséparable de celui de la patrie.

Les peuples agriculteurs ne comprennent pas une vie nomade. Le peuple français, essentiellement agriculteur, en avait toujours donné la preuve, car dans toute l'Europe il est celui qui s'expatrie le moins ; qui s'éloigne le moins de sa famille. Quel étrange changement dans ses habitudes et ses principes primitifs l'entraîne vers cette vie errante pour courir après l'ombre trompeuse d'un bonheur qu'il n'atteindra pas?

S'il ne nous est pas donné d'arrêter le mal, il est du devoir des sociétés d'agriculture de chercher à en atténuer au moins les effets. L'un des principaux moyens est d'encourager, de récompenser ces hommes laborieux que ne séduit pas un déplorable exemple, et qui se vouent à la culture des champs. C'est aux pères de famille à inspirer à leurs enfants l'amour du foyer domes. tique, et à ne pas céder avec une indulgence coupable à leur désir de s'en séparer. Élevés et nourris dans ce sentiment qu'il n'y a rien de mieux que sa famille, rien de plus utile, rien de plus honorable que la culture du champ paternel, les enfants s'habitueront de bonne heure à cette idée, et peu à peu les bras reviendront aux travaux qu'ils ne devraient jamais abandonner.

Déjà dans ce département vous en avez un exemple, bien faible, à la vérité, mais qui semblerait présager moins de propension à se déplacer. L'année dernière,

il ne s'est présenté que seize concurrents pour la prime dont nous nous occupons. Cette année, ils sont près de trente, et c'est un progrès et un bon progrès.

Vous concevrez, Messieurs, tout ce qu'un pareil thème peut entraîner de développement. Je dois m'arrêter et me borner à l'ébaucher. C'est un sujet qui, pris d'un point de vue élevé, mérite de graves réflexions qui, sans doute, ne vous échapperont pas.

Heureux celui qui n'a jamais vu que la fumée du foyer paternel! C'est ainsi que s'exprime, dans son épisode de René, M. de Châteaubriand, lorsque, fatigué de ses longues pérégrinations, après avoir beaucoup vu, beaucoup appris, il rentra dans sa patrie, et n'y trouva autour de lui que l'isolement et le vide.

Sans doute, rien n'est plus séduisant que les voyages. Ils meublent l'esprit d'une variété infinie de connaissances; ils familiarisent avec les mœurs étrangères. Mais que l'avenir du voyageur est différent de celui que s'est créé l'homme qui, resté fidèle au toit paternel, a vécu, sur les champs qu'il a toujours cultivés, au milieu de sa famille, et sans cesse entouré de ces soins et de ces affections qui rendent si doux les derniers instants de la vie! Combien d'hommes, revenus après une longue absence sous le toit qui les vit naître, et s'y trouvant, pour ainsi dire, étrangers, se disent avec amertume: ‹ Ah! pourquoi l'ai-je quitté !

RAPPORT

DU

SEGRÉTAIRE PERPÉTUEL.

Messieurs,

C'est une grande et noble pensée que celle qui présidait, il y a bientôt un siècle, à l'établissement de la société d'agriculture de l'ancienne généralité de Tours. Cette société, la première qui ait été fondée en France, était destinée, par l'édit de 1761, à servir de modèle à toutes celles qui ont été créées depuis, et qui exercent aujourd'hui une si heureuse influence sur l'agriculture. Chargés de continuer cette œuvre importante, vous n'avez point failli à la mission qui vous a été confiée. Vous avez compris, tout en poursuivant la pensée qui a présidé à votre institution, que vous devicz tenir compte des progrès de la science et des tendances de notre époque. C'est ainsi que les arts, les sciences et la littérature sont venus agrandir le cercle de vos travaux et apporter à vos réunions un nouveau degré d'intérêt. Les études auxquelles vous vous êtes livrés, les faits que vos différentes commissions ont constatés, prouvent que notre agriculture et notre industrie, jugées jusqu'à ce jour sur des observations inexactes, peuvent, sur plusieurs points, soutenir la comparaison avec les départements les plus favorisés. Ces résultats, auxquels vous avez contribué autant qu'il était en vous, sont dus aux encouragements donnés

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