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à la surface du sol, et de celles qui sont immédiatement au-dessous.

Comme pour les irrigations, le drainage exigerait une loi spéciale, qui autorisât les propriétaires de fonds à travailler sur ceux de leurs voisins. En effet la condition principale de l'opération est de faire écouler souterrainement les eaux sur un canal, un fossé, un ruisseau, qui peuvent ne pas se trouver chez eux.

A l'inspection des terres, on connaît celles qui ont besoin d'être égouttées, par la production des plantes aquatiques, telles que les menthes, les renoncules, les joncs, etc., par la difficuté de les travailler l'hiver, et encore par le séjour des eaux dans les fossés, creusés de profondeur.

à

peu

Le drainage exige certaines connaissances pratiques, telles que le nivellement, l'établissement des drains, un peu de géométrie et de géologie; il doit être dirigé par des hommes spéciaux, qui saisissent par habitude la conformation du sol, pour la bonne direction à donner aux canaux, ainsi que la profondeur à laquelle ils doivent être construits.

A cet égard, nous dirons en passant, combien serait utile pour les campagnes la création d'ingénieurs agricoles brévetés: à présent surtout que les sciences mécaniques, physiques et chimiques, font marcher l'agriculture avec tant de progrès. Ces ingénieurs se mettraient en rapport avec les habitants des campagnes; ils les préserveraient souvent d'ètre dupes de trompeurs intrigants.

Selon la nature des terres, plus ou moins argileuses,

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et le niveau de la couche imperméable du sous-sol, les lignes de drains sont plus ou moins rapprochées les unes des autres. Les drains principaux suivent la pente du terrain, et les secondaires de plus petites dimensions qui les recroisent. Leur ensemble présente un réseau au-dessous de la couche arable, dont la distance des lignes a en général de 3 à 12 mètres.

L'auteur de l'ouvrage dont il s'agit entre dans les plus grands détails sur la construction de ces canaux d'écoulement, l'espèce de matériaux qu'il convient d'y employer, les outils dont il faut se servir, le prix de revient par mesures anglaises, mais rapportées par le traducteur en mesures métriques, etc.

Plusieurs méthodes, pour la construction des conduits ou égouts au fond des tranchées, sont mises en pratique de simples pierres cassées ou des cailloux roulés; des tuiles ordinaires, les unes posées horizontalement, formant la sole, les autres inclinées en triangles; le tout recouvert sur une certaine hauteur de pierrailles. On emploie aussi des tuiles creuses demi-circulaire, appuyées comme précédemment sur une sole en tuiles plates. Enfin, on donne la préférence à des tuyaux en terre cuite, percés de trous, pour l'introduction de l'eau.

Toutes les tranchées faites pour la mise en place des canaux, sont ensuite comblées, avec la terre qui en est sortie; rien ne paraît à la surface du sol, il se trouve tel qu'il était avant l'opération.

L'industrie a porté si loin la fabrication des tuyaux en terre cuite, au moyen des machines, qu'on en

obtient au prix de 22 fr. le mille, même au-dessous, de 0 38 de longueur, sur 9 centimètres de diamètre.

La dépense du drainage d'un hectare de terre à 076 de profondeur avec ces derniers tuyaux, distants depuis 10 jusqu'à 40", varie de 412 à 103 fr.

L'auteur du Guide du draineur cite des produits, résultat de travaux, qui paraissent fabuleux entre autres certains qui rapportent le double et le triple de ce qu'ils donnaient avant l'opération.

Un des articles de l'ouvrage, qui présente un grand intérêt, est celui de la répartition entre le propriétaire et le fermier, des frais pour l'établissement d'un drainage. Après un exposé et une discussion lumineuse.de cette importante question, l'auteur est porté à conclure que le fermier doit y contribuer pour un tiers, le reste doit être à la charge de l'autre, le premier payant en nature par les travaux faits par ses ouvriers et ses attelages, le propriétaire pécuniairement; que pour un bail de dix-neuf ans, ce dernier, pour rentrer, dans ses frais, avec intérêts composés, doit trouver à fin de bail une augmentation de revenu de 8 p. 070. Le fermier, en raison de ce qu'il ne doit retirer aucun bénéfice à la fin de son bail, doit obtenir un bénéfice de 25 p. 070 de ses dépenses.

Quelques séduisants que soient, pour l'agriculture française, ces beaux résultats, dont il faut souvent se défier, elle ne peut s'exposer à faire des travaux de drainage si dispendieux, sans auparavant avoir quelques chances de succès, résultant d'expériences

faites en grand par l'État, ou par des encouragements pécuniaires donnés par lui.

Qui sait si un drainage trop énergique ne nuirait pas aux plantes, après une longue sécheresse, et si la force de gravité, l'emportant sur celle de la capillarité, qui tend à élever l'eau retenue dans la couche imperméable à celle qui est cultivée, les végétaux ne seraient pas exposés à mourir par sa privation.

Le drainage doit nuire aux prairies naturelles, qui n'étant plus arrosées que par des eaux filtrées à travers des tuyeaux de terre cuite, se trouvent dépourvues conséquemment d'alluvions et de sels aériens, et perdent les engrais naturels qui les fertilisent, lorsque ces engrais sont entraînés par les eaux coulant à la surface du sol.

Quoi qu'il en soit de ces inconvénients qu'on pense redouter sur certaines parties du pays: qu'on juge à présent, si l'État pouvait faire la moitié (cent millions) de ce que vient de faire l'Angleterre, pour son drainage, de quel bienfait jouirait l'agriculture, par l'augmentation des produits des céréales et de toutes autres plantes utiles, par la salubrité des campagnes, par l'assurance de travail aux classes nécessiteuses qui les habitent, en y répandant conséquemment l'aisance. Enfin, cet acte de munificence ferait naturellement baisser le cours des grains dans le même rapport qu'en Angleterre, et assurerait la continuation de leur exportation.

Dans de telles circonstances, nous croyons devoir demander que la Société d'agriculture invite d'une

manière pressante M. le Ministre, qui s'occupe déjà avec la plus grande sollicitude de faire expérimenter ce nouvel art, de faire faire aussi des expériences dans notre département, dont les plateaux sont argileux en majeure partie, notamment aux fermes-écoles, surtout à la colonie de Mettray, à ce grand établissement dirigé avec autant de zèle que d'intelligence. Il serait à désirer que toutes sortes d'outils et de machines propres aux drainages y fussent mis en usage. Cette colonie deviendrait une école, où les agriculteurs viendraient s'instruire sur les moyens d'égoutter les terres ; les fabricants de poterie et de tuiles, si nombreux dans ce pays, apprendraient à construire avec des machines des tuyaux de terre cuite, à bon marché, servant à ces égouts souterrains.

Nous demandons de plus que sur les fonds de la Société, on fasse l'acquisition du Guide du draineur, qui fait l'objet de ces écrits, ainsi que de quelques autres ouvrages les mieux réputés sur cette matière. Tours, le 9 novembre 1850.

DEROUET,

Chef de bataillon du génie, retraité.

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