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cercle par rapport au soleil; 9° Enfin, le lever et le coucher du soleil.

Contrairement à la vignette un peu grossière que je mets sous vos yeux, sept cadrans seulement sont sur le devant et deux sur les côtés. Il serait à souhaiter, dans l'intérêt de l'artiste, nous ne craignons pas d'appeler ainsi l'auteur de cette pièce, il serait à souhaiter qu'une gravure plus correcte et micux exécutée retraçat aux yeux l'harmonieuse disposition du mécanisme entièrement visible à travers les glaces qui le renferment.

J'appellerai, Messieurs, cette pièce merveilleuse eu égard à l'instruction de Joseph Cusson qui ne sait bien juste que lire et écrire, qui ne connaît du calcul que les fractions et qui n'a jamais reçu d'un horloger les moindres notions de cet art.

Pour des hommes vieillis comme nous dans le métier, après le coup d'œil jeté sur l'ensemble d'une pièce d'horlogerie, ce qui fixe premièrement l'attention, c'est l'exécution; aussi est-ce par là que notre examen a dù commencer. Eh bien! Messieurs, nous le dirons franchement, cette exécution ferait honneur à bien des ouvriers munis de tous les instruments dont cette industrie dispose. Notre surprise a donc été grande en voyant qu'un homme armé seulement d'un compas, d'une scie et d'une lime ait pu parvenir à diviser et à arrondir avec autant de précision les dentures de toute sorte dont se compose cette machine.

Nous avons admiré l'harmonie parfaite de la composition, la force motrice bien répartie; enfin, l'ex

cellent choix des nombres des roues et des pignons.

Quelques personnes frappées d'étonnement, à la vue de cette horloge, ont demandé à l'auteur pourquoi il n'avait pas uniquement employé le cuivre et l'acier au lieu du fer et du bois. La réponse de Cusson a été très-simple: Mon outillage et mon temps, at-il dit, ne me le permettaient pas. On conçoit; en effet, qu'il ait cherché les moyens les plus prompts de réaliser en quelque sorte son idée, son rêve, si je puis m'exprimer ainsi; pour moi, si je possédais le génie inventif de ce cultivateur, je ne trouverais point de matière assez docile à mes conceptions.

Quant à la mesure du temps, proprement dit, età la sonnerie, notre jeune mécanicien ne craint pas de perdre l'intérêt qu'il inspire en avouant qu'il a vu et examiné une pendule et même une grosse horloge. En effet, on remarque que la sonnerie fonctionne à l'instar des horloges dites Comtoises et que l'échappement est celui de Lepaute adopté dans les régulateurs et dans les horloges de clocher bien construites.

Joseph Cusson ne se trompe point. Cet aveu ne lui saurait être défavorable, car il faut une haute intelligence pour imiter, pour reproduire dans des proportions très-différentes, sans s'écarter des bons principes, un mécanisme (je veux dire l'échappement qui n'est pas toujours bien compris par les ouvriers qui s'occupent spécialement de cette partie de l'horloge lorsqu'ils ne possèdent pas la théorie).

On peut donc conclure que son génie lui a tout fait

deviner, quoiqu'en suivant une route différente de la pratique ordinaire.

Pour composer une pendule, un horloger part de la roue centrale faisant un tour par heure et cherche un rouage approprié au nombre de vibrations déterminé par la longueur du pendule, puis une autre partie de rouage ayant pour objet de faire faire à cette roue centrale le nombre de tours voulus pendant plusieurs jours, sans être obligé de remonter le poids ou de tendre le moteur.

Lui, au contraire, a pris le pendule pour point de départ, et distribuant chemin faisant ses nombres, suivant les effets qu'il voulait produire, il est arrivé d'un seul jet à la première roue motrice.

Voici un aperçu de sa manière de calculer:

Son pendule fait une vibration par seconde. Il a donné à la roue d'échappement 36 dents; son pignon de 7 ailes engrène dans une roue de 70, qui, par conséquent fait 5 tours par heure. Cette roue porte un autre pignon de 7 ailes engrenant aussi dans une seconde roue de 70, donnant ainsi un demi-tour par heure. Un pignon attaché à cette roue et qui a 10 ailes, engrène dans une dernière roue armée de 60 dents. qui ne faisant que le 6e d'un demi-tour dans le même laps de temps que la dernière, devient la roue des heures, etc., etc.

Nous ne prolongerons pas davantage ces calculs qui pourraient fatiguer votre attention, je vous parlerai seulement du moyen ingénieux mis en usage par cet ingénieux jeune homme pour résoudre un problème

bien difficile et dont la solution ne nous était pas connue, je veux dire le moyen d'obtenir exactement le mois lunaire, ou une roue qui fasse juste un tour pendant que le soleil, en temps moyen, parcourt 29 jours 12 heures et 45 minutes.

Il est vrai que le mois lunaire est rigoureusement de 29 jours 12 heures 44 minutes 2 secondes et 50 tierces, mais dans la pratique cette différence est inappréciable; et, d'ailleurs, le seul guide en astronomie que possédât notre mécanicien, intitulé: Som-maire de la Géographie des différents âges et Traité de Sphère et d'Astronomie à l'usage des maisons d'éducation, le faisait, comme lui, de 29 jours 12 heures 45 minntes. Voici son calcul:

En réduisant en quarts d'heure les 29 jours 12 heures 45 minutes, il a trouvé 2,855 quarts d'heure. Il en a formé par la multiplication les deux nombres 45 et 65, dont le produit est juste 2,855.

Je vous signalerai encore l'adresse particulière avec laquelle il a exécuté son cadran lunaire et la profonde intelligence qu'il a déployée dans la solution d'un autre problème non moins difficile que le précédent (1): la date de tous les mois, même dans les années bissextiles. La manière dont il fait marquer à son horloge le lever et le coucher du soleil et de la lune mérite d'être remarquée. A l'aide de deux manivelles adaptées au bout de l'arbre de la roue de l'année,

(1) MM. Shwilgué et Gilles ont résolu ce problème. Cusson n'en avait pas probablement connaissance, au moins son moyen n'est pas le même; il me semble l'emporter sur ses devanciers par la simplicité.

faisant verticalement un tour par an, montent ou descendent des coulisses suspendues par des cordons au devant des cadrans que parcourent des aiguilles représentant à gauche le soleil, à droite la lune dans leur marche quotidienne.

Nous ne voulons pas vous entretenir plus longtemps d'astronomie et nous allons glisser rapidement sur ce qui a rapport aux mécaniques placées au sommet de ce calendrier, telles que l'apparition de l'Ange à Marie; la sonnerie de l'Angelus; Jésus-Christ poursuìvant la Mort, enfin le coq battant des ailes quoique perché sur le haut d'une tourelle.

Ce couronnement est celui de la pensée mystique de l'auteur qui, par la symétrie des cadrans, a eu l'intention de représenter un calice, symbole de la rédemption. Il voit dans les heures et les minutes le guide du travailleur; dans les secondes les pulsations du sang et l'avertissement de la rapidité avec laquelle le temps s'écoule.

Cinq minutes avant l'heure, la Mort, dit-il, est chassée par Jésus-Christ, pour nous apprendre que le moment fatal n'est pas arrivé; mais bientôt il l'a ramène pour nous montrer que nous n'échapperons point à la faux dont elle est armée. Enfin, Marie, qui tremble à l'approche de l'Ange, le tintement de l'Angelus, voilà le mystère de l'incarnation.

Comme vous le voyez, Messieurs, votre jeune mécanicien est un philosophe éminemment religieux, et, dans le siècle où nous vivons, nous ne saurions trop l'en féliciter.

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